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Le Ben’s Blues Bar raconté par Ben

Pub incontournable à Blois, le Ben’s Blues Bar a une âme. Ce qui lui donne une identité, un caractère, un ADN. Forcément celui de son patron, Dominique Bruyneel, alias Ben (un surnom né durant son enfance). Nous l’avons rencontré pour un entretien réjouissant juste avant qu’il ne parte faire la « Blues Highway » aux Etats-Unis.

Sur la façade du bar trône depuis 1979 le nom de l’Orangerie. Mais l’établissement est un vieux bar blésois, et auparavant il se nommait La Martinique. « C’était alors un bar de quartier classique où les gens venaient manger, boire du vin, ou acheter des choses basiques, nous explique Ben. Et c’est devenu un bar de nuit en 1979, l’Orangerie. Le bar a connu plusieurs propriétaires jusqu’à ce que nous le rachetions, avec un ami, en l’an 2000. J’ai gardé l’appellation pour qu’elle ne soit pas oubliée, tout en changeant la raison sociale. » Et ce fut la première expérience pour Ben dans le domaine, un changement de cap professionnel via cette reprise d’un repaire des noctambules blésois. Car l’Orangerie était le premier pub de la ville, avec un autre établissement rue Foulerie.

« Avant de me lancer dans cette aventure, j’ai eu une carrière variée, incluant 13 ans en tant que technicien de scène, 5 ans comme portier dans un grand établissement, j’ai été cuisinier… j’ai eu plein d’activités, confie-t-il. Le bar était fermé depuis six mois à la suite d’une liquidation judiciaire lorsque Olivier, un ami de longue date, m’a proposé de le racheter. C’était une opportunité, je me suis dit ‘pourquoi pas’. Ainsi, j’ai progressivement quitté mes emplois pour me consacrer pleinement à cette nouvelle aventure. C’était un changement significatif pour moi, une transition d’une vie professionnelle itinérante à la gestion d’un bar, offrant une aventure personnelle et un rythme de vie différent. »

En décembre 1999, l’opération s’est réalisée, avec une ouverture sept mois plus tard. « Nous avons effectué quelques travaux avant de rouvrir. » Puis le grand saut. « Vingt-quatre ans plus tard, je me souviens encore de mes trois premiers clients, trois Irlandais qui ont commandé du cognac. Je ne savais même pas les servir, ce n’était pas évident, je n’avais jamais fait cela, se souvient Ben. Cet épisode marque le début de l’aventure. » Une nouvelle étape de vie qui ne correspondait ni à un rêve ni même à une envie. « C’était une façon pour moi ‘de me poser’ après une vie d’intermittent. On faisait des grandes missions à l’étranger, aussi bien un G8 que faire la tournée d’AC/DC… c’était usant. Donc, reprendre cette affaire était une manière pour moi de rechercher une vie plus stable, avec moins de déplacements et de fatigue, ou une fatigue d’une nature différente. C’était l’occasion de prendre en main mon aventure personnelle sans dépendre d’autres pour des contrats. C’était une transition, la fin d’une époque et le début d’une nouvelle ère dans ma vie. »

Ben's Blues Bar

« Je transmets ce qui me passionne »

L’Orangerie était un pub assez classique, et son identité s’est créée avec le temps. « Nous n’avions pas de thème précis, souligne Ben. J’étais déjà passionné par l’engagement solidaire, et forcément tu suscites de la curiosité avec ce genre de choses. Et puis il y a la musique, j’adore le blues depuis toujours. Le bar est décoré de vinyles et de souvenirs, il est rempli d’histoires, de photos et d’anecdotes diverses. Mon premier 45 tours est accroché ici. La musique a une place importante, je peux dire à chacun le titre qui est diffusé. Ce n’est pas de la musique d’ascenseur, je transmets ce qui me passionne, j’achète beaucoup de disques, je vais à des concerts, ce sont des choses qui s’entretiennent. »

La littérature et les voyages enrichissent également l’âme du bar, apportant émotion, poésie, « et une profonde empathie pour les gens », complète Ben. « Mon engagement personnel envers des causes comme la réhabilitation d’écoles dans le sud-est asiatique ou mon attachement aux cultures communautaires africaine et asiatique enrichit également le bar d’une dimension culturelle et sociale. »

Bref, le bar correspond totalement à Ben. « Mais, je n’ai aucun effort à faire pour m’aligner avec ce qu’il représente. C’est un prolongement de qui je suis, mais je crois que c’est ce qu’il faut faire. C’est le cœur qui parle dans ce qu’on fait. »

Ben's Blues Bar
Les touristes s’arrêtent toujours devant le Ben’s Blues Bar, singulier par sa décoration et sa signalétique avec des panneaux de direction. A tel point que même en voyage en Thaïlande, près du triangle d’or, Ben a rencontré des locaux qui avaient dans leur smartphone une photo de son établissement.

« Pour moi, musique et voyage sont indissociables »

Le patron du Ben’s Blues Bar a très vite développé un intérêt marqué pour la culture en général. « Rapidement j’ai été intéressé par la Beat Generation, Kerouac… j’étais fasciné par le mouvement hippie et tout ce qui touchait à la contre-culture de San Francisco dans les années 1955-56-57. Cette période m’a aussi initié à la culture de l’auto-stop, symbole de liberté et de rencontres enrichissantes. Je suis parti en 1979 d’ici jusqu’en Inde, un périple de sept mois en auto-stop, qui m’a mené jusqu’aux lacs de Van, près de l’Arménie. Cette expérience a renforcé ma soif de liberté et ma curiosité pour l’inconnu. Et la musique a toujours accompagné mes voyages. Pour moi, musique et voyage sont indissociables, chacun nourrissant l’autre. Cette passion pour la musique voyageuse se maintient encore aujourd’hui, et je partage souvent des morceaux sur les réseaux sociaux. »

Le voyage, toujours le voyage. « J’ai toujours eu pour objectif de rencontrer, d’explorer et de satisfaire ma curiosité. Rarement je partais avec un plan précis; souvent, je finissais par rencontrer des gens intéressants, discuter sur un marché, et parfois même travailler et vivre chez eux. Cet intérêt pour les cultures et les rencontres diverses est fondamental dans mon parcours. »

Une des choses que Ben a apprise au fil de ses expériences, c’est le « faire ensemble ». D’où son engagement dans des projets sociaux, notamment en Asie du Sud-Est et en Afrique. Via l’AFAEL – Association Franco Australienne d’Aide aux Enfants du Laos, par exemple, depuis 2007. « J’ai pris la conscience de la communauté là-bas. Ces gens, s’ils vivent seuls, ils meurent, observe Ben. Ces expériences m’ont amené à réfléchir sur les notions d’évolution et de progrès, et je trouve qu’ici nous sommes devenus très fragiles. Dans certains domaines, nous sommes très pauvres chez nous. C’est important l’éducation populaire et l’engagement communautaire. »

Et logiquement, des liens se sont créés. « Oui, j’ai ce sentiment de devoir envers les familles et les communautés avec lesquelles j’ai tissé des liens forts. Ne pas retourner les voir serait comme une trahison pour moi, surtout avec ceux qui ont joué un rôle important dans ma vie, ce sont mille histoires… Ma vie est parsemée de musique, de voyages, et de rencontres. »

Un lieu de partage

Le Ben’s Blues Bar, ce sont des concerts, souvent le vendredi, avec une programmation riche (600 formations sont passées). Mais aussi au fil des ans, un lieu où l’on partage, par des débats, des conférences, et des événements variés comme les matchs d’impro. Des rencontres se font aussi. « Dans mon bar, nous avons aussi une tradition de laisser des messages, des textes, et des citations. Parfois, les clients y laissent des annonces personnelles, comme celle d’Isabelle qui cherchait une relation et a finalement rencontré quelqu’un grâce à cette petite annonce affichée chez nous. Ils sont maintenant mariés et ont un enfant. C’est incroyable comment une simple note peut changer des vies, remarque Ben. J’ai même eu une collaboratrice, Alex, qui a rencontré son compagnon ici, et ils ont maintenant deux enfants. Je suis devenu le parrain de leur petite. »

On l’a compris, quand on va dans cet établissement rue Saint-Lubin, on va chez Ben. Un bar qui est un lieu où on brise les barrières, où la sensibilité et l’humanité priment sur les préjugés. « L’accueil chaleureux et la bienveillance ne s’achètent pas, ce sont des valeurs fondamentales. Quand quelqu’un rentre, je ne vois pas un client, confie-t-il. Le moment le plus difficile pour moi est celui où je dois faire payer les gens. Après avoir partagé des moments, des rires, et des histoires, la transaction financière semble rompre cette magie. Cependant, je sais que c’est nécessaire, mais cela reste le moment que j’apprécie le moins. »

Ben envisage maintenant un passage de relais. Il pense céder prochainement les murs et le bar. « Je réfléchis à la prochaine étape de ma vie. Je commence à envisager de prendre plus de temps pour moi, peut-être en me rendant plus disponible pour d’autres activités ou passions. » A Blois, chacun espère une belle transmission pour que les valeurs du Ben’s Blues Bar demeurent.

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