EconomiePortraitsVie locale

Violette et Thierry Poidras, où comment savoir entreprendre et se réinventer [2/2]

Pendant plus de quarante ans, Violette et Thierry Poidras ont construit, pas à pas, une trajectoire d’entrepreneurs indépendants, animés par le goût du travail bien fait, l’exigence, l’engagement. De leur rencontre à Salbris en 1982 jusqu’à leur retraite en 2025, ils auront mené ensemble plusieurs projets : la reprise et la transformation du Restaurant de la Poste à Molineuf, devenu une table gastronomique reconnue [lire ici], puis l’ouverture de la brasserie Le Rendez-vous à Vineuil, avant que Violette ne se lance dans le commerce de proximité avec sa boutique blésoise, La Manufacture française. Au fil de ce parcours, ils auront toujours placé au cœur de leur démarche la qualité des relations humaines, l’attention portée aux produits, la fidélité à leurs convictions. Ce récit est celui d’un couple qui a su avancer à deux, sans jamais céder à la facilité, avec une rigueur discrète et une liberté assumée. Acte II

La bascule vers la brasserie : une nouvelle étape

Après vingt-sept années passées à Molineuf, Thierry et Violette Poidras choisissent de tourner la page du restaurant gastronomique. Plusieurs éléments expliquent cette décision : un bailleur qui refuse de céder les murs, une impossibilité d’agrandir, une fréquentation qui évolue avec les années. Et surtout, la santé de Violette, fragilisée par une atteinte sévère au bras : une opération lourde, des douleurs violentes, le risque à terme de perdre l’usage du membre. Cette réalité vient éclairer leur choix. « J’aimais bien ce que je faisais, mais je ne voulais pas sacrifier la santé de Violette pour le restaurant », confie Thierry.

Avant même la cession de l’affaire, ils expérimentent une nouvelle idée : la vente de plats gastronomiques à emporter, servis sur assiette, avec des sauces à part et des indications précises pour le réchauffage. Le concept fonctionne. Portés par cette réussite et l’envie de trouver un cadre plus souple, ils explorent d’autres options. C’est une connaissance de la chambre de commerce, Véronique Farineau, qui les met sur la voie : le centre commercial Auchan de Vineuil dispose d’un espace de brasserie disponible, dans un emplacement à fort passage, plus facile à transmettre par la suite.

Ils ouvrent ainsi Le Rendez-vous, une brasserie située dans la galerie marchande. Pour Thierry et Violette, c’est un changement profond : plus de soirées, plus de dimanches travaillés, une équipe renforcée qui permet de déléguer. « On ne travaille pas le soir, on ne travaille pas le dimanche, c’est ce qui nous avait été vendu par le commercial d’Auchan, et c’était vrai. » Cette organisation offre une qualité de vie rare dans la restauration, y compris pour le personnel, attiré par ces conditions. Très vite, ils peuvent embaucher, fidéliser. Leur bras droit, Bertrand, ancien maître d’hôtel dans des établissements de prestige, s’inscrit pleinement dans cette dynamique.

Mais malgré ces ajustements, les douleurs au bras de Violette reprennent. Le geste répétitif d’essuyer les verres suffit à raviver la blessure. Le diagnostic est sans appel : la réopération n’est pas possible. Il lui est conseillé d’arrêter immédiatement toute activité de ce type, sous peine de perdre définitivement l’usage de son bras. Cette situation marque un tournant. Violette quitte la brasserie. Pour Thierry, il faut alors retrouver un équilibre, réapprendre à gérer sans elle après plus de trente années de collaboration quotidienne : « Quand on est à deux, ça fait quatre yeux. Là, il fallait que je compte sur les yeux des autres. Ce n’est pas tout à fait pareil, mais on s’est entourés des bonnes personnes. »

Une nouvelle aventure : La Manufacture française

Si Violette quitte la brasserie pour raisons médicales, elle n’en reste pas moins active. Elle décide de revenir, accompagnée par Cap Emploi, à sa première envie : le commerce de proximité. Forte de son expérience, elle se lance dans un projet mûrement réfléchi : ouvrir une boutique consacrée exclusivement à des produits fabriqués en France.

En 2020, elle inaugure La Manufacture française, située 17 rue du Commerce à Blois. Son principe est clair, assumé : ne vendre que des articles conçus et fabriqués en France, dans le respect de conditions sociales et environnementales exigeantes. « Ce choix me permet d’avoir des produits d’exception, d’utiliser moins de transports, et de savoir que les salariés sont bien considérés et payés à leur juste valeur », explique-t-elle. Le sourcing est rigoureux : avant de référencer un produit, Violette sillonne la France, visite les ateliers, rencontre les fabricants. Parmi ses fournisseurs, des noms comme Maison Perrin (chaussettes, Montceau-les-Mines), Bleuforêt (Vosges), Les Garçons français (sous-vêtements masculins, Troyes), Le Vent à la française (bracelets, Clermont-Ferrand), Rondinaud (charentaises, Charente), La Pantoufle du Berry, La Gentle Factory (jeans). Si certains articles ne peuvent pas être produits en France – comme les casquettes, introuvables dans l’Hexagone – elle préfère ne pas en vendre plutôt que de déroger à son engagement.

L’activité reste simple et volontairement maîtrisée : sans salarié, sans boutique en ligne, Violette Poidras privilégie le contact direct avec la clientèle. La boutique devient vite identifiable par sa vitrine soignée, ornée d’un coq et d’un tapis rouge qui attire l’œil des passants comme des touristes.

En 2022, cet engagement lui vaut une reconnaissance publique : elle reçoit le Prix de l’engagement durable dans le cadre du Top des entreprises du Loir-et-Cher. Une manière de saluer son exigence, son sérieux et son attachement à une certaine idée du commerce local, responsable et humain.

La fin de l’aventure à la brasserie

À la brasserie Le Rendez-vous, le modèle fonctionne : une activité soutenue, portée par une équipe solide, un cadre de travail attractif. « On avait du personnel partout, une organisation qui permettait de déléguer. » Le choix du site s’est révélé pertinent : situé dans la galerie marchande du centre commercial Auchan de Vineuil, l’établissement bénéficie d’une clientèle variée, qui apprécie le savoir-faire et le professionnalisme de l’équipe. Certains clients, anciens habitués de Molineuf, suivent Thierry Poidras dans cette nouvelle aventure.

Mais malgré le succès de la brasserie, la réflexion sur l’avenir s’impose. L’expérience de ses propres parents pousse Thierry à s’interroger sur le sens de cette vie professionnelle intense. Le besoin de préserver sa santé, son équilibre, de penser à la suite, devient plus fort que l’envie de continuer coûte que coûte. Il commence à lever le pied.

Le choix de la brasserie, avec sa structure plus facilement transmissible, avait été aussi pensé dans cette perspective : « Ce n’était pas notre nom qui était mis en avant. Ce n’était pas personnel, pas comme à Molineuf. » Cette stratégie facilite la transmission de l’affaire. Thierry Poidras a passé le relais en ce début d’année 2025. Le modèle est pérenne, l’équipe en place. Thierry peut partir sans regret, avec la satisfaction d’avoir mené à bien cette étape. Il tire un trait définitif sur sa carrière dans la restauration. Le moment de la retraite est venu

Une retraite active, entre engagements et transmission

Le départ de la restauration ne signifie pas pour autant le retrait complet. L’homme continue à s’investir, notamment dans le milieu sportif local. Amateur de football, il rejoint le club de Vineuil, une activité qu’il n’avait jamais pu pratiquer pleinement durant ses années de restaurateur. Il reste également actif dans l’accompagnement des entrepreneurs, notamment au sein d’Initiative Loir-et-Cher, une structure d’aide à la création et à la reprise d’entreprise. Fort de son expérience, il intervient dans les comités d’agrément, où il met à profit son regard d’ancien chef d’entreprise pour conseiller et évaluer les projets portés par de nouveaux entrepreneurs.

Après la revente de sa boutique, Violette Poidras entame une nouvelle phase de sa vie. Une retraite qu’elle aborde avec calme, sans précipitation mais non sans réflexion. « C’est très récent. Il faut trouver ses repères, mais ça va. » Lucide sur la transition que représente ce changement de rythme, elle souligne la nécessité d’un apprentissage intérieur : « Il faut apprendre à lâcher prise aussi, parce que quand on a toujours travaillé, on a toujours été à fond. Mais bon, je ne suis pas inquiète. »

Après des années d’engagement constant, de projets menés avec rigueur, elle revendique sereinement le droit à une forme de ralentissement, sans pour autant se couper du monde ni renoncer à l’action : « Maintenant, c’est autre chose, c’est une autre étape. » Pas question cependant de tomber dans l’oisiveté ou l’ennui. « Je ne suis pas quelqu’un qui va rester sans rien faire, mais j’ai envie de prendre le temps. De faire des choses autrement. » Dans ces mots se devine la volonté de continuer à avancer, à son rythme, avec la même attention portée à ce qui fait sens. Place à l’acte III.

Votre annonce sur Blois Capitale

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page
Blois Capitale

GRATUIT
VOIR