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Le patrimoine funéraire sous un nouveau jour avec Sandrine Gouble

Dans un monde où les cimetières sont souvent perçus comme des lieux figés, empreints de silence et de recueillement, Sandrine Gouble leur redonne une voix. Restauratrice du patrimoine funéraire, guide, auteure et conférencière, avec elle, une simple promenade au cimetière de Blois-ville devient un voyage à travers les époques, les rites et les mémoires, une exploration où chaque tombe révèle une parcelle d’humanité.

Samedi 22 mars 2025, de 14h à 16h (Tarif 5 €/pers. au profit du Souvenir Français) elle propose une visite insolite du cimetière de Blois Ville (réservation au 06.75.74.78.01. ou via www.lagazonniere-41.fr). Un parcours de deux heures où l’histoire des sépultures se mêlera aux récits des défunts qui y reposent. « Mon métier de gazonnière est le prolongement direct de la restauration du patrimoine funéraire, un aboutissement logique de mon parcours en taille de pierre et en marbrerie », explique-t-elle. Restaurer les monuments, c’est redonner une existence aux oubliés, redonner aux familles un lien tangible avec leurs ancêtres.

tombe Pierre Sudreau

Un regard renouvelé sur la mort

Son rapport à la pierre et à la mémoire ne date pas d’hier. Son travail, d’abord diffusé sous forme d’émissions radio, s’est transformé en un livre, Instants de vie, qui explore l’histoire du patrimoine funéraire à travers le monde et les siècles. « Il y a 36 chapitres à picorer, pour se rappeler l’origine des choses », précise-t-elle. Un ouvrage qui éclaire le rôle fondamental des rituels funéraires dans les civilisations humaines, depuis les Natoufiens en Syrie, où ont été retrouvés les premiers cimetières collectifs, jusqu’aux grands mausolées du XIXe siècle.

À travers ses visites et ses travaux, Sandrine Gouble observe une évolution du rapport à la mort. Là où autrefois les épitaphes détaillées racontaient la vie des défunts, on se contente aujourd’hui d’un nom et de deux dates. « Avant, on prenait le temps, on réfléchissait au monument, on le construisait un an après le décès, quand le deuil avait amorcé son chemin. Aujourd’hui, on va vite. Parfois même, on anticipe sa propre sépulture, et l’on choisit ce qui semble le plus simple, sans toujours savoir qu’il existe d’autres possibilités », note-t-elle.

Sandrine Gouble

Cette évolution, elle la constate aussi dans les pratiques funéraires. À Blois, comme ailleurs, les sépultures en pierre, autrefois omniprésentes, sont aujourd’hui concurrencées par des monuments en résine ou en granit standardisé. « On peut encore faire des choses créatives, mais c’est plus rare », regrette-t-elle. Pourtant, les familles qui prennent le temps de concevoir une sépulture sur-mesure en sont toujours récompensées : « On peut encore raconter une histoire à travers une pierre, une inscription, un symbole. »

Un patrimoine vivant

À Blois, le cimetière Ville témoigne d’une histoire complexe, marquée par le transfert des sépultures de l’ancien cimetière des Capucins, la présence de tombes militaires, de tombes collectives, et d’un patrimoine architectural unique. La gazonnière en explore les moindres recoins, déchiffre les pierres, en décrypte les symboles. Elle en montre les subtilités : l’influence des époques, l’évolution des matériaux, les transitions stylistiques. Au-delà des pierres, ce sont les histoires humaines qui la fascinent. Chaque tombe a son récit, chaque inscription porte une trace du passé. « Ce qui me plaît, c’est de comprendre pourquoi, à une époque donnée, certains rituels funéraires ont été mis en adéquation avec la construction des monuments », dit-elle. Dans ce cimetière blésois, les noms illustres ne manquent pas : Victor-Auguste Poulain, Jean-Eugène Robert-Houdin, Pierre Sudreau, le commandant Valin de La Vaissière… Mais ce sont aussi les tombes plus discrètes qui l’intéressent, celles qui racontent des destins oubliés, des existences brisées ou glorieuses, des choix de mémoire.

Certains visiteurs ressortent touchés de ses visites. « Ce que j’aime entendre, c’est : je ne reviendrai plus jamais ici de la même façon », confie-t-elle. Ceux qui venaient uniquement par devoir, pour un hommage ponctuel à un proche, prennent alors le temps de contempler, de lire, d’interroger les symboles. Un calice sculpté, une croix celte, un motif végétal… Tout a un sens, tout porte un message.

D’ailleurs, dans certaines visites, Sandrine Gouble explore l’univers du spiritisme, cette mode qui, au XIXe siècle, fascinait autant qu’elle intriguait. À Blois, certaines tombes portent encore les traces de ces croyances. « Il y a eu toute une période où l’on cherchait à entrer en contact avec les morts », rappelle-t-elle.

Restaurer un cimetière, c’est aussi lui redonner sa place dans le présent. Alors ces espaces de recueillement retrouvent une dimension patrimoniale et culturelle. « C’est évidemment un lieu de vie », affirme Sandrine. Elle s’attache d’ailleurs à montrer les différences culturelles dans l’approche de la mort. Ici, le cimetière est un lieu de silence. Ailleurs, comme au Mexique, il est un espace de fête, où l’on célèbre les ancêtres.

L’importance de transmettre

Lorsqu’elle évoque son parcours, elle insiste sur la transmission. Son livre, ses conférences, ses visites ont tous le même objectif : éveiller la curiosité et faire comprendre l’importance de la mémoire. Pour la gazonnière, redonner vie aux monuments funéraires, c’est aussi redonner une place aux histoires qu’ils contiennent.

Et elle sait que son travail laisse une empreinte. Certaines familles qu’elle accompagne finissent par voir autrement ces lieux souvent perçus comme austères. « On arrive toujours un peu stressé, un peu rapide… et on repart beaucoup plus apaisé », dit-elle.

Samedi 22 mars, à 14h, les visiteurs du cimetière de Blois auront l’occasion d’expérimenter cette métamorphose du regard. En suivant Sandrine Gouble à travers les allées, ils ne verront plus seulement des noms gravés sur la pierre. Ils entendront des récits, liront les symboles, comprendront les choix des familles, les traces laissées par l’histoire. Et peut-être, en repartant, poseront-ils un regard nouveau sur ces lieux qui, loin d’être figés, sont les gardiens silencieux de notre passé.

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