La Bonne Crème de Saint-Gervais disparue à jamais ?
Il était une fois la gourmande Bonne Crème de Saint-Gervais, renommée et unique, durant plusieurs siècles mais disparue. Cette spécialité fut tellement connue que le village voisin à Blois avait adopté temporairement l’appellation de « Bonne Crème » pendant la Révolution française, fin du XVIIIe siècle. Aujourd’hui encore, le souvenir de cette crème onctueuse et savoureuse résonne sur le blason de la commune.
Riche de symboles, ce blason rappelle le passé de Saint-Gervais-la-Forêt : l’aubépine qui représente les seigneurs de l’Aubépin, la serpe qui illustre le travail des vignerons et les voûtes symbolisant les caves où était confectionnée la fameuse crème. Les couleurs bleu et rouge évoquent respectivement le Cosson et la forêt de Russy.
Cette crème a été si prisée qu’elle a figuré sur les tables des rois et des princes résidant au château de Blois. Madame de Pompadour elle-même, lorsqu’elle résidait au château de Ménars, se faisait livrer quotidiennement cette crème. François Ranchin, géographe du XVIIe siècle, attestait que la bonté de cette crème était due à « l’air des caves de Saint-Gervaise », ajoutant que le même lait des autres pâturages, porté à Saint-Gervais, la rendait toujours excellente. L’historien Jean Bernier, dans son « Histoire de Blois », publiée en 1682, louait également ses vertus gustatives.
Avec le temps, la Bonne Crème de Saint-Gervais a acquis une notoriété internationale, notamment grâce à sa présence au début du XXe siècle. Madame Augustine Dequoy, la dernière crémière de Saint-Gervais, décédée en 1926, a obtenu le second prix à l’Exposition universelle de 1900 avec cette crème vendue en petits pots de grès recouverts d’une feuille de platane. Les témoignages des étrangers qui ont goûté à sa délicatesse continuent de vanter ses mérites, certains allant jusqu’à écrire des pages lyriques en son honneur.
Malheureusement, bien que la renommée de cette crème soit indiscutable, son mode de transport reste un défi à relever. Sa qualité semble être intrinsèquement liée à la fraîcheur des caves de Saint-Gervais, ainsi qu’à l’herbe des pâturages du Cosson. Ainsi, même les mêmes vaches transportées à Paris ne donnaient pas une crème aussi délicieuse.
La mémoire de la crème de Saint-Gervais est conservée précieusement, notamment par une laitière stylisée sur un mur en face de la mairie, ainsi que sur le fanion du patrimoine mondial de l’Unesco, à l’entrée du village. Son nom continue de résonner comme un souvenir des délices d’antan. La Bonne Crème de Saint-Gervais ne vit plus que dans les récits de celles et ceux qui ont pu l’apprécier, autrefois.