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Quand la guillotine attirait les foules à Blois

Utilisée pour exécuter des condamnés à mort à travers le pays, la guillotine a également laissé son empreinte sanglante en Loir-et-Cher, où elle a été surnommée de nombreuses façons macabres. Entre mai 1797 et septembre 1933, cet instrument de mort a tranché les destins de quarante-quatre individus dans le département sait-on grâce aux archives départementales (37 hommes et 7 femmes).

La guillotine : un surnom pour chaque couperet

Parmi les nombreux surnoms attribués à la guillotine, « La Veuve » demeure le plus répandu. « L’abbaye de Monte-à-regret » évoque l’échafaud comme un passage vers l’au-delà que l’on regrette de monter, tandis que « Le Rasoir national » rappelle la période révolutionnaire où cet instrument de mort a été intensément utilisé. D’autres sobriquets, tels que « Le coupe-cigare », « Louison » ou « Louisette » en référence à son créateur Louis Guillotin, ou encore « La bascule à Charlot » en référence au bourreau officiel de la Révolution, Charles-Louis Sanson, témoignent de la sinistre notoriété de la guillotine.

La guillotine en Loir-et-Cher : un histoire macabre

La guillotine a principalement sévi à Blois, chef-lieu de l’autorité judiciaire locale. Initialement installée dans la rue d’Angleterre, puis sur la place du Bureau de Bienfaisance, face au majestueux château, les « bois de justice » ont finalement trouvé leur place définitive sur le Champ de Foire, près de la Halle aux grains actuelle, avant de déménager vers la Grand-Pièce. C’est ce qu’on peut lire dans « Blois insolite et secret » de Pascal Nourrisson et Jean-Paul Sauvage (éditions Sutton).

Cependant, la guillotine ne s’est pas limitée à Blois. Elle a également été déployée à Vendôme à sept reprises, ainsi qu’à Romorantin par deux fois. Parmi les exécutions qui ont marqué les esprits, celle de Georgette Thomas en 1887 a été particulièrement éprouvante pour le bourreau Louis Deibler, au point de marquer la fin des exécutions publiques pour les femmes en France.

Il est également surprenant de noter que la guillotine a été affûtée de manière isolée à Mer, Saint-Aignan, et Contres, respectivement en 1819, 1824 et 1827, en dehors des grandes villes où se trouvaient les prisons départementales.

Les condamnations à mort en Loir-et-Cher

Comme nous l’avons vu, la majorité des condamnés à mort était des hommes (37 sur 44). Outre les époux Thomas, d’autres couples d’assassins ont vu leur fin tragique sous le couperet de la guillotine, tels que les Pasquier à Blois en 1824, ou les amants empoisonneurs Rougier-Hogu de Vendôme en 1845, qui ont conspiré pour se débarrasser de leurs conjoints respectifs.

Les condamnations à mort en Loir-et-Cher sanctionnaient principalement des crimes contre des personnes : empoisonnements, assassinats, parricides, meurtres, infanticides. Moins fréquemment, elles concernaient des incendies volontaires ou de la fausse monnaie. Ces exécutions, pourtant très bien organisées, connaissaient parfois des incidents, comme l’exécution retardée d’Auguste Gouin en 1841 à Blois, en raison d’une maintenance défectueuse de la machine.

Le spectacle de l’exécution : quand la guillotine attirait les foules

Au-delà de l’horreur des exécutions, il est intéressant de noter comment la population de Blois a assisté à ces événements sanglants. À la fin du XIXe siècle, la guillotine était montée devant la porte centrale de la Halle aux grains, sur la Grande Pièce, face à la place Jean Jaurès. Les exécutions avaient lieu aux premières heures du jour, attirant parfois une foule de plus de 4000 personnes, certaines attendant toute la nuit pour avoir une place de choix.

Pour les auberges locales, ces événements étaient l’occasion de rester ouvertes toute la nuit et de réaliser des recettes exceptionnelles. La guillotine, connue sous le nom de « La Veuve », était montée devant une foule silencieuse, attentive au montage de la sinistre machine.

La fin de l’époque de la guillotine en Loir-et-Cher

À partir du 1er janvier 1871, une équipe composée d’un exécuteur en chef et de cinq aides résidant à Paris prenait en charge les exécutions. La guillotine était transportée à la gare la veille de l’exécution, puis montée sur une plate-forme recouverte d’une bâche. Les habitants de la ville étaient informés de l’exécution imminente par le bouche-à-oreille, et la scène était organisée par les autorités locales avec l’aide de troupes et de gendarmes pour maintenir la foule à distance.

Denis Rebours, dernier guillotiné à Blois

Le mardi 11 novembre 1890, Louis Roger se rend au travail. Et ce matin-là, il fait une découverte macabre dans un fossé. La masse informe qu’il avait repérée s’avéra être le corps de Louis Rebours, un habitant du coin. Choqué et effrayé, Louis Roger se hâta de chercher son employeur, et ensemble, ils se dirigèrent vers la maison des Rebours.

Ce qu’ils découvrirent à l’intérieur de cette maison était bien plus horrible que ce à quoi ils s’attendaient. Marie Rebours, née Chevalier, âgée de 61 ans, était étendue sans presque plus de lien entre sa tête et son tronc, son visage déchiqueté par de nombreuses blessures. À ses côtés, sa fille, Marie-Louise, une femme de 31 ans atteinte d’un handicap, avait été victime d’une violence tout aussi brutale, sa tête terriblement meurtrie. L’intérieur de la maison témoignait du chaos absolu qui avait précédé ce carnage.

Le mystère planait sur ce crime sanglant, mais une question obsédante s’imposa rapidement : l’assassin savait-il que le couple cachait son argent dans leur lit ? Toute la literie avait été arrachée, alimentant les soupçons quant au mobile du meurtrier.

Trois jours après cette découverte macabre, les enquêteurs se tournèrent vers Denis Rebours, un cousin des victimes, qui avait récemment dépensé de grosses sommes d’argent en préparation de son mariage prévu pour le 15 novembre avec Melle Tremblin. Ces dépenses, totalisant environ 70 francs en bijoux et vêtements, soulevèrent des interrogations légitimes.

Denis Rebours, bien que robuste, avait une apparence singulière avec une moustache et des favoris taillés en pattes de lapin. Il était également de petite stature. Il avait précédemment travaillé pour les Rebours de 1887 à 1888. Pourtant, Denis Rebours n’était pas en mesure d’expliquer la présence de 25 francs trouvés sur lui ni la disparition de l’outil qui s’était révélé être l’arme du crime.

Au fil de l’interrogatoire, Denis finit par avouer sa culpabilité en ces termes troublants : « Oui, c’est moi qui l’ai fait. J’étais comme un être dément. Cela s’est emparé de moi, je ne savais plus ce que je faisais. J’étais comme une bête, tout simplement ! » Malgré cet aveu, il ne montra aucun signe de remords ni de chagrin.

Le procès qui s’ensuivit le 3 mars 1891 à Blois révéla l’histoire troublante de Denis Rebours, comment il avait sombré dans la folie pour la somme de 72 francs. Malgré son apparente détresse et ses sanglots pendant la lecture de l’acte d’accusation, il admit les faits tout en prétendant qu’il avait été incapable de résister à ses sombres impulsions.

Denis Rebours relata avec horreur comment il avait attaqué Marie Rebours et sa fille. Après avoir commis le meurtre, il verrouilla la porte de la maison, emprisonnant involontairement un chat qui infligea ensuite des blessures au visage de la femme Rebours. Il jeta ensuite l’arme du crime dans une mare.

Le témoignage de douze personnes lors du procès, dont l’un rapporta une déclaration glaçante de l’accusé : « Je tuerais mon père, ma mère et mes quatre frères pour avoir leur argent si j’étais sûr de ne pas être pris. » D’autres témoins rappelèrent les actes de cruauté de Denis Rebours envers les animaux, notamment des chats et des chèvres qu’il torturait vivants.

Extrait Le Matin

Le verdict du jury fut unanime sur toutes les questions posées, condamnant Denis Rebours à la peine de mort. L’exécution elle-même se déroula de manière poignante. Denis Rebours s’exprima ainsi : « Mesdames et Messieurs, je vous demande sincèrement pardon pour mes actes. Je ne mérite pas la guillotine, car si j’ai commis ce crime, c’est à cause de ma démence momentanée. J’aurais mérité la guillotine si j’avais agi par pure méchanceté. C’est une grande tragédie pour ma famille, mais pas pour moi, car je serai bientôt libéré de la misère, et j’espère que je trouverai la paix. »

Plus de 4.000 spectateurs se rassemblèrent à Blois, dont de nombreux habitants du territoire où le triple meurtre avait été perpétré. Lorsque Denis Rebours descendit du véhicule, sa faiblesse était si prononcée qu’il avait besoin d’être soutenu par deux aides pour se tenir debout. Face à la guillotine, il recula instinctivement, tout en déclarant : « Je l’ai bien mérité. Oui, je vais y aller ! Il faut que j’y aille ! »

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