Zoom sur le Vide-grenier place Coty et le Conseil citoyen

Dimanche prochain (6 avril 2025), la place Coty, située dans les quartiers nord de Blois, accueillera à nouveau son traditionnel vide-grenier, de 8h à 18h. Une manifestation populaire en apparence banale, mais qui incarne en réalité bien davantage : la vitalité citoyenne d’un quartier, la mobilisation de ses habitants et une action concrète au service de la jeunesse. Organisé par un collectif d’habitants et le Conseil citoyen, cet événement illustre, à sa manière, une certaine idée de la démocratie locale.
Le mardi 1er avril 2025, à l’occasion de la réunion de préparation, plusieurs membres du Conseil citoyen étaient réunis autour de la table, encadré par Thibault Guibbert (Ligue de l’enseignement 41) : Adrienne Montesinos, Nadya El Hadri, Alain Fortin, Nicole Laval (association la Maison ouverte), Naïma Calviac, Bileul Diagne, Ignace Kiala (association Elikya), Latsouck Ndiaye (fondateur du FIGAS et directeur d’Afrik’Consult), ainsi que Serge et Nicole Augrinet.
Une initiative née sur le terrain
« Le vide-grenier date de plusieurs années. À l’origine, c’était les éducateurs de la structure de prévention spécialisée (SPS) qui l’organisaient », rappelle Adrienne Montesinos, membre du Conseil citoyen depuis sa création en 2015. « Quand il s’est formé, c’est nous qui avons pris le relais. Depuis, on le fait chaque année. » Employée de la Ville de Blois avant sa retraite, Adrienne connaît l’événement de l’intérieur. Elle y participait déjà dans le cadre des services administratifs : « C’est quelque chose qui marche bien. Et les bénéfices, une fois les dépenses couvertes — par le SPS ou la Ville —, sont destinés aux jeunes du quartier pour des séjours d’été. Ils tiennent le stand de restauration. » L’événement n’est donc pas seulement festif : il est aussi un levier d’autonomie et de responsabilité.
Un maillage dense entre institutions et acteurs de terrain
Si la coordination est aujourd’hui assurée par la Ligue de l’enseignement, en appui au Conseil citoyen, le vide-grenier reste profondément ancré dans les dynamiques locales. « On accompagne le projet, notamment pour les dépôts administratifs et les demandes à la Ville », précise Thibault Guibbert. « À la date d’aujourd’hui, nous avons quarante-quatre personnes inscrites pour exposer. Le tarif est très accessible : un euro le mètre. Certains prennent trois ou quatre mètres, d’autres plus. L’idée, c’est que ce soit ouvert à toutes et tous. » Le SPS continue de jouer un rôle structurant dans la restauration, tout comme les médiateurs du quartier de proximité, qui font le lien avec les commerçants : « Cette année, ils ont déjà récolté une trentaine de lots pour la tombola », nous dit-on.
Une fréquentation massive et attendue
Le succès de la manifestation ne se dément pas. « Il y a énormément d’exposants. C’est un événement attendu », insiste Adrienne. « Et puis, c’est l’occasion de voir beaucoup de jeunes du quartier, surtout au moment de la restauration. » « C’est un moment où tout le monde descend sur la place », ajoute une autre membre du Conseil. « Il y a les étals, la buvette, la musique, et des gens de tous âges. C’est un vrai moment de rencontre. » Les bénéfices, eux, restent symboliques. « Ce n’est pas fait pour gagner de l’argent », souligne une habitante. « C’est pour créer du lien, pour que les gens puissent se rencontrer, vendre, troquer, discuter. »
Un événement intergénérationnel et interquartiers
Le vide-grenier de Coty n’est pas seulement un rendez-vous de quartier : il veut aussi ouvrir des ponts. « L’idée, c’est que les gens du centre-ville, du sud, viennent aussi. Que ce soit un moment de brassage. » Cette logique interquartiers est revendiquée comme une nécessité : « C’est un sujet important à Blois. Il faut créer des occasions pour se découvrir, se rencontrer », observe Nadya El Hadri.
En outre, les membres du Conseil citoyen en sont convaincus : ce type d’initiative crée du lien entre générations. « On parle souvent de la jeunesse, mais sans elle », regrette Ignace Kiala. « Là, on leur dit : venez, rejoignez-nous. Le Conseil citoyen a besoin de la jeunesse. »
Un Conseil citoyen actif et structuré
« Nous avons un plan d’action. Des réunions toutes les trois semaines. » Malgré le stop lié la période Covid, le Conseil citoyen de Blois nord fonctionne, et inspire même d’autres villes : « À Olivet, ils sont venus nous demander comment on faisait pour mobiliser autant », confie Nadya El Hadri. Loin d’être une simple chambre d’enregistrement, l’instance dispose aussi d’un pouvoir réel via le Fonds de participation des habitants. « Ce fonds permet de financer des projets associatifs, mais pas seulement. Ce sont les membres du Conseil qui votent les attributions. » Un outil d’appui à la vie locale, donc, mais aussi une reconnaissance du rôle de ces citoyens engagés.
Une relation parfois distante avec les décideurs
Mais tout n’est pas parfait. « Si un élu veut notre avis, il peut venir. Mais c’est rare », regrette un membre. « C’est souvent l’inverse : c’est nous qui sollicitons. » La loi Lamy prévoit pourtant une place pour les conseils citoyens dans les dispositifs de concertation, notamment autour des projets ANRU (pour la rénovation urbaine) ou des contrats de ville. « On participe à certaines réunions, à la préfecture ou à la Ville. Mais ce n’est pas systématique. Et parfois, on découvre l’ordre du jour en arrivant », déplore un autre. Cette tension entre participation souhaitée et reconnaissance effective nourrit une petite forme de frustration : « Nous ne sommes pas des décideurs, c’est vrai. Mais nous sommes des contributeurs. On pourrait être davantage consultés. »
Une dynamique relancée, malgré les aléas
Entre le Covid, le changement d’animateur et les relèves successives, le Conseil citoyen a traversé une période d’incertitude. Mais la nouvelle dynamique semble enclenchée. « Il y a eu des ruptures, mais aujourd’hui, on a une équipe. Nous sommes repartis », assure Nicole Laval. Depuis janvier 2025, c’est la Ligue de l’enseignement qui assure l’animation. Et le vide-grenier de cette année est clairement identifié comme un chantier prioritaire. « C’est un projet fédérateur. Et c’est un point de départ pour d’autres actions. » Comme cette réflexion sur les cahiers de doléances relancée par plusieurs membres : « On avait fait ça deux fois, dont une à l’époque des Gilets jaunes. Ce serait bien qu’on recommence. Les gens ont des choses à dire. »
Faire vivre la démocratie autrement
Dans ce quartier populaire de Blois, l’engagement citoyen n’entend pas se limiter à la parole : il passe par l’action, le contact, la logistique, l’organisation, le quotidien. « Le vide-grenier, c’est une vitrine. Mais derrière, il y a une volonté : que les habitants se sentent acteurs de leur quartier. » Et si, à l’heure de la défiance démocratique, c’était là que tout recommençait — sur une place, autour d’une table pliante, entre un sandwich et une chaise d’enfant en vente ?