Parce que Loéline Grimaud rêve en grand

Loéline Grimaud a 19 ans. Porteuse de trisomie 21, elle refuse que son handicap définisse les limites de son existence. Depuis son plus jeune âge, elle a nourri des projets, toujours soutenue par une famille prête à briser les barrières administratives et sociétales. « Elle a toujours eu plein d’idées dans la tête, plein de projets, que ce soit dans la vie personnelle ou professionnelle, avec toutes les difficultés que cela implique quand on est porteuse d’un handicap », confie sa mère, Sylvie. « Mais elle a une détermination et une force que d’autres n’ont pas. Elle veut qu’on lui donne les moyens de réaliser ce qu’elle veut. Sinon, elle est malheureuse. » Une conviction qui l’a conduite à défier les cadres établis, que ce soit en remportant à un concours de miss, en s’illustrant en cuisine, en défilant, avec du shooting photos, de la couture, ou en suivant une formation avec sa chienne Unik.

L’éducation de Loéline a toujours été rythmée par une stimulation constante. Loin de l’image que certains se font du handicap, elle a grandi avec un chien d’assistance, un golden retriever, formé par l’association Handi’chiens. « Ce chien l’accompagnait partout mais l’a aussi stimulée dans son quotidien », raconte Sylvie. « Elle peut paraître tout à fait normale, mais il y a des choses qui lui demandent énormément d’énergie. Le chien permettait de créer du lien social, de stimuler son langage, d’élargir son périmètre de marche. Ce sont des enfants qui, sinon, peuvent se renfermer. » Ce premier chien a partagé dix années avec elle avant de s’éteindre à l’âge de 12 ans. Une perte immense. « Elle voulait un autre chien qu’elle puisse emmener partout, mais s’il n’a pas le statut de chien d’assistance, ce n’est pas possible », précise Sylvie.
C’est ainsi qu’est née l’idée de reprendre un chien et de l’intégrer à une formation. Unik est un berger allemand ancien type, sélectionné après une étude minutieuse du profil nécessaire. « On voulait un chien intelligent, proche de son maître, mais qui ne soit pas trop dans la sécurité », explique Sylvie. « On a demandé à une éducatrice canine si elle pouvait nous accompagner sur ce projet. On était prêts à aller jusqu’au nord de la France pour trouver le bon chien, et finalement, elle nous a orientés vers un élevage à Saint-Claude. » Unik a rejoint la famille à l’âge de deux mois et suit une formation financée par l’association L’uniloé, créée spécialement pour soutenir Loéline dans ses ambitions. « Unik, c’est comme une baguette magique », dit Sylvie. « Quand c’est compliqué à la maison, on fait intervenir la chienne pour le lever, pour la douche, pour sortir des toilettes. » Mais cela a un coût : environ 5000€, les 1500€ d’acquisition de la chienne ayant été financés par le festival H-Run.

Parallèlement à cet apprentissage, Loéline travaille chez Biocal à Vendôme. « J’ai commencé en stage et j’ai été embauchée en CDD de deux ans », explique-t-elle. « Mon rêve, c’est d’ouvrir un restaurant inclusif et joyeux à Blois. » Sa passion pour la cuisine l’a même conduite à passer une journée avec le chef Christophe Hay. « Il lui avait dit ‘tu viens quand tu veux’. Elle a passé une matinée avec lui et a appris à découper des concombres en forme de fleurs », raconte sa mère. Mais si son emploi chez Biocal est une étape vers son autonomie, l’aspect financier reste un combat quotidien. « Elle gagne 391 euros par mois. Il lui reste 95 euros une fois les frais déduits », explique Sylvie. « Ses déplacements entre Blois et Vendôme nous coûtent 1 700 euros par mois en taxi, et elle ne touchera l’Allocation Adulte Handicapé qu’à ses 20 ans. C’est inadapté. Si elle vivait en foyer, elle aurait des aides, mais comme elle est chez nous, elle n’a droit à rien. »

L’association L’Uniloé, dont Maë, sa sœur est la présidente, vise aussi la sensibilisation au handicap. « Nous avons ainsi organisé une action chez Intersport pour faire connaître la trisomie 21 », raconte Maë. « Les gens étaient surpris de voir que Loéline sait lire et parler. Elle a donné le prix des porte-clés et quelqu’un lui a demandé : ‘Mais tu sais lire ?’ Oui, elle sait lire, elle travaille », ajoute Sylvie. Ce type d’initiative permet de changer le regard du public, mais aussi de susciter des opportunités. L’association lance d’ailleurs un appel (ici) pour financer la formation d’Unik et réfléchit à des projets plus ambitieux, comme la création du restaurant inclusif rêvé par Loéline.
Pour célébrer la Journée mondiale de la Trisomie 21, vendredi prochain, l’association et Biocal organisent une semaine solidaire du 17 au 21 mars. Un menu spécial, préparé avec Loéline, sera proposé en boutique, et une partie des fonds récoltés sera reversée à L’Uniloé. La semaine se terminera par un afterwork ouvert à toutes et tous. « Ce sera l’occasion de se rencontrer, d’échanger autour d’un verre et de déguster quelques gourmandises dans une ambiance chaleureuse », précise Sylvie. Au-delà de l’événement, c’est un message que la famille veut faire passer : « Loéline ouvre des portes que d’autres n’ont pas osé ouvrir jusqu’à présent. Elle montre qu’elle a sa place. Il suffit de lui donner les moyens. »

Derrière l’histoire de Loéline, il y a un combat quotidien contre les normes qui restreignent l’autonomie des personnes en situation de handicap. Il y a aussi un modèle d’espérance et de détermination. « Elle a ce besoin d’être au contact des autres, comme n’importe quel individu », souligne Sylvie. « Aujourd’hui, ce qui la rend triste, c’est de ne pas avoir d’amis, de ne pas faire les mêmes choses que les jeunes de son âge : sortir, aller au restaurant, avoir un copain. Mais elle pousse les portes, et elle y arrivera. »