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Avec S.T.E.L.L.A., Caroline Guisset crée une Bérénice viscérale

Longtemps, Caroline Guisset a cheminé aux confins de l’art et du soin, entre la vocation artistique et l’engagement au service des autres. En 2023 est née S.T.E.L.L.A., Structure Théâtrale Et Laboratoire Librement Artistique, comme un besoin profond. « Je voulais une structure qui me permette de monter les projets qui me plaisaient, d’avoir une liberté artistique totale. J’avais besoin de créer un espace où je pourrais faire ce que je voulais, avec qui je voulais, et surtout, comme je le voulais. »

S.T.E.L.L.A., un choix de nom qui n’est pas anodin pour cette comédienne et chanteuse belge installée à Blois. Il est d’abord une référence personnelle, mais aussi un clin d’œil au cosmos et à la lumière, une manière d’évoquer le passage de la vie à travers une image poétique. « Mon père était mort peu avant et j’aimais cette idée du passage, de l’éphémère, des étoiles filantes. Puis, j’adore la bière… alors même si la Stella n’est pas la meilleure en Belgique, c’était un clin d’œil amusant ! »

Au-delà de cette image, le nom traduit une volonté plus large, celle d’une alternative : « Je n’avais pas envie de fonder une compagnie dans un cadre trop rigide. Ce mot me faisait un peu peur. Il y a toujours cette question de la légitimité : je n’ai pas fait de grandes écoles de théâtre, et ça m’a poursuivie pendant longtemps. Aujourd’hui, ça va, je suis tranquille avec ça, mais je voulais quelque chose d’humble, de modeste, d’artisanal. Un laboratoire où je puisse expérimenter librement. » S.T.E.L.L.A. n’a donc pas pour vocation de s’enfermer dans un seul genre théâtral. « Je voulais que ce soit un espace où je puisse aussi bien monter une tragédie racinienne que faire du théâtre musical, des lectures, ou des projets plus engagés, comme Phil Ô Bac, qui implique des patients en psychiatrie. » Ce besoin de liberté est directement lié à son parcours, fait de bifurcations, de rencontres et de transitions.

Un parcours marqué par des rebonds

Caroline Guisset ne se destinait pas au théâtre. Née à Bruxelles, elle suit d’abord des études en communication sociale et éducation permanente à l’IEX. « J’ai fait un master et je me suis d’abord dirigée vers le cinéma. J’ai travaillé plusieurs années sur des tournages, du côté technique, à la régie, à la mise en scène, sur des premiers longs-métrages. » Mais un incident familial vient bouleverser ses plans. « J’ai toujours eu cette vocation d’être soignante, et là, c’est devenu une évidence. » Elle se spécialise en psychiatrie et travaille dans des appartements supervisés, où les patients sortent d’hôpital et réapprennent à vivre en autonomie. La vie la conduit ensuite dans le Loir-et-Cher où elle travaille de 2006 à 2013 à la clinique de La Borde, un établissement psychiatrique pionnier. La Borde est un lieu à part, où le théâtre occupe une place centrale. « C’étaient des années extraordinaires. La clinique était un endroit incroyable où les ateliers artistiques étaient intégrés au travail thérapeutique. »

C’est là qu’elle se rapproche du monde du théâtre. « À La Borde, je participais aux ateliers, mais pas en tant que comédienne. Je faisais les costumes, les accessoires. Puis en 2012, Gilles Marais avait écrit une pièce pour les patients et les soignants. Il m’a proposé un rôle. » Ce fut un déclic. « J’ai compris que j’avais envie de me former. » Elle rejoint alors la compagnie du Divan, où elle joue plusieurs spectacles, dont Toute ma vie j’ai été une femme, de Leslie Kaplan, mise en scène par Pierre Fesquet. C’est ensuite la Ben Compagnie, avec qui elle sera d’ailleurs sur scène dans le cadre du festival Vite, au théâtre !, samedi 15 février 2025, pour L’Odyssée d’Odessa.

Une Bérénice physique et intense

Le premier projet intégralement porté par S.T.E.L.L.A. est une adaptation de Bérénice, de Racine. « J’ai découvert le vers racinien lors d’un stage à Paris en 2019. La formatrice m’avait dit : ‘Fais quelque chose avec ça.' » Elle réunit une équipe et sollicite Thierry Falvisaner. « Je suis arrivée avec mon projet et mes comédiens, mais sans financement. Il a dit : ‘Banco, on le monte ensemble.' »

Sa vision de la pièce est épurée et viscérale. « Nous avons un tapis de danse rouge vif, quatre projecteurs, trois bancs. C’est un huis clos, une arène. Une fois qu’on entre sur scène, on n’en sort plus. » Le travail de répétition est marqué par les contraintes. « Chaque résidence était espacée, il fallait trouver des financements. Mais à chaque fois, ça infusait. Et j’ai trouvé mon personnage. » Elle veut une Bérénice organique, loin des représentations figées. « C’est une femme de pouvoir, une femme politique, mais aussi une femme qui tombe amoureuse de son bourreau. »

La lumière et la musique renforcent cette tension. « Clément Oury a travaillé des textures sonores puissantes, avec du violon, des percussions, une clarinette, des timbales. La musique de Titus est poisseuse, malsaine, pour souligner sa lâcheté. » Les costumes sont conçus avec Teddy Parra et ses élèves. « Nous avons tous un hakama. Bérénice porte une tenue claire avec du sang. Titus est en noir. Antiochus, le plus pur, en gris lumineux. »

Avec Bérénice, Caroline Guisset veut faire ressentir le texte plus qu’il ne se comprend. « Je ne veux pas qu’on se dise : ‘J’ai vu un classique.’ Je veux que le public ressorte en se disant : ‘Il s’est passé quelque chose.’« 

Le spectacle sera proposé le vendredi 7 mars au Théâtre du Grand-Orme, avec une représentation scolaire l’après-midi (14h30) et une tout public le soir (20h30). Le spectacle sera ensuite joué le 17 mai à Ouzouer-le-Marché, le 11 juillet en plein air sur l’idéal site gallo-romain de Tasciaca à Thésée, puis le 21 novembre au Théâtre du Puits-Manu à Beaugency.

Parallèlement, Caroline Guisset poursuit son travail de mise en scène avec Phil Ô Bac, une comédie musicale portée par l’association Scène Ouverte, qui explore la place de l’étudiant dans la société contemporaine. Le spectacle sera présenté les 20 et 21 mars au Théâtre Gérard-Philipe à Orléans-La Source.

Enfin, S.T.E.L.L.A. porte en germe aussi d’autres projets. « J’aimerais monter un spectacle autour de Kurt Weill et Lotte Lenya. » Mais aujourd’hui, la grande actualité, c’est ce Bérénice, à ne pas manquer.


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