Arts et cérémonie du thé : la Corée du Sud s’invite à Blois et Bracieux en mai

En ce mois de mai 2025, le collectif artistique Grife, installé depuis près d’un demi-siècle à Blois, vit un moment précieux : l’aboutissement d’un dialogue culturel patient et exigeant avec la région de Gwangju, en Corée du Sud. Trois expositions, portées par une quinzaine d’artistes coréens et une vingtaine d’artistes français, ponctuent cette séquence internationale dans l’agglomération blésoise. Fruit d’un partenariat initié en 2022 par le graveur Pierre Guérin, ce cycle témoigne de l’ancrage du Grife dans un travail de terrain aussi discret qu’efficace. Et de la capacité d’une association locale à faire résonner, dans ses murs, les battements de l’histoire d’une ville lointaine.
Tout commence il y a quatre ans, lorsqu’en pleine pandémie, Pierre Guérin est accueilli en résidence de deux mois à Gwangju. Graveur reconnu et animateur de l’atelier de gravure du Grife depuis 2003, il bénéficie alors d’un séjour au Miro Center, dans le district de Dong-gu. Malgré le contexte sanitaire, les échanges se multiplient : expositions, interventions scolaires, rencontres avec des artistes. « L’accueil qu’il a reçu a été absolument extraordinaire », souligne Anne-Marie Piaulet, déléguée générale du Grife. Très vite, les invitations se poursuivent. En juillet 2024, seize artistes du Grife exposent leurs œuvres à la galerie Mudeung aux côtés de seize plasticiens coréens. C’est dans ce contexte que Mme Jungsuk Noh, présidente de l’IVCAA (International Visual Culture and Arts Association), propose une nouvelle étape : accueillir les artistes coréens à Blois. Ce projet se concrétise aujourd’hui avec ce qu’Anne-Marie Piaulet appelle « notre année coréenne ».
Première escale : dix artistes coréens à Bracieux
La première exposition a été inaugurée à la Vieille Halle de Bracieux le 10 mai. Intitulée Art de Gwangju, lumière de Corée, elle rassemble les œuvres de dix peintres coréens. « On a fait toute une mise en scène où l’on présente chaque artiste avec sa démarche et quelques travaux », explique Anne-Marie Piaulet. Cinq des artistes exposants ont fait le déplacement jusqu’à la petite commune du Loir-et-Cher. Pour nombre d’entre eux, il s’agissait d’une première visite en France. « Certains étaient déjà venus, mais seulement à Paris. Là, ils ont découvert une petite ville, une région… Avec des repères : Léonard de Vinci, le Clos Lucé. » Le Grife a veillé à leur faire visiter le territoire, à leur faire rencontrer des peintres, à leur ouvrir les portes d’un atelier de lutherie. « On a senti beaucoup d’intérêt, beaucoup de questions, de curiosité. Et un enthousiasme réel. »

A Blois : Gwangju Arirang, émotion de Corée
À peine le premier groupe reparti, un second arrive. Celui-ci comprend un historien, un journaliste, et un groupe de spécialistes de la cérémonie du thé. Le mardi 20 mai, à la bibliothèque Abbé-Grégoire, ils animeront une journée complète dans le cadre d’une nouvelle exposition : Gwangju Arirang, émotion de Corée. Une conférence est prévue à 14h30, suivie à 16h30 d’une cérémonie du thé en tenue traditionnelle, puis d’un vernissage à 17h30 en présence de Christophe Degruelle, président d’Agglopolys. Cette exposition se poursuivra jusqu’au 14 juin. « Elle a deux axes, presque entre tradition et modernité », précise Anne-Marie Piaulet. Des objets et tissus du XIXe siècle illustrent la vie traditionnelle coréenne.
Mais le cœur de l’exposition bat autour des événements de mai 1980 : la répression sanglante de la révolte populaire de Gwangju, devenue depuis un symbole de la démocratie coréenne. « Le point fort, ce sont les photos d’archives de cette révolte, un événement très présent dans les esprits coréens. » Des créations contemporaines viennent également interroger la mémoire de ces jours sombres. « Des photographes, des plasticiens retravaillent ces événements avec des montages, des compositions visuelles. » Une place est aussi accordée aux textes de Han Kang, lauréate du prix Nobel de littérature, originaire de Gwangju, et dont un ouvrage plus ancien évoque précisément cette insurrection.

Un thé, quatre infusions, mille nuances
La cérémonie du thé, elle, offrira un contrepoint méditatif à cette charge mémorielle. « Ce sera un spectacle très paisible, très lent. On observe des gestes minutieux, le versement de l’eau. Le premier thé n’est pas conservé, on en prépare un second, puis un troisième… et on goûte. Ce ne sont que de toutes petites quantités dans de minuscules tasses. Chaque infusion fait évoluer les parfums. » À travers cette approche, le Grife cherche aussi à transmettre un peu de la délicatesse de la culture coréenne. « Ce que j’ai ressenti là-bas, c’est un accueil extraordinaire, plein d’attention. Une chaleur rare. »
L’estampe comme langage commun
Troisième étape de ce printemps coréen, une exposition dans les murs mêmes du Grife, 17 rue du Bourg-Neuf à Blois. Le lundi 19 mai à 18h, un vernissage présentera les gravures de Jungsuk Noh et Sunhee Lee, deux artistes coréennes, ainsi que les travaux des ateliers de l’association. « Ce sera une rencontre plus simple, plus intime. Les dames du thé seront là aussi, mais dans une version plus légère. Elles ne seront pas en tenue traditionnelle. » L’exposition restera visible chaque mardi jusqu’au 25 juin 2025, dans le cadre de la Fête nationale de l’estampe.

Mais l’échange ne s’arrête pas là. Fin juin, trois artistes coréens seront à nouveau accueillis par l’association blésoise, avant de partir ensemble dans les Cévennes, à Saint-Laurent-de-Trèves, pour une nouvelle exposition. « On les avait déjà emmenés là-bas il y a deux ans, et ils avaient été séduits. Ce paysage leur a rappelé quelque chose de la Corée, je crois. »
La collaboration entre Gwangju et Blois semble ainsi appelée à se poursuivre au-delà de cette année symbolique. « C’est clair que tout ça ne s’arrêtera pas », confie Anne-Marie Piaulet.
🔹 Bracieux – Vieille Halle
Exposition : Art de Gwangju, lumière de Corée
📅 Du 10 au 21 mai 2025
🎨 Œuvres de dix peintres coréens, chacun présentant sa démarche artistique personnelle.
📍 Vieille Halle, Bracieux
🔹 Blois – Bibliothèque Abbé-Grégoire
Exposition : Gwangju Arirang, émotion de Corée
📅 Du 20 mai au 14 juin 2025
📷 Photographies d’archives sur la révolte de mai 1980 à Gwangju, objets traditionnels coréens du XIXe siècle, œuvres contemporaines et présentation de textes de Han Kang, écrivaine coréenne récemment nobélisée.
🎤 Mardi 20 mai : temps fort à la bibliothèque
- 14h30 : conférence sur Gwangju, par un historien et un journaliste coréens
- 16h30 : démonstration de cérémonie du thé coréen, en tenues traditionnelles
- 17h30 : vernissage officiel, en présence de Christophe Degruelle (président d’Agglopolys)
📍 Bibliothèque Abbé-Grégoire, Blois
🔹 Blois – Atelier du Grife, 17 rue du Bourg-Neuf
Exposition de gravure : Regards croisés
📅 Vernissage : lundi 19 mai à 18h
🖋 Présentation des œuvres de deux graveuses coréennes, Mme Noh et Mme Lee, aux côtés de créations des ateliers du Grife.
🍵 Présentation informelle du thé coréen par les « Dames du Thé » (sans tenue traditionnelle).
📅 Visite possible les mardis jusqu’au 25 juin, pendant les horaires d’ouverture des ateliers
📍 Atelier Grife, 17 rue du Bourg-Neuf, Blois

Fondé en 1977, le Grife (Groupe de recherche, d’initiation et de formation esthétique) est une structure singulière. Né de la volonté de peindre dans la ville — sur des palissades, sur des murs — le collectif a évolué vers l’animation d’ateliers artistiques ouverts à toutes et tous. Un premier atelier pour enfants fut ouvert à Chambord, tenu pendant 18 ans. Depuis 1984, les ateliers se sont installés à Blois. Aujourd’hui, le Grife propose des ateliers hebdomadaires et mensuels, notamment en gravure, discipline qui connaît un nouvel essor depuis l’impulsion donnée par Pierre Guérin. L’association s’est également engagée depuis cinq ans dans la Fête de l’estampe, événement national qui célèbre les lieux dédiés à la gravure à travers la France.
