Sarcopénie : comprendre la fonte musculaire liée à l’âge

La sarcopénie est une maladie encore peu connue du grand public, mais bien identifiée par les médecins et chercheurs. Intégrée depuis 2016 dans la Classification internationale des maladies (CIM-10, code M62.84), elle désigne une perte progressive et généralisée de la masse, de la force et de la fonction musculaire. Elle survient principalement avec l’âge, mais peut aussi être favorisée par des pathologies chroniques ou des périodes d’inactivité prolongée.
Une maladie liée au vieillissement, mais pas seulement
Le terme « sarcopénie », loin de faire référence à l’organe mâle d’un ancien président de la République, est issu du grec ancien (sarx : chair, penia : pauvreté), et a été introduit dans les années 1980. Cette maladie concerne prioritairement les personnes âgées : les données disponibles estiment qu’environ 5 à 13 % des adultes de plus de 60 ans sont touchés, et jusqu’à 50 % des plus de 80 ans [INSERM, 2020].
La sarcopénie est qualifiée de primaire lorsqu’elle est due au vieillissement physiologique, et de secondaire lorsqu’elle est liée à d’autres facteurs : maladies chroniques (cancer, insuffisance cardiaque, BPCO), immobilisation, malnutrition, ou encore traitements médicamenteux (corticoïdes, chimiothérapie, etc.).
Trois critères pour un diagnostic clinique
Depuis 2018, la définition de référence est celle du groupe de travail européen EWGSOP2 (European Working Group on Sarcopenia in Older People). Selon cette approche, la sarcopénie se définit selon trois critères successifs :
- Force musculaire diminuée : c’est le signal d’alerte principal. La force de préhension manuelle est souvent mesurée à l’aide d’un dynamomètre. Les seuils retenus sont < 27 kg chez l’homme et < 16 kg chez la femme.
- Masse musculaire réduite : elle est évaluée à l’aide de techniques comme la DEXA (absorptiométrie biphotonique à rayons X), la bio-impédancemétrie, ou plus rarement l’IRM ou le scanner. Pour la DEXA, les seuils proposés sont une masse musculaire appendiculaire inférieure à 7,0 kg/m² chez l’homme et à 5,5 kg/m² chez la femme.
- Performance physique diminuée : elle permet d’évaluer la gravité de la sarcopénie. Le test de vitesse de marche est le plus utilisé (seuil pathologique : < 0,8 m/s). D’autres outils existent, comme le SPPB (Short Physical Performance Battery) ou le test de levée de chaise.
Un questionnaire simple, le SARC-F, peut également aider à repérer les personnes à risque en interrogeant la difficulté à soulever une charge, marcher, se lever d’une chaise, ou les antécédents de chutes.
Des conséquences majeures sur l’autonomie
La sarcopénie accroît de manière significative le risque de chutes, de fractures, de dépendance, d’hospitalisations et de décès prématuré. Elle a également un impact économique et social, en raison de la perte d’autonomie et du besoin accru d’aides à domicile ou d’institutionnalisation. Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), elle représente un facteur de risque majeur de fragilité, au même titre que l’ostéoporose ou la dénutrition.
Quels sont les mécanismes ?
Le vieillissement induit une diminution de la synthèse protéique musculaire et une altération des fibres musculaires de type II (fibres rapides). Cette évolution est aggravée par une résistance anabolique, c’est-à-dire une réponse moindre des muscles aux apports protéiques alimentaires. Les autres mécanismes impliqués incluent une inflammation chronique de bas grade, des troubles hormonaux, une sédentarité accrue, et un état de malnutrition, fréquent chez les personnes âgées.
Que faire en prévention et en traitement ?
1. Activité physique adaptée
Le renforcement musculaire est l’intervention la plus efficace, validée par de nombreuses études. Les recommandations actuelles suggèrent des exercices en résistance (charges progressives, bandes élastiques, poids du corps) au moins deux à trois fois par semaine, associés à des exercices d’équilibre et d’endurance.
2. Apports nutritionnels suffisants
L’apport recommandé en protéines est revu à la hausse chez les personnes âgées : entre 1,2 et 1,5 g de protéines par kilo de poids corporel par jour, selon l’état de santé (voire jusqu’à 2 g/kg/j dans certaines situations). Les apports doivent être répartis sur les trois repas pour optimiser leur efficacité. Il est aussi recommandé de vérifier et corriger une éventuelle carence en vitamine D, qui contribue à la faiblesse musculaire.
3. Prise en charge globale
La prise en charge de la sarcopénie repose sur une approche multidisciplinaire : évaluation gériatrique, kinésithérapie, soutien nutritionnel, adaptation de l’environnement de vie pour prévenir les chutes. Avec le vieillissement de la population, la sarcopénie représente un enjeu de santé publique majeur.
La prévention passe par la promotion de l’activité physique régulière tout au long de la vie, une alimentation équilibrée, et un repérage précoce des premiers signes de fragilité musculaire. Le muscle est un capital de santé à préserver dès l’âge adulte.
Sources
- Haute Autorité de Santé (HAS), Fiche mémo – Repérage et prise en charge de la sarcopénie chez la personne âgée, 2021
- INSERM, Sarcopénie : perte de masse et de force musculaire, 2020
- Cruz-Jentoft et al., Revised European consensus on the definition and diagnosis of sarcopenia, Age and Ageing, 2019 (EWGSOP2)
- WHO, Integrated care for older people (ICOPE), 2017
- Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG), Sarcopénie : mieux repérer, mieux prévenir, 2018
- National Institutes of Health (NIH), Sarcopenia – Overview and Research, consulté en 2024