Arménie : une soirée de sensibilisation, de collecte de fonds, et de solidarité en Loir-et-Cher
L’Arménie a une place spéciale en France. D’ailleurs, il y aurait plus de 600.000 Arméniens dans le pays. Pourtant, l’actualité arménienne a du mal à exister au milieu des conflits et attentats multiples du moment. L’Association éducative et culturelle Arménienne de Loir-et-Cher (ARMAT) a organisé une soirée caritative lundi dernier en réponse à la crise humanitaire qui sévit en Arménie. En collaboration avec les Maîtres Restaurateurs de l’association Cuisine en Loir-et-Cher (qui réalisaient le repas) et le ZooParc de Beauval (qui accueillait), cet événement visait à apporter un soutien vital à la population arménienne du Haut-Karabakh, déracinée et expatriée de force. Ce rendez-vous a mêlé information, image, musique, danse, gastronomie et fraternité.
Sous le haut patronage de Mme Ani Manukyan, présidente de l’association ARMAT et gérante du restaurant « Au Gré du Vent » à Tour-en-Sologne, la soirée a sonné comme un vibrant appel. « En tant que patriotes déracinés, nous avons organisé cette soirée pour montrer notre soutien et notre solidarité envers ceux qui sont affectés. Nous souhaitons apporter de l’espoir et changer les choses en aidant nos compatriotes, en particulier les enfants et les amis sans logement qui sont dans le besoin immédiat, surtout avec l’arrivée de l’hiver. Avec nos modestes moyens, nous espérons collecter des fonds pour aider sur place, créer des emplois et stimuler l’économie locale en Arménie. Nous aimerions voir une amélioration de la situation et passer à autre chose. En attendant, nous, la diaspora arménienne, avons le devoir de protéger notre noyau. Je considère que nous sommes la peau et devons prendre soin de notre noyau, qui est l’Arménie », a déclaré Ani Manukyan à notre micro. « Je suis très touchée par la solidarité de nos amis français. Dans un pays démocratique où règnent la solidarité et l’égalité, celles et ceux qui ne connaissaient pas le Haut-Karabakh ont pu découvrir notre cause, notre culture et… notre cuisine arménienne. C’est une belle expérience, même si elle demande beaucoup de temps et d’efforts. Je ne regrette rien et suis prêt à recommencer si nécessaire. Il y aura encore beaucoup à faire, car malheureusement, les médias restent très silencieux sur notre situation, et très ignorants. »
Et c’est justement pour éclairer que l’auteur et photojournaliste Antoine Agoudjian a diffusé des clichés marquant sur plusieurs années, suivi de Laurent Leylekian, analyste politique, pour le décryptage. « Récemment, depuis septembre 2023, nous avons été témoins d’une épuration ethnique d’une population entière dans le territoire millénaire du Haut-Karabakh. Les habitants de cette région ont été chassés vers l’Arménie, où se pose aujourd’hui un redoutable défi humanitaire. L’Arménie, déjà menacée par elle-même, doit accueillir environ 120.000 personnes, a observé ce dernier à notre micro. L’Azerbaïdjan, une dictature classée très bas dans les indices internationaux, continue de représenter une menace constante aux frontières de l’Arménie. Plusieurs défis majeurs se posent pour le monde arménien : la perpétuation de cette menace par l’Azerbaïdjan, l’accueil et l’intégration des réfugiés, la préservation du patrimoine culturel et chrétien millénaire (églises, monastères, cimetières), qui risque d’être détruit dans un but révisionniste pour nier et cacher l’identité arménienne de cette terre. De plus, le droit au retour des réfugiés est crucial. »
Quid de La communauté internationale ? « Elle a commencé à fournir de l’armement défensif à l’Arménie, mais il est essentiel de comprendre que la région est confrontée à un conflit entre des forces démocratiques et totalitaires, juge l’expert. Si l’Arménie tombe, cela signifierait un triomphe du totalitarisme dans la région, un gain pour la Russie et l’Azerbaïdjan. »
« L’Azerbaïdjan revendique des territoires arméniens, les trois quarts de la superficie, poursuit Laurent Leylekian. Ce pays continue de préparer le terrain pour une expansion future. L’endoctrinement des enfants à la haine envers les Arméniens a été observé entre 2020 et 2022 et pourrait se poursuivre si la communauté internationale n’impose pas des lignes rouges et des sanctions fermes. […] La Russie, longtemps présentée comme garante de la sécurité de l’Arménie, a signé un accord de sécurité avec l’Azerbaïdjan juste avant l’invasion de l’Ukraine, révélant ses véritables intentions. Le gaz dit azerbaïdjanais vendu en Europe est en réalité du gaz russe, montrant la complexité des relations dans la région. »
Dans ce contexte, que peuvent faire l’Union Européenne et la France ? « L’UE considère l’Azerbaïdjan comme un partenaire fiable malgré ses actions… ce qui soulève des inquiétudes quant à sa réaction à des conflits plus éloignés de ses centres d’intérêt. Cependant, la France a commencé à fournir un soutien défensif et humanitaire à l’Arménie, ce qui est un signe encourageant. Il est à espérer que les liens entre la France, l’Union Européenne et l’Arménie se renforcent et qu’une politique de sanctions plus ferme soit adoptée. »
« En armant l’Arménie, la France et l’Inde, comme on le dit, jettent de l’huile sur le feu », a déclaré le président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, le 6 décembre 2023, dans une intervention lors du forum intitulé « Le Karabagh : retour au foyer 30 ans après. Réalisations et défis », tout en écartant un revirement : « Ils ne peuvent pas résister devant l’Azerbaïdjan. »