Les Cahutes de Louise : des séjours pour les familles d’enfants malades

Permettre à des familles éprouvées par la maladie d’un enfant de « sortir de chez elles », créer une bulle d’air, d’intimité et de beauté : telle est l’ambition, profondément humaine et extraordinairement bien pensée, des Cahutes de Louise (site ici). Un projet né dans la douleur, mûri dans l’expérience, et porté aujourd’hui avec vigueur par Camille Verduzier, architecte de formation et mère de Louise, disparue en 2021 à l’âge de 14 ans.
Car c’est dans l’intime, l’expérience, le concret que l’idée des Cahutes a pris racine. « Ce qui nous a portés, pendant toutes ces années, c’est de pouvoir partir. Pas loin. Mais partir quand même. » Avec un enfant malade, on ne s’éloigne jamais. Les séjours en hôpital, la vigilance médicale permanente, la peur du contretemps imprévu rendent toute escapade compliquée. Camille et sa famille inventent alors une forme de fugue localisée : des chambres familiales dans des hôtels proches, parfois même dans leur propre ville. « On faisait notre petit sac, on sortait de chez nous. On vivait un moment ensemble, hors de notre quotidien, hors du cadre. C’était précieux. »
Une idée, un besoin, un métier
Camille Verduzier est architecte. Elle dirigeait, à Marseille, l’une des plus importantes structures du Sud de la France. Une professionnelle aguerrie. Elle découvre un fabricant de micro-habitats écologiques français. « J’avais repéré cette entreprise. J’avais gardé ça dans un coin de ma tête. » Quand vient le moment d’agir – après le décès de Louise – le lien s’impose de lui-même : utiliser ces maisons mobiles comme base d’un projet pour les familles concernées par la maladie chronique d’un enfant.
Mais pas n’importe où, pas n’importe comment. Il faut que l’expérience soit belle, simple, structurée. Il faut que l’on puisse partir « sans s’éloigner ». Il faut que l’hôpital soit toujours proche. Il faut, aussi, que l’on ait envie d’y aller.

Trois cahutes, une architecture du répit
Le principe est clair : un site majestueux, deux cahutes habitables, une cahute-serre. Les premières peuvent accueillir quatre personnes chacune, permettant de loger des familles nombreuses ou recomposées, voire deux familles en même temps. La troisième, vitrée, est un espace de jeu, un abri quand il pleut, un prolongement de l’intimité familiale. Jeux de société, boules de pétanque, cannes à pêche, machine à chocolat chaud… Tout est pensé. « Ces cahutes sont les seules tiny houses homologuées par la DREAL en France. Elles sont conçues pour être totalement autonomes : pas question de tomber en panne d’électricité. Elles sont belles. C’est essentiel. On ne va pas à Chambord avec un camping-car. Mais avec une architecture adaptée, on peut. »
Chaque trio de cahutes est déplacé toutes les sept semaines environ, d’avril à novembre. En Centre-Val de Loire, elles ont déjà été installées à Chambord, Amboise, Chenonceau, Talcy ou Candé.

Des séjours gratuits, sur-mesure et sans contrainte
Tout est fait pour que les familles puissent partir « sans penser à rien ». Linge, panier gourmand, équipement complet, réservation souple. Une simple adhésion de 20 euros par an suffit pour accéder à plusieurs séjours. La seule exigence : une validation du médecin référent. Si l’enfant est en aplasie ou ne peut venir, le séjour est reprogrammé. « On ne demande pas d’acompte, rien. L’essentiel, c’est de se projeter. »
Le budget, lui, est conséquent. Une ouverture régionale nécessite 180 000 euros d’investissement. Camille Verduzier a financé les trois premières cahutes grâce à la vente de ses parts dans son agence d’architecture. « Je n’ouvre une région que si j’ai le budget est bouclé. Pas d’emprunt. Pas de risques. »
Aujourd’hui, six cahutes sont opérationnelles : trois en Centre-Val de Loire, trois en Île-de-France. Trois autres sont en construction pour 2026, en Pays de la Loire.
Une organisation maîtrisée
Rien n’est improvisé. En Touraine, deux personnes assurent les accueils. En Île-de-France, Camille Verduzier met en place une équipe de cinq bénévoles par site. « Il faut que quelqu’un puisse intervenir rapidement s’il se passe quelque chose. » Les familles sont contactées via les hôpitaux partenaires, mais aucun fichier nominatif n’est transmis. Pour garantir un bon équilibre, Camille s’est rapprochée de la Fondation Santé Service, le plus gros donneur d’ordres d’hospitalisation à domicile d’Île-de-France, et de ses partenaires (Gustave Roussy, Institut Curie, etc.). « Si on s’adressait à tous les hôpitaux pédiatriques de la région, on serait sous l’eau. »
Des retours à la hauteur
En deux saisons, plus de 290 personnes ont été accueillies. Et les retours sont unanimes. « Ce qu’on nous dit, c’est que les enfants déconnectent. Ils découvrent la nature, les animaux. Les parents nous disent : ‘je craignais pour mes ados sans tablette, sans wifi… mais au final, ils jouent à des jeux de société, cueillent des fleurs, observent les papillons.’ »
En outre, pour de nombreuses familles, visiter un château de la Loire est hors budget. « Grâce à nos partenariats, elles y ont accès gratuitement, en plusieurs fois, à leur rythme, avec un bracelet VIP. C’est une autre façon d’aborder la culture, un accès différent, doux, respectueux. »
Un projet intime, universel
Accueillir une famille, via ce projet des Cahutes, est toujours émouvant, forcément. « Ce n’est jamais anodin. Mais c’est aussi une façon de faire exister Louise. Et surtout, nous accueillons sans connaître la pathologie de l’enfant. On se détache de la maladie. C’est plus simple pour moi, et surtout pour eux. »
Dans le développement des Cahutes de Louise, Camille Verduzier ne cherche pas la grandeur. Elle cherche la justesse. Même si la constitution d’un réseau national ressemble à une forme d’aboutissement. « Je le fais au gré des rencontres. Je ne veux pas me mettre de pression. » Et elle avance. Parce que des familles l’attendent. Parce que, même sans bruit, le bouche-à-oreille fait son œuvre. Parce que les besoins sont là, immenses. Mais cette solution des Cahutes de Louise par forcément bien connue sur le territoire. « Il faut inviter les familles de la région à venir, souffle Camille. C’est ce qui a été le plus dur au début : les faire venir. »
Autre enjeu, recueillir des fonds. De donateurs privés. « Même pour de petites sommes. 700 personnes qui donnent 10 ou 20 euros, ça permet de financer un poste. Il n’y a pas de petite contribution », assure Camille Verduzier. Son projet est exemplaire de clarté, de rigueur et d’humanité. Né de l’épreuve, il avance, porté par une exigence rare. Encore discret, mais déjà essentiel.
Plus d’informations : lescahutesdelouise.org