Du projet démesuré à l’écotourisme: la folle histoire du Lac de Loire
Au début des années 1960, la Jeune Chambre Économique de Blois et de sa région, une entité dédiée à la promotion du développement économique, a lancé une étude qui allait bouleverser la face touristique du Blaisois. Le Lac de Loire. L’idée était claire : créer un plan d’eau pour stimuler le tourisme et les activités sportives sur le territoire. Cet aménagement était qualifié d’ « indispensable » pour accroître l’attractivité locale.
Les débuts : la vision et le projet
À cette époque, la Jeune Chambre Économique imaginait un plan d’eau majestueux où les activités nautiques seraient reines. Le plan d’eau offrirait non seulement une zone de loisirs avec des terrains de tennis, un mini-golf et des plages, mais contribuerait également à rehausser la beauté du paysage blaisois, notamment avec « un jeu de lumière sur l’eau ».
Un élément clé de cette vision était la création d’un « barrage gonflable ». En octobre 1962, la Ville de Blois, séduite par les avantages esthétiques, touristiques et sportifs du projet, a adopté ce plan ambitieux. C’était le début de la réalisation d’un rêve façon années 60.
L’approbation du Conseil général de Loir-et-Cher
Le projet n’a pas tardé à recevoir le soutien financier du Conseil général de Loir-et-Cher. Dès mai 1963, le Conseil votait un crédit pour des études préliminaires. Puis, en octobre de la même année, il a approuvé la construction du barrage, confiant les travaux à la Société d’équipement du Loir-et-Cher.
L’ouvrage, une prouesse d’ingénierie, s’étendrait sur 390 m avec un barrage mobile de 320 m. Ses vannes métalliques, appelées « ventre de poisson », étaient une pièce maîtresse de ce design avant-gardiste.
Des aspirations grandioses : la « prodigieuse cité de week-end »
En 1964, l’ampleur du projet a été révélée. Outre le barrage, le plan d’aménagement envisageait un complexe monumental qui s’étendrait jusqu’à Saint-Denis-sur-Loire. On parlait d’un hippodrome, d’un casino, d’un parc zoologique et même d’un ensemble résidentiel. Cette vision extravagante a été dévoilée dans un article du Journal du Dimanche, capturant l’imagination de certains, mais suscitant également des inquiétudes.
Lac de Loire : des voix discordantes se lèvent
Si la perspective d’une telle transformation a enthousiasmé de nombreux habitants, elle a également alarmé un certain nombre d’acteurs locaux. Des associations de protection ont commencé à se mobiliser. L’association pour la défense du Val de Loire Blésois Saint-Denis-sur-Loire, ainsi que des personnalités comme le peintre Bernard Lorjou, président du Comité de défense du Val de Loire, ont exprimé leurs préoccupations. Ils ont souligné les risques environnementaux et les impacts sur les paysages bucoliques de la région.
Devant ces inquiétudes, l’architecte français Louis Gabriel de Hoÿm de Marien est intervenu pour revoir les plans. Bien que toujours ambitieux, le nouveau design était plus équilibré, avec des zones d’activités sportives et de loisirs, mais d’autres propositions extravagantes ont été abandonnées.
La reconnaissance
Malgré les controverses, l’étude sur le plan d’eau de Blois a été reconnue à l’échelle nationale et internationale. La Jeune Chambre Économique de Blois a reçu le « trophée Lugdunum » en 1963, et en 1966, elle a été récompensée à Kyoto avec le trophée mondial du meilleur projet en matière de développement économique.
À partir de 1971, le barrage a permis aux habitants et aux touristes de profiter de nombreuses activités, de la baignade à l’aviron. Les associations locales, comme l’Aviron Blésois, ont proposé des stages et des circuits pour faire découvrir le site. En 1971 toujours, le Conseil général a fondé la Société de Gestion du Lac (SO.GE.LAC) pour gérer ce site. Au fil des années, le Lac de Blois est devenu un pôle de loisirs connu.
Lac de Loire : Renaissance écologique et valorisation du patrimoine
Depuis son heure de gloire au début des années 70 jusqu’à la fermeture du barrage en 2005, le Lac de Loire est passé de site phare de divertissement à un espace en sommeil. Cependant, le vent semble tourner pour ce lieu chargé d’histoire, car un projet de revitalisation ambitieux est en marche, visant à associer le passé vibrant du site à un avenir axé sur l’écologie et les mobilités douces.
Un passé riche en émotions et en souvenirs
Dans les années dorées du Lac de Loire, les activités foisonnaient. La jeunesse parisienne et locale s’y retrouvait pour profiter du ski nautique, de la voile et des soirées dansantes que transformait la capitainerie. Mais tout n’était pas destiné à durer. Après le démantèlement du barrage, certaines activités se sont relocalisées, comme le club de voile qui s’est installé au plan d’eau du Domino à Suèvres. Les structures de tennis, le minigolf sont tombés en désuétude et de nombreux restaurateurs ont tenté, en vain, de raviver le site.
L’aube d’une nouvelle ère
La Communauté d’agglomération voit le potentiel dormant de ce site. Doté d’une enveloppe de 4,5 M€ sur 4 ans, son projet se propose de redynamiser le Lac de Loire, renforçant ainsi les installations existantes comme la piscine, le camping et la base de canoë-kayak.
L’attention se tourne actuellement vers la capitainerie. L’état avancé de délabrement du bâtiment nécessite des travaux considérables. Christophe Degruelle, président d’Agglopolys, annonçait il y a quelques mois un investissement entre 1,5 et 2 M€ pour sa réhabilitation.
Ce projet de restauration entend non seulement préserver, mais aussi valoriser le patrimoine architectural du site. Cela débute par la démolition des extensions non originales pour revenir à la conception initiale du bâtiment, reconnue par la Drac comme une « architecture contemporaine remarquable ». Le projet envisage également la mise en place de cuisines modernes, de restaurants avec terrasses offrant une vue imprenable sur la Loire et un espace de snacking. Le projet de réhabilitation du restaurant, prévu pour 2025, pourrait être axé sur le bistronomique, accessible et convivial.
Pour améliorer la mobilité sur le territoire et offrir aux résidents la possibilité de franchir les deux rives de la Loire par des modes de transport écologiques (comme la marche ou le vélo), un projet de passerelle est en cours d’élaboration. Souci, le Département de Loir-et-Cher se retrouve face à une nouvelle épreuve concernant ce projet de passerelle sur la Loire. Prévue pour relier les communes de Vineuil et La Chaussée-Saint-Victor, cette œuvre d’art architecturale est désormais menacée par une hausse notable des coûts de construction, pouvant porter le budget total du projet à 19 millions d’euros !
La réécriture de l’histoire du Lac de Loire est en cours, et elle promet d’être aussi riche et vibrante que par le passé.