Dans sa « Nouvelle Géographie Universelle » – ouvrage en 20 volumes (17.873 pages de texte, 4290 cartes et des milliers de gravures) – ou dans le posthume « L’Homme et la Terre », Élisée Reclus évoqua Blois. Une raison suffisante pour remettre un peu plus dans la lumière un homme brillant et sacré personnage. Car Élisée Reclus, militant de la Première Internationale et communard, fut à la fois géographe, écrivain, anarchiste, écologiste, franc-maçon, végétarien, naturiste, partisan de l’union libre et de l’esperanto.
Qui fut Élisée Reclus ?
Élisée Reclus (1830-1905) était avant tout un géographe, écrivain et anarchiste, frère d’un autre célèbre géographe, Élie Reclus (de son vrai nom Jean-Pierre Michel Reclus).
Élisée Reclus a étudié la géographie et les sciences naturelles à l’École Polytechnique de Paris. Il est devenu plus tard professeur de géographie à l’Université de Bruxelles et a écrit plusieurs œuvres importantes sur la géographie, notamment « Nouvelle Géographie Universelle » et « La Terre: Description des Phénomènes de la Vie du Globe ».
Je ne veux avoir sur le front la marque d’aucun maître, je veux garder ma libre pensée, ma volonté intacte, ne rendre compte de ma conduite qu’à ma conscience !
Élisée Reclus (âgé de 18 ans)
Anarchiste
Reclus était également un anarchiste actif et a écrit de nombreux articles et livres sur l’anarchisme et les questions de justice sociale. Il était proche du penseur anarchiste Pierre Kropotkine et a été impliqué dans des mouvements et des organisations anarchistes tout au long de sa vie. Reclus croyait que l’État était une institution répressive et que l’anarchisme offrait une voie vers une plus grande liberté individuelle et une plus grande égalité sociale.
En plus de son travail d’écriture (destiné à diffuser un savoir émancipateur auprès d’un public profane) et d’activisme, Reclus a voyagé dans le monde entier, visitant l’Europe, l’Asie, l’Amérique du Nord et du Sud. Il est décédé en 1905 à Torhout, en Belgique. Aujourd’hui, il est considéré comme une figure importante dans les domaines de la géographie et de l’anarchisme, et ses idées continuent d’inspirer les chercheurs et les militants du monde entier.
Précurseur de la géographie sociale
Jacques Élisée Reclus est considéré comme un précurseur de la géographie sociale, une branche de la géographie qui étudie les relations entre l’espace, la société et la culture. Reclus croyait que la géographie devait être étudiée non seulement comme une science physique, mais aussi comme une science sociale, qui examine les relations entre les gens et leur environnement naturel et construit.
Dans son ouvrage « Nouvelle Géographie Universelle », Reclus a décrit les interactions entre les peuples et les cultures dans différents pays et régions du monde. Il a également étudié les processus économiques et sociaux qui ont façonné les paysages naturels et construits. Reclus a souligné l’importance de l’étude de la géographie pour comprendre les relations de pouvoir entre les nations et les peuples, et pour promouvoir la justice sociale et la compréhension interculturelle.
Aujourd’hui, la géographie sociale est une discipline importante dans les études géographiques et est étudiée dans de nombreuses universités du monde entier.
Géopolitique, géohistoire, écologisme et écologie
Jacques Élisée Reclus a également apporté des contributions importantes à d’autres domaines de la géographie, tels que la géopolitique, la géohistoire, l’écologisme et l’écologie.
En ce qui concerne la géopolitique, Reclus a étudié les relations de pouvoir entre les nations et les peuples, et a critiqué les formes d’impérialisme et de colonialisme qui ont été utilisées pour justifier l’exploitation et l’oppression des populations. Il a également souligné l’importance de la compréhension des enjeux géopolitiques pour promouvoir la paix et la coopération internationales.
En matière de géohistoire, Reclus a étudié les processus historiques qui ont façonné les paysages naturels et construits, et a montré comment les événements historiques ont eu un impact sur les cultures et les sociétés. Il a également souligné l’importance de la prise en compte des processus géohistoriques dans la planification et la gestion des territoires.
En matière d’écologisme et d’écologie, Reclus a été l’un des premiers à mettre en évidence l’impact destructeur de l’activité humaine sur l’environnement naturel. Il a plaidé pour une approche holistique de la gestion de l’environnement, qui prend en compte les interactions entre les écosystèmes et les sociétés humaines (il faut « prendre définitivement conscience de notre humanité solidaire, faisant corps avec la planète elle-même »). Reclus a également plaidé pour la protection des espaces naturels et la préservation de la biodiversité, et a critiqué les pratiques destructrices telles que la déforestation et l’exploitation minière.
Aujourd’hui, les travaux de Reclus dans ces différents domaines sont toujours étudiés et discutés par les géographes et les spécialistes de l’environnement.
Végétarien et naturiste
L’homme était végétarien et naturiste convaincu. Il considérait que la nourriture végétale était plus saine et plus respectueuse de la vie que la viande, et il était également convaincu que le naturisme était bénéfique pour la santé physique et mentale.
Reclus croyait que le naturisme, qui prône le retour à un mode de vie plus proche de la nature, pouvait aider les gens à retrouver une harmonie avec leur environnement naturel et à se libérer des conventions sociales qui limitent leur liberté et leur créativité. Il a également plaidé pour la création de communautés agricoles et artisanales qui pourraient fournir une alternative viable au mode de vie urbain et industriel.
Bien que ces idées aient été controversées à l’époque, elles ont influencé de nombreux mouvements sociaux et écologiques qui se sont développés au cours du XXe siècle. Aujourd’hui encore, la question de la relation entre l’homme et la nature, ainsi que celle du mode de vie le plus approprié pour vivre en harmonie avec l’environnement, est au cœur de nombreux débats et discussions dans les milieux écologistes et sociaux.
Partisan de l’union libre
Jacques Élisée Reclus était un partisan de l’union libre, c’est-à-dire d’une forme de relation amoureuse et familiale qui repose sur la liberté individuelle et l’égalité entre les partenaires, plutôt que sur des conventions sociales ou religieuses.
Reclus croyait que l’amour et la sexualité devraient être des expressions libres et spontanées de l’individualité et de la créativité humaines, plutôt que des contraintes imposées par la morale ou la religion. Il était également convaincu que l’union libre offrait une alternative viable au mariage conventionnel, qui selon lui, était souvent oppressif pour les femmes et limitait leur liberté et leur épanouissement personnel.
Ces idées étaient très novatrices pour l’époque et ont été critiquées par de nombreux contemporains conservateurs. Cependant, elles ont inspiré de nombreux mouvements féministes et sociaux qui ont cherché à promouvoir l’égalité entre les sexes et à défendre la liberté individuelle et la diversité des formes de vie amoureuse et familiale.
Espérantiste convaincu
L’espéranto est une langue construite conçue comme une langue internationale neutre et facile à apprendre, qui permettrait une meilleure communication entre les peuples de différentes cultures et langues.
Reclus était convaincu que l’espéranto était un outil précieux pour promouvoir la paix et la compréhension internationales, et pour surmonter les barrières linguistiques qui limitent souvent la communication et la coopération entre les peuples.
Il a participé activement à la diffusion de l’espéranto en France et en Europe, en écrivant des articles et en prononçant des discours sur son utilité et ses avantages pour la compréhension internationale. Reclus a également traduit certains de ses propres ouvrages en espéranto, pour les rendre accessibles à un public plus large.
L’espéranto a continué à être utilisé par de nombreux mouvements sociaux et écologiques qui cherchent à promouvoir la coopération et la compréhension internationales, ainsi que par des voyageurs et des érudits qui souhaitent communiquer avec des personnes de différentes cultures et langues.
Militant de la Première Internationale et communard
Élisée Reclus fut un militant actif de la Première Internationale et un communard engagé lors de la Commune de Paris de 1871.
La Première Internationale, également connue sous le nom d’Association Internationale des Travailleurs (AIT), était une organisation internationale fondée en 1864 qui cherchait à promouvoir la coopération et la solidarité entre les travailleurs de différents pays. Reclus était un membre actif de l’AIT et a participé à de nombreuses réunions et manifestations pour défendre les droits des travailleurs et des pauvres.
Lors de la Commune de Paris de 1871, qui a été une insurrection populaire contre le gouvernement français, Reclus a pris part à la défense de la ville contre les troupes gouvernementales. Il a été arrêté et emprisonné après la défaite de la Commune, mais a finalement été libéré grâce à l’intervention de ses amis et de ses sympathisants.
Ces expériences ont profondément marqué Reclus et ont renforcé son engagement en faveur de la lutte contre les inégalités sociales et pour l’émancipation des travailleurs et des opprimés. Elles ont également influencé sa pensée géographique en le poussant à étudier les rapports de pouvoir et les structures sociales qui façonnent les espaces et les territoires.
Franc-maçon
Élisée Reclus a été initié en franc-maçonnerie à la loge « Les Émules d’Hiram » du Grand Orient de France à Paris, le 11 mars 1858. Cette loge, fondée en 1821, était l’une des plus anciennes et des plus prestigieuses du Grand Orient de France, et elle comptait de nombreux membres célèbres et influents parmi lesquels se trouvaient des écrivains, des artistes, des hommes politiques et des scientifiques.
L’initiation de Reclus à la franc-maçonnerie témoigne de l’importance de cette institution dans les milieux intellectuels et politiques de l’époque, ainsi que de l’engagement de Reclus en faveur de la recherche de la vérité, de la liberté et de la fraternité entre les hommes. La franc-maçonnerie a également été perçue comme un lieu de rencontre et d’échange pour les penseurs et les militants qui partageaient des idéaux communs, tels que la laïcité, l’humanisme, l’émancipation sociale et l’internationalisme.
Cependant, il convient de noter que la participation de Reclus à la franc-maçonnerie n’a pas été un élément central de sa pensée ou de son engagement politique ultérieur. Au fil du temps, il a évolué vers des formes de militantisme plus radicales et plus critiques à l’égard des institutions et des pouvoirs établis, tels que l’anarchisme et le syndicalisme révolutionnaire.
Élisée Reclus a fréquenté de nouveau les loges maçonniques lors de son dernier exil à Bruxelles, où il a donné de nombreuses conférences sur l’anarchie. Cependant, il convient de préciser que Reclus n’a jamais été un franc-maçon actif, c’est-à-dire qu’il n’a pas participé activement aux travaux et aux activités de la loge.
Sa présence à Bruxelles en 1894 a toutefois eu une importance déterminante sur la loge maçonnique des Amis philanthropes, dont il a été un visiteur régulier. Cette loge, fondée en 1768, était l’une des plus anciennes de Belgique et comptait parmi ses membres de nombreux personnalités influentes du monde politique, social et culturel.
La présence de Reclus à la loge des Amis philanthropes a contribué à renforcer les liens entre les francs-maçons et les anarchistes, qui partageaient des idéaux communs tels que la liberté, l’égalité et la fraternité. Cela a également permis aux francs-maçons de mieux comprendre la pensée et les revendications des anarchistes, qui étaient souvent mal compris et mal représentés dans la presse et dans les milieux politiques.
Aucune cérémonie pour son enterrement
Atypique et militant jusqu’au bout, le géographe sensible a été, conformément à ses dernières volontés, enterré sans aucune cérémonie. Seul son neveu Paul Reclus a suivi le cercueil lors de ses obsèques. Cette absence de cérémonie a été perçue comme un signe de l’engagement profond de Reclus en faveur de la simplicité et de la modestie, ainsi que de son refus des conventions sociales et des cérémonies ostentatoires.
Cette décision a également été interprétée comme une expression de son engagement anarchiste, qui rejetait les institutions et les symboles de l’État et de l’Église en faveur de formes de solidarité et de coopération plus directes et plus horizontales entre les individus.
Aujourd’hui, la tombe de Élisée Reclus à Ixelles – qu’il partage avec son frère Élie mort un an plus tôt – est devenue un lieu de pèlerinage pour les sympathisants de sa pensée géographique et sociale, qui y viennent pour se recueillir et honorer sa mémoire.
