Un colloque pour explorer la figure du monstre en bande dessinée

Le 23 avril 2025, la Maison de la BD de Blois organise une journée d’étude dédiée aux figures du monstre dans la bande dessinée, à destination des enseignants, professionnels du livre et acteurs culturels. Cet événement (sur inscription), qui se déroulera dans les locaux de l’ETIC, s’inscrit dans une volonté de croiser réflexion académique et pratiques pédagogiques autour d’un motif aussi ancien que polymorphe : le monstre.
Monstre, miroir d’une altérité inquiétante
Qu’il s’agisse des chimères antiques, des créatures cauchemardesques des bestiaires médiévaux ou des figures inquiétantes qui hantent la littérature fantastique, le monstre incarne l’altérité poussée à l’extrême. Parfois simple projection des peurs collectives, il reflète également une réalité sociale et psychologique, notamment à travers les représentations de la difformité et de la marginalité. La bande dessinée, art du visuel et du mouvement, n’a cessé de jouer avec ces codes pour interroger la place du monstre dans nos imaginaires et dans nos sociétés.
La conférence inaugurale sera assurée par Martial Guédron, professeur d’histoire des arts à l’université de Strasbourg. Spécialiste des liens entre sciences et arts, il reviendra sur l’évolution de la représentation des « anomalies » physiques depuis le XIXe siècle, époque où les travaux d’Étienne et Isidore Geoffroy Saint-Hilaire ont amorcé un regard scientifique sur la monstruosité. Longtemps relégués aux cabinets de curiosités et aux spectacles forains, ces corps atypiques sont peu à peu devenus objets de fascination et de répulsion dans les arts visuels. Le neuvième art n’échappe pas à cette dynamique : des créatures fantastiques aux personnages marqués par une altérité physique ou morale, la BD interroge à sa manière la frontière entre l’humain et l’inhumain.
Des ateliers pour explorer la figure du monstre
L’après-midi sera consacré à une série d’ateliers pratiques et analytiques, permettant d’explorer différentes approches pédagogiques et graphiques du monstre en BD.
L’atelier « Monstrueuses émotions ! », animé par Alain Gougry et Sébastien Duforestel, proposera une immersion dans l’imaginaire des monstres pour le premier degré. À travers le dessin et la narration, les participants découvriront comment ces figures permettent d’exprimer des émotions et de travailler sur l’image de soi, tout en favorisant un processus de transfert rassurant.
Pour le second degré, Xavier Orain, professeur de lettres, s’intéressera aux multiples réécritures du monstre de Frankenstein et aux avatars contemporains de la figure du monstre dans la bande dessinée. En croisant les œuvres de Gotlib, Peyo, Frédérik Peeters ou Emil Ferris, l’atelier analysera les stratégies narratives et symboliques qui sous-tendent ces représentations hybrides.
Enfin, Émilie Sauvage, professeure d’arts plastiques et formatrice, guidera les participants dans un atelier de pratique artistique, visant à expérimenter diverses techniques graphiques pour donner forme à des monstres de bande dessinée. Un exercice qui mettra en lumière les choix esthétiques et expressifs propres à ce genre.
Stan Manoukian et l’esthétique du monstre
La rencontre avec Stan Manoukian, dessinateur reconnu pour son univers peuplé de créatures étranges, sera un autre temps marquant de la journée. Inspiré par la science-fiction rétro, le romantisme noir et les classiques du fantastique, il construit un bestiaire où se mêlent influences littéraires et références à la peinture du XIXe siècle. Son travail, exposé à l’international, témoigne d’un attachement au mouvement post-Lowbrow, marqué par une minutie extrême et une profusion de détails qui rappellent les gravures anciennes.
La journée s’achèvera par une lecture-performance de Stéphanie Thimonnier Pinguet, comédienne et metteuse en scène. Habituée des lectures interactives en médiathèques et en milieu scolaire, elle proposera une mise en voix et en images des monstres de la littérature et de la bande dessinée.

Le monstre constitue un outil pédagogique puissant pour interroger la représentation de l’autre, le rapport à la norme et les mécanismes d’exclusion. Ce colloque s’inscrit ainsi dans une démarche visant à donner aux enseignants et médiateurs des clés d’analyse et des pistes d’exploitation pédagogique pour aborder cette thématique en classe. Il témoigne aussi du rôle de la bande dessinée comme médium critique, capable de déconstruire les stéréotypes et d’offrir un espace de réflexion sur les peurs, fantasmes et enjeux sociaux qu’incarne la figure du monstre.