AgendaAgenda septembreCultureEntretiensMusique

Sirènes Sisters : comment Analia Téléga vibre avec le public

Dimanche 15 septembre 2024, la salle Charles de Rostaing, à Veuzain-sur-Loire, accueillait un concert unique : Les Sirènes Sisters chantent l’opéra. Ce duo composé de Clémence Lévy et d’Analia Téléga a interprété de grands airs d’opéra, accompagnées par le pianiste Frédéric Isoletta. Ce concert, organisé par le Théâtre des Fées, visait à rendre l’opéra accessible à toutes et tous en combinant humour, virtuosité et interaction avec le public. À travers leur approche ludique et décalée, les deux artistes veulent casser les stéréotypes d’un art perçu comme élitiste. Afin d’aller plus loin, avec Analia Téléga nous avions parlé de la création du projet, ses expériences et sa vision de la musique lyrique.


Blois Capitale : Comment est né le projet des Sirènes Sisters et pourquoi avoir choisi ce nom?

Analia Téléga : « Les Sirènes Sisters, c’est d’abord une rencontre très forte avec Clémence, autant sur le plan musical que sur le plan humain. C’est assez incroyable, mais il y a des partenaires musicaux avec qui on se trouve immédiatement. Avec Clémence, c’est exactement ce qui s’est passé, et faire de la musique avec elle est toujours un immense plaisir. Le nom est venu d’une idée amusante : on s’est dit, tiens, et si on était des sirènes ? Mais des sirènes modernes qui, avec l’arrivée des GPS, n’ont plus de bateaux à couler et se reconvertissent en artistes lyriques ! C’est ainsi que Clémence a écrit ce spectacle qui mêle humour et les plus grands duos d’opéra. Nos voix sont très différentes, mais elles se complètent parfaitement, et cela crée quelque chose qui peut vraiment parler à tous les publics. C’est aussi un aspect qui nous touche beaucoup : rendre l’opéra accessible à toutes et tous, même à ceux qui n’y ont pas habituellement accès. C’est très important pour nous. »

Blois Capitale : Votre objectif est de créer un déclic chez un public moins habitué à l’opéra ?

Analia Téléga : « Oui, exactement. Nous partageons cette conviction avec Samuel Tazinaje, qui dirige la compagnie du Théâtre des Fées. L’idée est d’apporter l’opéra dans les zones rurales, de montrer que non, la culture, et l’opéra en particulier, n’est pas réservée à une élite. Moi, je sais que quand j’ai eu le coup de cœur pour l’opéra, j’avais neuf ans. Ma mère sentait bien que j’avais quelque chose à faire avec la musique, donc elle avait acheté plusieurs CD de musique classique. Un jour, dans la voiture, elle a mis Les Noces de Figaro chanté par Teresa Berganza, et là, tout de suite, je lui ai dit : “C’est ça que je veux faire, maman !”. Elle m’a répondu : “T’es sûre ? Ce sont des grandes dames qui hurlent !”, parce qu’elle n’était jamais allée à l’opéra. Mais moi, je savais déjà que c’était ce que je voulais. C’est pour cela que dans le programme des Sirènes Sisters, il y a ces airs-là, notamment celui de Chérubin. Ces airs m’ont immédiatement éblouie quand j’ai découvert l’opéra, et je suis toujours très émue de les partager avec le public. Ces airs touchent directement, car ils sont sincères. Nous, en tant qu’artistes, nous ressentons cette sincérité, et c’est ça qui fait que la magie opère. »


Blois Capitale : Comment parvenez-vous à ajouter une touche d’humour à l’opéra dans ce spectacle ?

Analia Téléga : « Il y a beaucoup d’humour dans ce spectacle, ainsi que de la mise en scène. Ce n’est pas un récital classique où l’on resterait immobiles derrière des pupitres pendant une heure. Nous bougeons beaucoup, nous discutons avec le public, et cela rend le tout beaucoup plus vivant, même pour nous. Clémence et moi ne venons de milieux populaires. Pour nous, l’art lyrique est quelque chose de vivant, d’actuel, et avant tout d’accessible. C’est dommage que l’on donne parfois à l’opéra cette image distante et élitiste, car avant tout, il raconte des histoires humaines, pleines de sentiments et d’émotions, des choses que nous vivons tous au quotidien. »


Blois Capitale : Après cette première découverte de l’opéra à neuf ans, comment s’est déroulé votre parcours musical ?

Analia Téléga : « J’ai commencé à chanter à sept ans, dans une chorale d’enfants, parce que ma mère m’y avait inscrite. Elle avait bien vu que je passais ma journée à chanter dans toutes les langues possibles, même des langues inventées ! J’étais très timide, et j’avais vraiment peur de chanter avec les autres, car pour moi, chanter était quelque chose de très intime, presque sacré. Mais petit à petit, j’ai découvert que le fait de chanter ensemble créait une énergie particulière. Il se passait quelque chose d’unique, qui unissait les cœurs. La chorale s’appelait À Cœur Joie, et d’ailleurs, je suis toujours en contact avec ma première cheffe de chœur. À neuf ans, j’ai dit à ma mère que j’aimerais bien travailler plus sérieusement, car les enfants de la chorale s’amusaient beaucoup, mais moi je voulais aller plus loin. Elle m’a donc trouvé un professeur de chant particulier, et j’ai commencé à neuf ans. Depuis, pour moi, la musique a toujours été quelque chose de lumineux, qui m’aligne intérieurement. »


Blois Capitale : Vous parlez de l’importance de la vibration dans la musique. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

Analia Téléga : « La vibration, c’est quelque chose de primordial. Elle est très liée à la sincérité. Cet été, j’ai vécu une expérience difficile avec un diagnostic qui a concerné ma sœur. Pour moi, la musique a toujours été mon refuge. Mais avec ce diagnostic, cela m’a confrontée à mes propres angoisses. Lors d’un concert au Dôme de Richelieu, début août, j’ai ressenti cette peur et cette vulnérabilité dans ma musique, et cela a nourri mes personnages comme jamais. Ce qui est magnifique avec la musique, c’est qu’elle permet de transmuter des émotions complexes, comme la peur ou la colère, en quelque chose de beau. Quand on arrive sur scène avec une sincérité totale, quelque chose se passe. Cela me permet de faire des nuances dans ma musique que je n’arrivais pas à exprimer avant. Cela m’a révélé que la musique est un chemin vers soi, et que plus on est aligné avec ses émotions, plus la vibration devient forte et touche le public. »


Blois Capitale : Dans l’opéra, il y a une part importante de maîtrise technique. Comment alliez-vous technique et émotion ?

Analia Téléga : « Il faut un équilibre parfait entre les deux. Pour pouvoir exprimer l’émotion, il faut d’abord une maîtrise technique totale. C’est comme un sport de haut niveau : il faut connaître le rôle par cœur, maîtriser chaque détail pour pouvoir ensuite se laisser complètement habiter par le personnage. Ce qui est fascinant, c’est que chaque personnage que nous incarnons sur scène nous révèle une part de nous-mêmes. C’est un processus très intime. »


Blois Capitale : Vous avez évoqué l’importance de la vibration. Diriez-vous qu’elle est vitale pour vous ?

Analia Téléga : « Oui, absolument. Elle est vitale pour moi, tant sur le plan artistique que personnel. Cela inspire tout ce que je fais, que ce soit dans ma musique ou dans mes relations avec les autres. La sincérité est fondamentale, et c’est elle qui crée cette vibration, ce lien unique avec le public. »


Votre annonce sur Blois Capitale

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page
Blois Capitale

GRATUIT
VOIR