
À la Galerie d’Art Wilson, rive gauche de Blois, une exposition collective réunit jusqu’au 26 avril 2025 sept artistes, dont quatre nouveaux venus dans cet espace : Marie Laudrel, Annie Raveau-Pinon, Vanesa Bardelli et Christophe Masseron. Les rejoignent Christophe Masseron, Bruno Bianchi et Michel Bizieux. L’ensemble compose une proposition contemporaine où peinture, photographie, sculpture et abstraction lyrique se rencontrent sans hiérarchie, en tissant des passerelles discrètes entre les œuvres et les sensibilités.

Lors du vernissage, Christophe Masseron, dont les toiles dans une des trois alcôves, partage avec pudeur ce qui l’anime lorsqu’il peint. « Mon univers, c’est celui que vous avez sous les yeux, mais c’est aussi celui qui m’échappe », confie-t-il. Il évoque un processus fait de rejets, de repentirs, d’élagage, où l’intention initiale s’efface peu à peu au profit d’une force plus subtile, émergeant de la matière elle-même. « La peinture commence à vivre au moment où elle offre une résistance. C’est là que surgit la surprise, le premier plaisir de la création. » Il insiste sur la part de destruction, les tableaux voués à la disparition, les effets devenus impossibles après trop de reprises. Ce n’est pas tant une quête de signification qu’un effort plastique vers l’équilibre, la lumière et l’harmonie, une cohérence que seule la toile peut atteindre, parfois malgré l’artiste.

Dans l’alcôve voisin, Vanesa Bardelli, dont les photographies s’articulent autour de la figure féminine immergée dans l’eau, s’est laissée guider par l’univers pictural de Bruno Bianchi. Elle le dit simplement : « J’ai vu ses tableaux, et ça m’a inspirée. » Elle parle de sensualité, de féminité, d’un univers personnel où les formes et les couleurs de la peinture lui ont offert une matière première pour explorer sa propre vision. Cette démarche n’est pas achevée, selon elle : « C’est même le début de quelque chose. » C’est la première fois qu’elle collabore avec un autre artiste. L’expérience fut « magnifique », dit-elle, non seulement parce qu’il s’agit de son mari, mais aussi parce que la rencontre artistique fut authentique, ouverte et féconde.

Bruno Bianchi confirme cette alchimie. Le projet, intitulé 2 x III, évoque une série de diptyques ou triptyques croisés, où peintures et photographies dialoguent sans se répondre. Lui-même autodidacte, après une carrière musicale très dense, il trouve dans la peinture une nécessité. Sa pratique repose exclusivement sur le format triptyque. Huile, acrylique, pigments purs ou substances non répertoriées se mêlent au couteau, dans un style qu’il situe du côté de l’« abstrait lyrique », où, selon ses mots, « les formes proposées évoquent des choses, mais ne représentent rien de précis. » Libre à chacun de projeter ce qu’il ou elle souhaite.

Marie Laudrel explore dans ses toiles le jeu des contraires. L’exposition dans son alcôve présente son regard sur ce qu’elle nomme les paradoxes existentiels, les tensions entre équilibre et déséquilibre, entre harmonie et chaos. Dans une recherche d’union des opposés, elle s’attache à révéler ce qu’elle ressent du mouvement de la vie. Elle évoque la densité et le dépouillement du réel, la juxtaposition des couleurs chaudes et froides, et se dit portée par un désir de donner des ailes à l’imagination. Sa peinture, née d’un besoin survenu dans les années 2000, est traversée d’émotions et de vibrations personnelles. Elle mentionne sa dette à l’égard de Nicolas de Staël, Jean-Paul Riopelle et Mark Rothko, artistes grâce auxquels elle a découvert une passion pour la matière et la couleur.

Elle se réfère aussi à Anna-Eva Bergman, peintre franco-norvégienne, qui affirmait : « L’art d’abstraire, c’est peindre l’indicible. » Une phrase qui l’accompagne. Pour Marie Laudrel, peindre, c’est créer un espace de silence, une effraction de l’intime. L’abstraction ne cherche pas la ressemblance ; elle trouble volontairement les repères, suspend la réalité, questionne l’intériorité. Elle vise à introduire une forme de décalage, un entre-deux propice à l’introspection. « Peindre, écrit-elle, c’est laisser sur la toile les traces de mes silences. »

Un peu plus loin, Cédo M. présente des œuvres à la croisée des médiums. Juriste de formation, il a trouvé dans la création un engagement total, né d’un choc esthétique en découvrant l’œuvre de Simone Lacour. L’émotion fut telle qu’il y vit une révélation. Ses matériaux de prédilection sont ceux que d’autres rejettent : pigments, terres, objets abandonnés, rebuts qu’il réanime en leur offrant une nouvelle forme, toujours habitée. Autodidacte, il se revendique nourri par les artistes qu’il admire — Léon Zack, Jacqueline Pawlowsky — et par un rapport au monde filtré par la matière. À travers ses assemblages, ses sculptures par soudure ou sur pierre tendre, sa peinture abstraite, Cédo M. revendique un art où la main et la pensée ne font plus qu’un.

L’ensemble de l’exposition, par sa diversité formelle et son exigence intérieure, laisse émerger un fil conducteur sensible : celui de la sincérité des démarches. Aucun des artistes ne cède à la facilité de l’effet. Tous cherchent une forme de vérité plastique, intuitive, parfois spirituelle, en s’ouvrant à la matière, à l’accident, à l’indécidable. Ce qui se joue ici n’est pas une démonstration, mais une présence. Une rencontre — entre les œuvres, entre les artistes, et avec les visiteurs, qui sont invités à entrer dans ces mondes non pas pour les décrypter, mais pour les éprouver.
L’entrée est libre du mercredi au vendredi de 14h à 19h, et le samedi de 10h à 19h, à la Galerie Wilson, dans le quartier Vienne à Blois.
