Lors d’un récent rassemblement pour le climat, à Blois, au pied de l’escalier Denis-Papin, un SUV stoppe sa course. Un homme crache sa haine contre les militants écologistes et part. En France, le climatoscepticisme gagne en ampleur, un constat préoccupant à l’heure où l’urgence climatique est de plus en plus pressante. Une étude réalisée en novembre 2024 par Parlons Climat propose une analyse approfondie de ce phénomène, mêlant données chiffrées et témoignages, pour mieux cerner les ressorts sociologiques et psychologiques de ceux qui doutent des changements climatiques ou de leurs causes anthropiques.
Entre 25 % et 40 % des Français expriment des doutes, à divers degrés, sur la réalité ou l’origine humaine des changements climatiques. Parmi eux, environ 10 % rejettent totalement le consensus scientifique, adoptant parfois des postures complotistes ou négationnistes. En parallèle, 30 % des sceptiques peuvent être qualifiés de « mous », acceptant partiellement les constats climatiques mais doutant des responsabilités humaines ou des solutions proposées. Ces proportions montrent que le climatoscepticisme n’est pas marginal et reflète des tensions profondes dans la société.
Les profils des climatosceptiques révèlent des tendances sociodémographiques significatives. Les seniors, par exemple, sont surreprésentés, avec 33 % de climatosceptiques parmi les plus de 65 ans. Cette méfiance accrue peut s’expliquer par une certaine distance générationnelle face aux discours scientifiques contemporains et par une moindre exposition aux initiatives climatiques durant leur vie active. Les classes populaires, notamment les ménages à faibles revenus et les personnes peu diplômées, sont également plus enclines au scepticisme. Pour ces groupes, les politiques écologiques sont souvent perçues comme des menaces pour leur pouvoir d’achat ou leur mode de vie, accentuant une opposition parfois radicale. Sur le plan politique, une corrélation nette apparaît : 30 % des électeurs de droite expriment des doutes climatiques, une proportion qui grimpe à 42 % parmi les sympathisants d’extrême droite. En revanche, les électeurs de gauche, notamment ceux proches des écologistes, affichent des niveaux de climatoscepticisme bien inférieurs, autour de 13,5 %.
Les motivations des climatosceptiques sont variées, mais plusieurs thématiques récurrentes se dégagent. Le rejet des politiques écologiques, souvent perçues comme élitistes ou punitives, occupe une place centrale. Les mesures comme la taxation des véhicules polluants ou les rénovations énergétiques obligatoires sont fréquemment citées comme inaccessibles pour les classes moyennes et populaires. Cette perception s’accompagne d’une méfiance généralisée envers les institutions, qu’il s’agisse des scientifiques, des médias ou des gouvernements, accusés d’imposer des normes sans concertation ni équité. Pour certains sceptiques, cette défiance s’étend à des théories complotistes, notamment autour de la manipulation climatique ou des intentions cachées derrière la transition écologique.
L’étude souligne également un sentiment d’impuissance largement partagé, en particulier parmi les classes populaires. L’idée que les efforts individuels seraient inutiles face à des défis globaux revient régulièrement dans les discours, renforçant un fatalisme qui sape toute volonté d’engagement. Ce sentiment est exacerbé par une perception de l’écologie comme un domaine réservé aux élites, renforçant un fossé entre ceux qui se sentent capables d’agir et ceux qui se sentent exclus.
Au-delà des chiffres, l’étude s’attache à comprendre les mécanismes psychologiques et culturels qui alimentent le climatoscepticisme. Elle met en lumière l’importance des valeurs et des croyances dans la formation des opinions climatiques. Par exemple, beaucoup de sceptiques rejettent moins la science elle-même que l’image des scientifiques ou des écologistes, qu’ils perçoivent comme des figures paternalistes ou déconnectées des réalités du quotidien. Les entretiens montrent que les climatosceptiques expriment souvent un attachement à leur liberté individuelle, perçue comme menacée par des réglementations jugées trop intrusives.
Face à ces constats, l’étude propose des pistes pour repenser la communication autour des enjeux climatiques. Elle insiste sur la nécessité d’adapter les messages* en fonction des publics, malgré l’urgence…
Les 11 points pour mieux communiquer sur l’écologie, selon le document « Mieux parler d’écologie : ce que nous dit la recherche », sont les suivants :
- Connaître les valeurs du public visé : Adapter son message en fonction des valeurs profondes des individus est essentiel pour être entendu, car les faits sont perçus à travers le prisme de ces valeurs.
- Déverser des faits scientifiques ne suffit pas : Les faits seuls ne convainquent pas, car les opinions et idéologies filtrent leur réception. Il faut aller au-delà d’une simple présentation de données.
- Choisir soigneusement son narratif : Les histoires que nous racontons ont des effets différents. Opter pour un cadre adapté à l’objectif et au public cible peut changer l’impact du message.
- Activer le sentiment d’appartenance : Les gens s’engagent davantage lorsqu’ils perçoivent que les membres de leur groupe social ou culturel sont également impliqués.
- Donner la parole à des personnes réelles : Humaniser le message en mettant en avant des témoignages concrets, qui résonnent avec l’audience, renforce l’identification et l’empathie.
- L’émetteur du message est crucial : La crédibilité et la résonance de la personne qui porte le message ont plus d’influence que le contenu lui-même.
- Utiliser un langage clair et accessible : Le jargon technique ou scientifique peut freiner la compréhension et diminuer l’intérêt des interlocuteurs.
- Peser ses mots avec soin : Chaque mot ou adjectif peut influencer la perception du message. Le choix de termes spécifiques peut renforcer ou affaiblir son impact.
- Équilibrer entre gravité et espoir : Un discours trop alarmiste ou trop optimiste peut être contre-productif. Trouver un juste milieu est essentiel pour motiver sans paralyser.
- Relier le climat à la santé : Faire le lien avec des enjeux de santé personnelle accroît l’intérêt et l’engagement, car la santé est un sujet universellement proche des préoccupations.
- Soigner les visuels : Les images utilisées pour illustrer les messages jouent un rôle central dans la réception et l’impact. Montrer les conséquences, les causes ou les solutions peut susciter des réponses très différentes.