AgendaCultureHistoireVie locale

L’œuvre singulière d’Alexandre Vattemare sera à l’honneur à Blois

Mercredi 23 avril 2025, à la Maison des Provinces, à Blois, l’association France–États-Unis de Loir-et-Cher propose une plongée dans l’œuvre singulière d’Alexandre Vattemare (1796–1864), avec une conférence donnée par Céline Noulin, spécialiste des arts magiques et fondatrice des Magies de CirCé. En préambule à son intervention, une exposition éphémère présentera ce personnage étonnamment méconnu, à la croisée de l’illusion, de la diplomatie culturelle et de la philanthropie éclairée.

C’est par les arts du spectacle que Céline Noulin a rencontré Alexandre Vattemare. « Moi je l’avais connu, non pas par l’œuvre extraordinaire qu’il a produite autour des échanges internationaux, mais plutôt, au départ, comme ventriloque, puisque c’était son premier métier », confie-t-elle. Sous le nom de Monsieur Alexandre, Vattemare fut l’un des plus brillants artistes de son époque, reconnu à travers l’Europe jusqu’en Russie. « Il était même connu dans le monde entier en tant que ventriloque. C’était vraiment l’un des deux ou trois meilleurs de son époque, si ce n’est, à un moment donné, le meilleur. »

Son art allait bien au-delà de l’animation de poupées. Il maîtrisait « l’illusion vocale » à un niveau inégalé. « Il faisait croire qu’il était en train de faire frire des œufs sur une poêle. On entendait casser les œufs, on entendait frire l’huile. Ou il sciait du bois, et on entendait la scie. C’était beaucoup plus complexe, varié, et difficile qu’aujourd’hui. »

Cette maîtrise de la voix, des codes sociaux et des comportements allait, plus tard, nourrir sa capacité à s’adresser aux érudits comme aux politiques. « Ce qui fait le lien entre le ventriloque et ce qu’il a fait après, c’est qu’il a développé une finesse psychologique et une connaissance des mœurs partout dans le monde qui lui ont ouvert énormément de portes », explique la conférencière. Alexandre Vattemare savait entrer en relation, comprendre, écouter — et ce sens de la médiation allait devenir l’outil d’un projet d’une ampleur inédite.

Après une carrière itinérante, qui le conduit dès 1815 à voyager de ville en ville, fréquentant musées et bibliothèques, prenant des notes précises de ses découvertes, il engage à partir de 1834 un tournant décisif. En 1836, il fonde la Société Européenne des Échanges Internationaux, avant de transformer celle-ci, après plusieurs voyages aux États-Unis, en Agence centrale des échanges internationaux. Le principe est limpide : « Il y avait des exemplaires doubles ou triples dans les musées. Donc pourquoi en garder trois, alors qu’on peut en échanger un avec la Bibliothèque de Paris, celle de Berlin, etc. Le principe est parti de là. » L’idée prend rapidement de l’ampleur. « Après, c’est allé en se développant. Les pays ont carrément envoyé des exemplaires de leurs richesses. Ce n’étaient pas seulement des livres, mais aussi des minéraux, des fossiles… Les États-Unis ont même envoyé des animaux naturalisés, des alligators… »

Aujourd’hui encore, certaines institutions françaises conservent la trace matérielle de cet effort. « À la bibliothèque de l’Hôtel de Ville de Paris, vous avez ce qui a constitué le premier fonds étranger : ce sont les livres échangés par Alexandre Vattemare. »

Mais malgré l’évidence du projet, la reconnaissance institutionnelle ne suit pas. « Il n’a pas été assez relayé, pas assez compris de son vivant. Comme beaucoup de gens un peu innovants — et notamment en France — l’administration n’a pas compris l’importance de l’élan qu’il avait donné. »

À l’inverse, les États-Unis lui ouvrent de nombreuses portes. « C’est un paradoxe : il a été bien plus soutenu par les États-Unis que par la France. » Il participe à l’organisation de l’Exposition universelle de 1855, où il est nommé commissaire américain. Il y favorise la présentation de spécimens minéraux, de machines agricoles, de produits manufacturés… Il devient, selon Céline Noulin, « l’un des premiers à rencontrer ceux qui seront les grands industriels. »

Mais l’homme ne se limite pas à une vision encyclopédique du savoir. Il tisse aussi des relations humaines profondes. « Il est l’un de ceux qui ont le mieux compris la culture des Amérindiens. Quand une délégation amérindienne est venue à Paris, c’est lui qui les a accompagnés partout. » Cette capacité à faire dialoguer les cultures, à écouter sans hiérarchie, traverse toute son œuvre. « Il connaissait les habitudes de chaque métier. Il entrait dans la vie des gens. Et quand c’est comme ça, on est capable de parler à n’importe qui. »

Aujourd’hui, Céline Noulin s’étonne de l’oubli qui entoure son nom. « Il y a eu une petite exposition à Paris il y a quelques années, mais c’est resté confidentiel. Quasiment personne ne le connaît. Et pourtant, c’est un bel exemple de quelqu’un qui a été désintéressé, un philanthrope — mais dans le bon sens du terme. » Elle le dit sans détour : « Il a voué sa vie entière jusqu’à se consumer. » Ses idées, pourtant, ont essaimé. « Ça a été repris dans différents pays, sous des formes différentes. Finalement, ça aboutira en 1945 à la création de l’UNESCO. » L’organisation lui rendra d’ailleurs hommage en 1956.

La conférence du mercredi 23 avril (18h30) à la Maison des Provinces sera l’occasion de redonner souffle et visage à cet homme hors du commun, dans un cadre propice au dialogue et à la transmission. Une exposition sous forme de panneaux accompagnera la prise de parole de Céline Noulin, pour permettre à chacun de s’immerger dans une époque d’idéaux, de croisements et d’invention.

L’entrée est fixée à 2 euros (gratuite pour les élèves et étudiants). Inscriptions sur www.france-etatsunis41.org – Informations au 07 81 33 61 25.

l'amour qui s'éprouve

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page
Blois Capitale

GRATUIT
VOIR