Cette malédiction médiévale qu’on trouvait gravée dans la pierre à Blois

Il existe des vestiges du passé qui dorment dans l’ombre des archives. C’est le cas de deux inscriptions latines médiévales liées à Blois, datées des XIe et XIIe siècles, et analysées par l’érudit controis Éloi Johanneau en 1841. Gravées autrefois sur les portes de la ville, ces chartes lapidaires témoignent des privilèges accordés aux habitants par les comtes de Blois. Mais ce qui frappe dans ces textes, c’est la promesse d’une terrible malédiction, destinée à punir quiconque oserait transgresser ces décisions.
Une charte de Thibaut V aux accents de justice sociale
Une inscription est celle du comte Thibaut V, mort avant 1191. Dans cette charte, il concède aux habitants de Blois plusieurs exemptions fiscales et juridiques : la suppression de taxes sur les chevaux et les armes, l’allégement des charges sur les vignes, prairies et vergers, l’encadrement des amendes en cas de délit, l’abolition d’une monnaie dévaluée, et la suppression d’un impôt spécifique, le « cornagium ». En somme, une réforme qui allège le fardeau des habitants, dans un contexte où les seigneurs possédaient un pouvoir quasi absolu sur leurs terres.
Mais cette charte prend une tournure mystique et menaçante en se terminant par une malédiction destinée à ceux qui violeraient ces dispositions. En voici la traduction : « Nous supplions donc la puissance divine afin que quiconque oserait violer ou affaiblir en quelque manière que ce soit cette charte sacrée et ce qui a été décrété, soit frappé d’une malédiction éternelle et de l’implacable colère vengeresse de Dieu. »
Cette menace n’est pas anodine : au Moyen Âge, la peur des représailles divines était un levier puissant pour assurer le respect des lois. En inscrivant cette condamnation dans la pierre, Thibaut V tentait de sanctuariser ses décisions, plaçant tout contrevenant sous la menace d’un châtiment éternel.
Les traces du passé sont fragiles
Hormis la menace de malédiction, l’interprétation de cette inscription ne fait pas l’unanimité. En 1841, Éloi Johanneau propose une transcription qui suscite la controverse. Notamment, le terme « senescalis » (sénéchal) qu’il utilise est remis en question par d’autres érudits, qui penchent plutôt pour « senescallus ». Un détail en apparence insignifiant, mais qui illustre la difficulté de déchiffrer des textes médiévaux, où l’orthographe et les abréviations varient d’un document à l’autre. De même, une correction est proposée sur une phrase mal transcrite qui changerait légèrement le sens du texte. Un exemple qui rappelle à quel point les traces du passé sont fragiles et sujettes à interprétation, même quand elles sont gravées dans la pierre.
Aujourd’hui, ces inscriptions ont disparu du paysage blésois, mais leur souvenir persiste dans les archives, et leur étude permet de mieux comprendre le mode de gouvernance des comtes de Blois et la manière dont ils cherchaient à réguler la fiscalité locale.