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Qu’est-ce que l’effet Matilda ?

L’effet Matilda désigne le phénomène où les contributions scientifiques des femmes sont largement attribuées à leurs collègues masculins.

Margaret Rossiter a théorisé l’effet Matilda dans les années 1980. Inspirée par les travaux de Matilda Joslyn Gage, une suffragette du 19e siècle qui avait déjà observé ce phénomène, Margaret Rossiter a choisi le terme « effet Matilda » pour décrire la tendance à ne pas reconnaître ou à attribuer à tort les réalisations scientifiques des femmes à leurs collègues masculins. Ce concept a été formalisé dans son essai de 1993 intitulé « The Matthew Matilda Effect in Science », publié dans la revue Social Studies of Science.

L’intérêt de Margaret Rossiter pour l’invisibilisation des contributions des femmes à la science a débuté dès ses années d’étudiante à Yale, où elle constatait ces absences dans les récits scientifiques historiques. Ses recherches approfondies l’ont amenée à découvrir de nombreux cas de femmes scientifiques dont le travail avait été occulté ou attribué à des hommes. Ces découvertes ont alimenté ses publications, notamment sa série en trois volumes « Women Scientists in America », qui documente les luttes et les réalisations des femmes dans le domaine scientifique aux États-Unis​​​​​​.

Jeanne Barret, Trotula de Salerne, Lise Meitner, Rosalind Franklin et Chien-Shiung Wu représentent des exemples emblématiques de l’effet Matilda à travers l’histoire, chacune dans son domaine respectif, ayant contribué de manière significative à la science et à la médecine, souvent sans recevoir la reconnaissance méritée de leur vivant. Leurs histoires mettent en lumière les obstacles rencontrés par les femmes dans le domaine scientifique et l’importance de réévaluer l’histoire pour leur rendre justice.

Jeanne Baret

Jeanne Baret, née le 27 juillet 1740 en Bourgogne, est entrée dans l’histoire en tant que première femme à avoir réalisé un tour du monde. Déguisée en homme pour pouvoir embarquer sur un navire de la marine française, elle a collecté plus de 6.000 spécimens de plantes lors de ses voyages autour du globe​​.

Jeanne Baret a grandi dans une famille modeste et, bien qu’elle n’ait pas reçu d’éducation formelle, elle a acquis une connaissance approfondie de la botanique dès son jeune âge, devenant ainsi une experte reconnue des plantes locales et de leurs propriétés médicinales​​. Sa relation avec le naturaliste Philibert Commerson, débutée vers 1760, a pris une tournure personnelle après la mort de la femme de Commerson en 1762, avec qui elle a eu un enfant hors mariage en 1764. Le couple a ensuite déménagé à Paris, où leur enfant a été confié à l’adoption peu après sa naissance​​.

En 1765, Commerson a été invité à se joindre à l’expédition de circumnavigation dirigée par Louis-Antoine de Bougainville. En raison de l’interdiction faite aux femmes de monter à bord des navires de la marine française, Jeanne Baret s’est déguisée en homme, adoptant le nom de « Jean » pour se faire passer pour l’assistant de Commerson. Durant le voyage, elle a joué un rôle crucial dans la collecte et l’étude des plantes, malgré les défis et les dangers liés à son déguisement. Son identité de femme a été révélée lors de leur escale à Tahiti en 1767, ce qui a suscité de vives réactions parmi l’équipage et les habitants locaux​​​​.

Après avoir terminé le tour du monde, Jeanne Baret est restée à l’île Maurice avec Commerson jusqu’à la mort de ce dernier en 1773. Elle est retournée en France en 1774 (ou début 1775), achevant ainsi sa circumnavigation. Elle s’est installée à Saint-Aulaye, où elle est décédée le 5 août 1807​​.

Lise Meitner

Lise Meitner, née le 7 novembre 1878 à Vienne, en Autriche-Hongrie, était une physicienne austro-suédoise de renom. Elle a joué un rôle clé dans la découverte de la fission nucléaire, une réalisation pour laquelle Albert Einstein l’a surnommée la « Marie Curie allemande »​. Lise Meitner a commencé sa carrière académique après avoir obtenu son doctorat de l’Université de Vienne en 1905, devenant ainsi la deuxième femme à y décrocher un doctorat en physique. Elle a passé la majeure partie de sa carrière scientifique à Berlin, où elle est devenue la première femme professeur de physique en Allemagne​​.

La collaboration de Lise Meitner avec Otto Hahn et Fritz Strassmann au Kaiser Wilhelm Institute de Berlin a conduit à la découverte de l’isotope protactinium-231 en 1917 et plus tard à la découverte de la fission nucléaire en 1938. Cette dernière découverte a été réalisée en collaboration avec son neveu, le physicien Otto Robert Frisch. Cependant, elle n’a pas été reconnue par le prix Nobel de chimie de 1944, attribué uniquement à Otto Hahn, ce que de nombreux scientifiques et journalistes ont considéré comme une injustice. Malgré cela, Lise Meitner a été nominée plusieurs fois pour le prix Nobel de chimie et de physique au cours de sa vie​​.

Face à l’ascension du régime nazi en Allemagne et aux lois de Nuremberg anti-juives, Lise Meitner, elle-même d’origine juive, a été contrainte de fuir l’Allemagne pour la Suède en 1938, où elle a continué ses recherches et est devenue citoyenne suédoise​​. Malgré les défis, elle a reçu de nombreux honneurs tout au long de sa carrière, y compris le prix Enrico Fermi en 1966, partagé avec Hahn et Strassmann, pour leurs recherches conjointes qui ont mené à la découverte de la fission de l’uranium​​.

Rosalind Franklin

Rosalind Franklin, née le 25 juillet 1920 à Notting Hill, Londres, était une chimiste et cristallographe aux rayons X, dont le travail a été essentiel à la compréhension des structures moléculaires de l’ADN (acide désoxyribonucléique), de l’ARN (acide ribonucléique), des virus, du charbon et du graphite. Malgré la reconnaissance de ses travaux sur le charbon et les virus de son vivant, les contributions de Rosalind Franklin à la découverte de la structure de l’ADN sont restées largement méconnues durant sa vie​​.

Rosalind Franklin est surtout connue pour son travail sur les images de diffraction des rayons X de l’ADN au King’s College de Londres, en particulier la Photo 51, prise par son étudiant Raymond Gosling, qui a conduit à la découverte de la double hélice de l’ADN. Cette découverte a permis à Francis Crick et James Watson de suggérer en 1953 que l’ADN est un polymère à double hélice​​. Malgré l’importance de ses contributions, Rosalind Franklin n’a pas été reconnue par le prix Nobel de physiologie ou médecine de 1962, attribué à Crick, Watson et Maurice Wilkins. Son rôle central dans la découverte de la structure de l’ADN n’a été pleinement reconnu qu’après sa mort​.

Trotula de Salerne

Trotula de Salerne, active au XIe siècle, est considérée comme l’une des premières gynécologues de l’histoire. Originaire de Salerne, une ville italienne réputée pour son école de médecine, Trotula a apporté des contributions significatives à la santé des femmes, notamment à travers son œuvre majeure, « Passionibus Mulierum Curandorum » (Les Maladies des Femmes), qui aborde divers aspects de la gynécologie et de l’obstétrique. Trotula de Salerne a rompu avec les croyances de l’époque en affirmant que les hommes pouvaient aussi être responsables des problèmes de conception, une idée révolutionnaire à cette époque. Elle a également plaidé pour l’utilisation d’opiacés pour soulager la douleur pendant l’accouchement, défiant ainsi les croyances chrétiennes selon lesquelles les femmes devaient endurer la douleur de l’accouchement sans aide. Trotula de Salerne a enseigné à ses étudiants l’importance de l’observation et de l’examen minutieux des patients pour un traitement adéquat, et a promu un mode de vie sain comprenant une alimentation équilibrée, de l’exercice et une bonne hygiène​​​​.

Chien-Shiung Wu

Chien-Shiung Wu, née le 31 mai 1912 à Liuhe, dans la province de Jiangsu en Chine, était une physicienne sino-américaine pionnière, reconnue pour ses contributions importantes en physique nucléaire et en physique des particules. Elle a joué un rôle crucial dans le Projet Manhattan et dans la conception d’une expérience révolutionnaire réfutant la conservation de la parité dans les interactions subatomiques faibles. Malgré le rôle central qu’elle a joué dans cette découverte, elle a été négligée par le comité du prix Nobel lorsque celui-ci a été attribué à ses collègues Tsung-Dao Lee et Chen Ning Yang en 1957​​​​​​.

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