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Georges Gauthier, l’inventeur oublié du premier scooter à Blois

À Blois, l’histoire industrielle laisse de moins en moins de traces visibles. Pourtant, l’un des pionniers de la mobilité moderne y voit le jour à la fin du XIXe siècle. Georges Amédée Gauthier, ingénieur autodidacte, conçoit en 1902 un véhicule motorisé inédit : l’Auto-Fauteuil. En bien des aspects, cette création préfigure le scooter tel qu’on le connaît aujourd’hui. S’il est difficile d’établir une filiation directe, il est incontestable que Gauthier se situe parmi les tout premiers inventeurs à penser un deux-roues à moteur pensé pour le confort et la dignité de l’usage quotidien.

Georges Amédée Gauthier naît à Blois le 12 mai 1878, dans une famille déjà tournée vers l’innovation. Son père, Pierre Gauthier, est connu localement comme un esprit inventif. On lui attribue, selon des témoignages familiaux et régionaux, la conception d’une horloge à quatorze cadrans, ainsi que plusieurs mécanismes textiles. Certains récits lui prêtent également des intuitions précoces sur la roue libre et les systèmes de changement de vitesse, mais aucun dépôt de brevet ou publication officielle ne permet de les attester formellement.

Le jeune Georges grandit dans cet univers. Vers 1896, il conçoit dans l’atelier paternel une motocyclette fonctionnelle, selon certaines sources. Toutefois, aucun brevet ni modèle industriel ne vient confirmer cette antériorité par rapport aux premières motos produites à la fin du XIXe siècle. L’invention est rapidement mise de côté par Gauthier lui-même, qui n’en mesure pas encore l’intérêt. En 1898, il part accomplir son service militaire comme mécanicien, avant de se rendre à l’Exposition universelle de 1900 à Paris, événement décisif où il découvre les innovations européennes les plus marquantes de son époque.

C’est au retour de cette exposition qu’il se consacre à son invention la plus connue. En 1902, à Blois, il met au point un véhicule à moteur à deux roues, conçu pour être conduit assis sur un large fauteuil, garni d’accoudoirs. L’Auto-Fauteuil est conçu d’emblée pour des usagers soucieux de leur apparence et de leur aisance : femmes en robe, ecclésiastiques, professions médicales. Le plancher bas, l’assise droite, la position stable et confortable, tout distingue ce véhicule des motocyclettes nerveuses de l’époque.

auto-fauteuil
Archives de la ville de Blois et d’Agglopolys

Le moteur, placé sous le siège, est d’abord un monocylindre Aster à soupapes latérales. D’autres variantes intègreront des moteurs De Dion-Bouton de Puteaux, de 3 chevaux refroidis par air ou 3,5 chevaux par eau. En 1906, Gauthier conçoit ses propres blocs moteurs. Le véhicule démarre à l’aide d’une manivelle et dispose d’un embrayage. La béquille centrale — alors inédite — permet de stabiliser l’engin à l’arrêt. L’échappement, situé sous le repose-pieds, sert également de chauffe-pieds. Ce raffinement technique, attesté dans plusieurs documents d’époque, révèle une approche centrée sur l’usage réel, et non sur la seule performance.

En 1909, Georges Gauthier développe un autre système original, la « suspension promulsive », censée améliorer la stabilité grâce à une meilleure répartition du poids sur des roues indépendantes. L’existence de ce système est mentionnée dans divers récits postérieurs, mais il ne fait pas l’objet d’un brevet connu.

L’atelier Gauthier, installé dans un premier temps rue Saint-Gervais, déménage en 1911 au quai Henri Chavigny, dans des locaux plus adaptés. Là, la production de l’Auto-Fauteuil se développe jusqu’au début des années 1920. L’invention suscite un certain intérêt, en particulier dans le clergé. Les publicités d’époque mentionnent explicitement la clientèle ecclésiastique comme cible : l’Auto-Fauteuil y est présenté comme une « voiture automobile à deux roues pour personne seule », recommandée pour ceux qui souhaitent se déplacer sans compromettre leur tenue.

Un autre projet de véhicule léger, destiné aux médecins et au tourisme, est lancé sous le nom de « motovoiture » en 1912. Ce modèle, à moteur démontable pour faciliter la révision, est produit en petite série selon des témoignages locaux.

Pendant la Première Guerre mondiale, Gauthier est mobilisé et affecté au corps des sapeurs-mineurs. Il participe à la bataille de l’Isère et en revient gravement malade, réformé à la suite d’une dysenterie. Profondément marqué par l’expérience du front, il se détourne de l’univers militaire mais conçoit, selon certains récits, une « voiture sauteuse » destinée à franchir les tranchées. L’engin aurait été capable de bonds de six mètres, équipé d’une mitrailleuse. Plusieurs témoignages évoquent des démonstrations impressionnantes, mais cette machine n’a laissé aucune trace matérielle ni documentation technique connue.

Après-guerre, l’Auto-Fauteuil devient obsolète. Les véhicules plus rapides, mieux carrossés, répondent aux nouvelles attentes. Gauthier propose pourtant de moderniser les modèles encore en circulation. Il continue de produire divers véhicules jusqu’en 1931. À cette date, il cesse toute activité commerciale. Il achète un terrain dans les étangs de la région blésoise, y construit une maison sur pilotis, qu’il nomme « mon héritage », et s’y retire. Sa fin de vie est marquée par des drames personnels. Selon des sources non officielles, sa femme l’aurait quitté en emportant les économies et les brevets. Georges Gauthier met fin à ses jours le 23 juillet 1939, dans des circonstances tragiques. L’information est rapportée par plusieurs récits, mais n’est pas documentée.

Aujourd’hui, l’Auto-Fauteuil est mentionné comme l’un des précurseurs du scooter. L’affirmation selon laquelle il s’agirait du premier scooter au sens moderne dépend des critères retenus : position assise, guidon, plancher bas, stabilité. Si l’on s’en tient à cette définition, alors le véhicule de Georges Gauthier mérite effectivement une reconnaissance comme pionnier de ce type de mobilité.

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