Au cœur de la cité blésoise, l’hôtel d’Alluye se dresse fièrement, témoin de l’exceptionnelle période de la Renaissance qui a vu l’éclosion de nombreux hôtels particuliers à Blois. Cette époque, durant laquelle Blois fut propulsée au rang de capitale du royaume sous Louis XII, a vu la ville se transformer profondément sous l’influence de la cour et de l’administration royale.
Construit entre 1500 et 1508, l’hôtel d’Alluye se démarque par sa modernité et son audace stylistique. Son édification, achevée avant 1508, est confirmée par une lettre d’ambassadeur florentin de septembre de cette même année. La demeure est décrite comme « murato di nuovo », ce qui signifie qu’elle a été nouvellement érigée. Localisé rue Saint-Honoré, l’hôtel d’Alluye était initialement plus étendu qu’il ne l’est aujourd’hui. Bien qu’une grande partie de sa superficie initiale ait disparu avec le temps, les éléments subsistants témoignent de sa grandeur passée.
Florimond Robertet : L’homme derrière l’œuvre
Mais qui est à l’origine de cette merveille ? Florimond Robertet, baron d’Alluye, notaire, secrétaire du roi et trésorier de France, est ce personnage hors du commun ayant commandité cet édifice. Issu d’une famille du Forez, il a gravi les échelons du pouvoir, servant trois rois : Charles VIII, Louis XII et François Ier. Ses talents linguistiques, parlant quatre langues couramment (français, italien, allemand, espagnol), combinés à ses compétences administratives et financières, lui ont permis de se démarquer.
Sous Louis XII, Robertet devint une figure majeure de la couronne. En 1505, après la disgrâce du maréchal de Gié, il joua un rôle diplomatique crucial en tant qu’ambassadeur auprès de la République de Florence. Ses relations avec l’Italie ont non seulement enrichi ses collections d’art, mais ont aussi renforcé son influence culturelle et humaniste.
Les alliances stratégiques
Son ascension ne se limite pas à ses savoirs. Florimond Robertet a également su naviguer habilement dans les eaux tumultueuses de la politique de l’époque. En épousant la fille des Gaillard, une famille influente de financiers, il a scellé son statut et renforcé son influence. Cette union était d’autant plus significative que le frère de sa femme était un bâtard du père de François Ier.
Robertet a joué un rôle diplomatique clé. Que ce soit en favorisant l’union de Claude de France avec le futur François Ier ou en conseillant Louise de Savoie pendant la captivité de son fils après la bataille de Pavie, Robertet a démontré une finesse politique et stratégique sans égal.
Un héritage oublié
Malgré son influence indéniable, Robertet est resté longtemps dans l’ombre de l’histoire. Olivier Durand-Mille, dans son ouvrage « Robertet L’ami français de Machiavel » (Editions de la Bisquine), le décrit comme un personnage qui a profondément marqué l’histoire de France. Il le compare à d’autres grandes figures politiques telles que Colbert, le cardinal de Fleury, ou encore Talleyrand.
Durant les règnes de Charles VIII, Louis XII, et François Ier, Florimond Robertet se distingua comme l’une des figures prédominantes, incarnant l’essence même de la Renaissance. Bien que largement reconnu et célébré par ses contemporains et les générations qui ont suivi, sa notoriété a graduellement été éclipsée par le temps.
Machiavel le considérait comme un proche, l’éminent humaniste Guillaume Budé valorisait son amitié, et Charles Quint voyait en lui l’unique représentant crédible lors de ses tractations avec la France.
L’itinéraire de Robertet est également intrinsèquement associé à l’impact politique, parfois déterminant, de trois femmes exceptionnelles : Anne de Bretagne, Anne de Beaujeu, et Louise de Savoie, dont le rôle est souligné par l’écrivain.
L’hôtel d’Alluye à Blois est bien plus qu’un simple édifice architectural. Il est le reflet du pouvoir et de la vision d’un homme, Florimond Robertet, qui, à travers ses alliances, ses compétences et ses services rendus à la couronne, a façonné une partie de l’histoire française. Un trésor caché en plein cœur de Blois, qui mérite toute notre attention.
