Culture, politique… les 1001 projets de Cédric Marmuse
Directeur de projet des Promenades Photographiques – anciennement de la Ressourcerie Les bonnes manières– , secrétaire de la section du Parti Socialiste de Blois depuis 2018, élu municipal depuis 2020, conseiller municipal délégué à la médiation culturelle et aux relations internationales, mais aussi assistant familial, en tant qu’acteur de l’aide sociale à l’enfance, le Blésois Cédric Marmuse collectionne dynamiquement les casquettes. Très impliqué dans la vie de la cité, il a décidé de prendre sa part pour la rendre meilleure. « Cela n’était pas entièrement prévu, mais les circonstances m’ont amené à être très occupé, oui », confie-t-il. « Mon activité principale, c’est le projet des Promenades Photographiques, et puis je n’ai jamais envisagé le fait d’être assistant familial comme un métier. »
Cet été, le festival des Promenades Photographiques reviendra pour une 20e édition, la deuxième à Blois. Sa conception est en cours. Quant au Capitole, épicentre du projet (14 rue des Juifs), il sera amené à accueillir des expositions, comme tout récemment « Elle(s), les remarquables et invisibles blésoises » avec l’ETIC, école de design. Des étudiant.es avaient ainsi pu faire le portrait de femmes qu’ils côtoient dans leur quotidien. Suivra une exposition avec l’école d’art de Blois-Agglopolys à partir du 13 mai 2024.
Interview de Cédric Marmuse
Blois Capitole : Verra-t-on Le Capitole ouvert en permanence ?
Cédric Marmuse : Non, l’idée, c’est que l’on ait quelque chose à présenter et qu’on ait cet espace à disposition pour pouvoir les présenter. On va plutôt, en dehors du temps du festival, consacrer cet espace à des expositions avec des associations locales, comme là avec l’ETIC, l’école d’art, des artistes locaux… et puis réserver cet endroit central aux Promenades Photographiques. Le Capitole sera à la fois le lieu d’exposition et la billetterie principale, et là où on présentera un peu les grands noms du festival.
Le Capitole a été pensé comme un site permettant les partenariats, les connexions avec d’autres acteurs, l’accueil des projets comme celui-ci dans le cadre de la quinzaine Elles. Donc, il n’y aura pas forcément d’horaires fixes, mais en tout cas, la volonté de proposer une programmation plus régulière. D’autres événements sont dans les tuyaux, mais je ne peux pas encore en parler. Ce sera à partir de septembre-octobre. On devrait avoir aussi une exposition d’un photographe professionnel. Et puis pour début 2025, en janvier, on va essayer de faire le lien avec « Génération Climat » qui se tiendra à la Halle aux grains, avec pourquoi pas avoir un complément d’exposition ici.
Voilà, le Capitole, c’est plutôt un lieu relais. Ce n’est pas un musée, c’est plutôt une galerie, donc on va plutôt être sur le mode projet. Il n’y a pas de collection permanente. Il sera vivant par des vernissages ou des finissages, avec de l’événementiel comme on vient de le faire avec un concert de Jako. C’est aussi un moyen de faire découvrir les arts visuels par un autre biais. Donc, on va essayer de travailler comme cela, avec aussi de la transversalité, et des partenariats spécifiques.
Blois Capitale : Existe-t-il des partenariats établis avec des agences photo ?
Cédric Marmuse : Nous n’avons pas d’exclusivité avec des agences de photographes, on peut travailler avec des photographes qui sont dans différentes agences. Il n’y a pas de partenariat fort, mais on travaille avec des mécènes comme Fujifilm, qui est un gros soutien, avec par exemple, un projet avec des étudiants, via des Instax, c’est à dire de la photo instantanée. Ils capteront des instants de vie dans le train, sur le quai, que ce soit ici à Blois ou à destination. Avec ce sujet du train, du voyage, on est sur « ce qui nous lie », qui est vraiment la thématique.
Après, nous sommes soutenus, comme toutes les structures d’art visuels, par l’ADAGP (Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques), et par la SAIF (Société des Auteurs des arts visuels et de l’Image Fixe). On est dans cet environnement-là, mais sans forcément avoir des exclusivités. Alors, par exemple, on peut faire une exposition avec un photographe de l’agence Magnum. D’ailleurs on a quelque chose dans les tuyaux, normalement pour cette année. Le photographe aurait été dans une autre agence, on aurait abordé son travail de la même façon.
Blois Capitale : Comment sont choisis les exposants ?
Cédric Marmuse : C’est le rôle de la directrice artistique, Odile Andrieu, qui est également la fondatrice du festival. Moi, je m’occupe vraiment des projets, des partenariats, des ressources humaines de la gestion de l’association. Odile a un parcours, elle a un regard sur tout ce qui est photojournalisme, et puis elle a une appétence personnelle pour la photographie artistique. Aujourd’hui, elle a un réseau, ce qui représente un gros avantage pour les Promenades Photographiques.
Blois Capitale : Pourquoi cette envie de passer de La Ressourcerie aux Promenades photographiques ?
Cédric Marmuse : La Ressourcerie Les Bonnes manières a été fondée il y a près de six ans. Avec une amie de lycée nous étions à l’origine du projet. Il a démarré avec un premier appel au don de 47 euros. Ensuite, il a fallu établir les statuts, trouver un local, et monter les dossiers de subvention. En réalité, cela fait presque dix ans que ce projet a commencé. Nous avons atteint un point de maturité avec la ressourcerie, envisagée comme une structure d’emploi durable, offrant différents statuts, y compris celui d’entreprise d’insertion. Bien que nous ayons bénéficié de nombreux contrats aidés, l’objectif était d’assurer un maximum de contrats à durée indéterminée (CDI). À mon départ, nous avions une dizaine de salariés, dont certains en CDI, atteignant ainsi une forme de stabilité. La ressourcerie a encore beaucoup de potentiel d’évolution, et j’espère qu’elle continuera de se développer et d’être encore plus présente sur le territoire. C’était également le bon moment pour accueillir du sang neuf. Ma successeure, Lucile Torregrossa, bien qu’étrangère au milieu de la réduction des déchets, partage les valeurs de la ressourcerie et possède une conscience environnementale forte.
Ma formation initiale est dans le montage de projets culturels. L’expérience acquise à la ressourcerie, notamment dans la gestion des partenariats et des subventions, est transposable dans d’autres contextes, y compris l’organisation de festivals. L’opportunité de changer s’est présentée naturellement, notamment avec le départ à la retraite d’Odile Andrieu. Ma transition s’est préparée sur plusieurs mois, s’achevant proprement après la dernière assemblée générale. Actuellement, je m’immerge dans le secteur des arts visuels, découvrant des organisations comme la SAIF et la ADAGP. Nous travaillons sur la communication et la préparation de l’édition 2024 du festival, envisageant des ajustements pour 2025 tout en s’inscrivant dans la continuité de l’édition précédente à Blois.
Blois Capitale : Peut-on dire qu’il y a un goût particulier pour la photographie à Blois ?
Cédric Marmuse : Il y a un intérêt marqué pour la photographie à Blois, malgré un manque d’événements dédiés. L’accueil positif lors de nos dernières expositions confirme ce constat. Nous envisageons des collaborations avec des photographes locaux, notamment pour des ateliers pédagogiques, et participons à des réseaux d’éducation artistique et culturelle.
Blois Capitale : La photographie peut-elle s’inscrire dans la stratégie touristique de Blois ?
Cédric Marmuse : L’initiative s’intègre également dans la politique touristique de Blois, profitant de la saison estivale pour attirer un public plus large et valoriser à la fois la photographie et le patrimoine local. Le festival vise à enrichir l’offre culturelle de la ville et à attirer de nouveaux visiteurs.
Blois Capitale : Revenons sur la ressourcerie, d’où est venue l’idée ?
Cédric Marmuse : Alors, ça remonte vraiment loin, il y a plus de 20 ans ! Je faisais mes études à Lille, et Muriel L’Hernault, qui était une amie du lycée, m’avait aussi rejoint pour faire ses études à Lille. C’est là-bas que l’histoire est née, car les premières ressourceries étaient dans le nord de la France. Donc, on a découvert les ressourceries à Lille et dans les alentours.
Et puis, il se trouve que nous, on était simplement usagers, on trouvait que c’était quand même une bonne idée. Alors, quand on était au lycée ici à Blois, on fréquentait Emmaüs, qui, à l’époque, était à Vienne, d’ailleurs, avant de déménager à Saint-Denis-sur-Loire. Donc, on avait déjà une inclinaison. Quand j’étais tout petit, il y avait encore les déchetteries, et j’en avais une à 500 m de chez moi. Quand on allait y déposer des gravats et des objets, moi, je trouvais toujours des choses, des objets que je ramenais à la maison. Donc, si on doit faire l’historique, il y avait quelque chose, cette récupération, elle n’a jamais complètement été étrangère. Et puis, quand on est étudiant, c’était le cas pour beaucoup, on s’équipe comme on peut, donc c’est souvent des trucs qu’on nous donne, on récupère les encombrants dans la rue.
Le temps passe, je suis parti dans mes études plutôt vers les projets culturels. Après, j’ai bossé dans plein d’autres trucs, et puis Muriel, elle, avait fait une licence d’antiquaire à Paris. Quand il a fallu qu’elle trouve un stage, c’était dans une ressourcerie qui s’appelait L’Interloque dans le 18e arrondissement, qui n’existe plus aujourd’hui mais qui a existé pendant plus de 15 ans. Donc, elle s’est retrouvée à faire son stage là-bas, et elle a toujours eu ce goût pour les ressourceries, pas forcément l’envie ou l’énergie de monter un projet.
Comme moi, je suis revenu à Blois en 2016, elle était aussi à Blois en 2016, et on s’est dit : « Bon, c’est le moment. Toi, t’as toujours voulu monter un truc là-dedans, moi j’arrive à Blois, il n’y a pas de ressourcerie. » On a pris les premiers rendez-vous avec l’agglo pour savoir s’il y avait de la place, parce que l’idée c’était bien de s’inscrire comme un acteur de la réduction des déchets, contrairement aux acteurs du réemploi qui existent déjà depuis très longtemps. Si on prend Emmaüs, c’est un acteur de la solidarité avant tout, qui est très connu et reconnu pour ça. Nous, on s’inscrit dans une démarche qui n’était pas forcément évidente dans l’esprit des gens, on fait ça d’abord pour la réduction des déchets. Donc, il a déjà fallu qu’on aille expliquer la différence entre notre projet et l’existant. Il y a beaucoup d’activités de récupération qui sont des supports aussi d’activité pour les chantiers d’insertion, mais le message in fine n’est pas la révolution des déchets, c’est d’abord de mettre les gens dans l’emploi. Nous, c’est tout l’inverse, c’est vraiment sensibiliser les gens à réfléchir sur leur mode de consommation, sur comment prolonger la vie des objets, comment remettre les objets dans les bonnes filières pour qu’ils soient démantelés, pour que les matériaux ne finissent pas en enfouissement ou incinération. C’est vraiment ça, le propos de la ressourcerie. On a monté une association, et puis, de fil en aiguille, on a fait tout ce qu’il fallait faire pour que ça marche, et ça a plutôt bien fonctionné.
Blois Capitale : Vous avez toujours eu ce dynamisme pour développer des projets ?
Cédric Marmuse : Oui, oui, même petit, j’avais ce désir… Je me souviens, en CM1, l’institutrice m’avait laissé une salle de classe le midi où on avait organisé des clubs de protection de la nature, on faisait des réunions pour voir comment on pouvait aller faire du ramassage de déchets sur les bords du Beuvron, et d’autres choses comme ça. J’ai toujours aimé monter des projets. Et quand on devient adulte, on le fait en vrai. Voilà, c’est tout. C’est inscrit dans mon ADN. Maintenant, il y a ce défi de la photographie. Il faudra peut-être revoir le format, restructurer deux ou trois choses. C’est ce qui m’anime aussi, parce qu’être dans la gestion pure et dure, bon, c’est pas ce qui me branche le plus… mais le développement, passer à de nouvelles étapes, ça me plait.
Blois Capitale : Parlons politique, depuis quand êtes-vous au Parti Socialiste ?
Cédric Marmuse : Mon parcours est atypique, mais dès le lycée, j’étais actif. En 2002, lors du second tour des élections où Le Pen était présent, j’ai participé aux manifestations à Blois. Ce choc a été déterminant pour moi ; j’étais peut-être plus radical que le Parti Socialiste à cette époque, mais j’ai fini par comprendre la réalité de la vie démocratique française.
Lors de la campagne de 2006 avec Ségolène Royal, j’ai adhéré au parti grâce à une campagne d’adhésion à 20€ lancée par Jack Lang. À Lille, sous l’ère de Martine Aubry, je n’étais pas très actif, mais mon engagement s’est intensifié à Cachan en 2008, lors des élections municipales. J’ai découvert la camaraderie entre militants et j’ai appris les rouages du Parti Socialiste.
Plus tard, dans l’Indre, loin de toute agitation, j’ai participé à diverses campagnes électorales. En 2012, lors de l’élection de François Hollande, une camarade de l’Indre est devenue députée et m’a proposé de travailler à l’Assemblée Nationale.
Après mon retour à Blois, j’ai lancé le projet de la ressourcerie, tout en veillant à ne pas trop afficher mon engagement politique pour que le projet soit jugé sur ses mérites. En 2018, je suis devenu secrétaire de section du Parti Socialiste à Blois, une période compliquée pour la section. Malgré les difficultés, nous avons vu un regain d’engagement, notamment chez les jeunes. En 2020, je me suis engagé au côté de Marc Gricourt et ai été élu avec une délégation autour de la médiation culturelle et des relations internationales.
Blois Capitale : Votre déclic politique remontant à 2002 et Jean-Marie Le Pen au 2nd tour de l’élection présidentielle, vous devez être aujourd’hui très inquiet…
Cédric Marmuse : Oui, le déclic, pour moi, remonte à 2002, et aujourd’hui, face à la montée de l’extrême droite, je suis profondément inquiet. Mon engagement à l’Aide Sociale à l’Enfance et à la ressourcerie m’a confronté à de nombreuses réalités sociales et m’a conforté dans mes valeurs.
La situation actuelle me préoccupe, surtout face aux discours de certains partis et à l’absence de conscience politique de certains électeurs. Je crois en l’importance de l’engagement politique pour répondre aux besoins des citoyens et pour éviter de tomber dans l’extrémisme. Mon souhait est que la politique prenne en compte les préoccupations de tous pour que les gens puissent vivre dignement, sans avoir à manifester pour défendre leurs droits fondamentaux.
Blois Capitale : La culture est-elle le meilleur outil contre cette tendance ? Pourquoi n’attire pas plus le très grand public ?
Cédric Marmuse : Je pense que la culture est un levier, mais ce n’est pas le seul, car la culture, c’est vaste : il y a la télévision, une culture télévisuelle, Netflix, etc. Quand on parle de culture, on pense souvent à sa dimension artistique. Pourquoi les gens ne participent-ils pas davantage ? D’une part, il y a la réalité de la vie quotidienne : les gens travaillent, font leurs courses, s’occupent de leurs enfants, et ne peuvent pas consacrer tout leur temps à des vernissages… Il y a aussi un sentiment que la culture « ce n’est pas pour moi », ce qui, je pense, est largement une question d’éducation.
Nous avons lancé avec Fabienne Quinet une initiative appelée « Une œuvre, une école », car nous avons 35 000 œuvres dans les réserves du château de Blois. C’est monumental. On s’est dit qu’il fallait faire sortir ces œuvres des réserves, car elles appartiennent aux Blésois. L’idée est d’amener l’art dans le quotidien des enfants, de désacraliser l’œuvre d’art. On espère que ces enfants se souviendront de cette expérience plus tard.
La question de l’accessibilité culturelle n’est pas juste une question de disponibilité, mais d’éducation et d’accompagnement. Des associations comme Cultures du Cœur font un travail remarquable en ce sens. La ville met également des places à disposition, mais il est crucial d’accompagner les gens dans cette démarche.
Par exemple, avec les « Marmots », qui vise à maintenir une programmation jeune public au cinéma, nous avons vu que même des questions aussi simples que « ma mère porte le voile et pense qu’elle n’a pas le droit d’entrer » peuvent se poser. Il faut donc expliquer que les signes religieux concernent les services publics et que le cinéma est un espace privé.
Aujourd’hui, on parle moins de médiation culturelle que de droit culturel. Comment faire en sorte que les gens exercent leur droit à la culture ? C’est une question de connaissance de ses droits.
Par exemple, les initiatives comme les Anooki à Noël, projetées sur le château, créent un événement familial qui invite les gens à découvrir ou redécouvrir leur patrimoine. L’idée est d’ouvrir des portes, de créer des passerelles vers la culture, sans forcer mais en invitant.
L’éducation joue un rôle crucial. Par exemple, les Journées du Patrimoine ont été pour moi une ouverture à la peinture et à l’architecture. Aujourd’hui, on manque d’éducation à l’architecture, alors que nos villes sont des musées à ciel ouvert.
En fin de compte, c’est une question de connaissance de ses droits et d’accès à ces droits. Les gens s’auto-excluent parce qu’ils pensent ne pas avoir le droit ou que ce n’est pas fait pour eux. Il est de notre responsabilité de leur dire qu’ils ont le droit et de leur donner les moyens d’exercer ce droit.
Le quotidien n’est pas facile, et il est vrai que les gens peuvent se sentir exclus de certaines activités culturelles, pensant que « ce n’est pas pour eux ». Il faut travailler à déconstruire ces idées reçues, à ouvrir les espaces culturels à tous, et à rappeler que chacun a le droit de bénéficier de la culture, sous toutes ses formes.