« Une saison pour résister, rêver, réconcilier » : le Domaine de Chaumont lance sa Saison d’art 2025

C’est un rendez-vous qui compte dans le paysage artistique contemporain. Chaque printemps, le Domaine de Chaumont-sur-Loire, Centre d’arts et de nature, s’éveille à nouveau, mêlant expositions, installations, sculptures et créations numériques dans un écrin patrimonial et végétal unique. La Saison d’art 2025, inaugurée ce 29 mars, ne déroge pas à la règle : elle prolonge et intensifie l’ambition d’un lieu qui fait de l’art un acte vivant, politique, poétique — un acte d’hospitalité à l’égard du monde.

Cette année, la programmation, conçue par Chantal Colleu-Dumond, directrice du Domaine de Chaumont et commissaire des expositions, répond au thème du Festival International des Jardins : « Il était une fois… ». Le conte, la métaphore, la transformation sont les fils conducteurs d’une saison placée sous le signe de la nature, du rêve, de l’émerveillement — mais aussi de la résistance à la brutalité d’un monde de plus en plus inquiet.

« Oui, nous vivons un monde compliqué. Oui, dans ce monde compliqué, un certain nombre de responsables, de par le monde, cherchent à bâillonner la culture, à faire taire les artistes, considérant qu’ils seraient inutiles », a déclaré François Bonneau, président de la Région Centre-Val de Loire, venu inaugurer cette édition aux côtés de la vice-présidente chargée de la culture, Delphine Benassy. « Si nous pensons que l’humanisme doit éclairer nos itinéraires, il faut absolument non seulement résister, mais aussi vous donner la parole. »
Un parcours au cœur du vivant
Treize artistes ou collectifs investissent cette année les espaces du Domaine, dans une déambulation subtilement scénographiée, entre architecture historique et jardins en devenir. Le ton est donné à l’Asinerie avec L’herbe aux yeux bleus, une œuvre à la lisière de la photographie, de la peinture et du dessin signée Sophie Zénon. « C’est un travail très délicat, mais aussi profondément lié à l’histoire, à la botanique », précise Chantal Colleu-Dumond. L’artiste y explore la mémoire du paysage à travers des empreintes végétales, des fragments d’archives et des compositions presque spectrales.

Dans la Galerie du Fenil, Claire Trotignon déploie ses collages d’architectures, de reliefs et de végétation comme autant de paysages flottants, « avec un refus de l’apesanteur », souligne la commissaire. « On est dans l’univers du conte, la thématique du Festival des Jardins. » Le visiteur bascule ainsi dans un monde onirique, suspendu entre terre et ciel.
À quelques pas, La Forêt qui murmure, installation immersive conçue par Katarzyna Kot, Stéphane Guiran et leur fils, musicien et créateur sonore, plonge dans la mémoire de la forêt primaire de Białowieża. Plastique, sonore, intime et collective, l’œuvre invite à une communion silencieuse avec une nature consciente, à la fois fragile et puissante. « C’est d’une poésie très délicate », confie Chantal Colleu-Dumond.
L’écho des mythes et des matières
Sous l’auvent des Écuries, un pachyderme défie la gravité. L’éléphant monumental de Daniel Firman, en équilibre sur sa trompe, rend hommage à l’animal fétiche de la princesse de Broglie, tout en jouant des tensions entre lourdeur et légèreté.

En contrepoint, Carole Solvay, venue de Bruxelles, suspend ses structures de plumes de paon dans un geste d’une infinie délicatesse : des cocons aériens, sentinelles silencieuses et vibrantes.
Dans la Grange aux Abeilles et la Cour de la Ferme, Nicolas Alquin fait résonner les mythes anciens à travers des sculptures en chêne ou en pierre, « des hommes faits à partir d’arbres », dit-il, comme pour mieux rappeler que la lumière vient de l’intérieur. Quant à Stéphane Erouane Dumas, peintre devenu sculpteur, il présente une pièce inédite en bronze dans la clairière des Lierres : Les âmes sœurs, deux formes minérales dressées qui évoquent une danse lente, tellurique.
Autre présence discrète mais essentielle : celle d’Olivier Leroi, qui dissémine dans le parc de mystérieux objets (miroirs, œufs d’autruche, chouettes) et présente dans le Château une série de dessins réalisés à partir de plumes de faisan vénéré. « Il faut regarder de près, c’est une exploration sensible et poétique du monde », confie Chantal Colleu-Dumond.
Un lustre suspendu, des mondes renversés
Dans la Tour de Diane, Anne et Patrick Poirier déploient Le Monde à l’envers, un lustre surréaliste serti de poignards. Une œuvre troublante, à la fois menaçante et précieuse, qui interroge notre rapport au chaos et à l’espoir.

Dans la Salle du Porc-Épic, Yann Lacroix, jeune artiste, présente des paysages luxuriants, presque liquides, baignés de bleus profonds et de verts émeraude. Des visions sans personnages, où le végétal devient mémoire, absence, évocation. « Une révélation », selon la directrice.

Rythmes invisibles et générosité du geste
L’un des temps forts de cette saison réside dans l’exposition consacrée à Fabienne Verdier, dans les Galeries Hautes du Château. Poétique de la ligne retrace une trajectoire inlassable, celle d’une artiste qui explore depuis des années la ligne comme énergie, souffle, vibration. « Sa peinture est une traduction des rythmes fondamentaux de la nature : les souffles de l’air, de l’eau, tout ce qui nous entoure », explique Chantal Colleu-Dumond. Une œuvre monumentale de 18 mètres de long, réalisée en quatre mois, y dialogue avec d’autres pièces emblématiques, dans une scénographie de Guillaume Maison et Guillaume Blanchard. « L’œuvre de Fabienne Verdier traduit les rythmes essentiels de la nature et vise à nous réconcilier avec notre environnement », insiste la commissaire.

Une ultime halte, au bout du chemin
Le parcours s’achève au Bois des Chambres, où Vincent Laval a construit une cabane magique, Plus loin dans la forêt. Tout en bois de châtaignier, l’œuvre relie temps, espace, mémoire et nature. Un abri autant qu’un seuil, une invitation à la contemplation, à la réinvention de notre regard.
Et c’est peut-être là que réside le cœur de cette Saison d’art. « Les artistes sont des veilleurs. Ils sont des éveilleurs, des réveilleurs, et aussi des émerveilleurs », rappelle Chantal Colleu-Dumond. « Ce regard, au-delà de la période que nous traversons, fait de notre héritage, de nos imaginaires, un bien commun extrêmement précieux », souligne François Bonneau. « Vous nous aidez non seulement à résister, mais à regarder l’avenir avec confiance, avec détermination, autour de l’humanisme qui nous rassemble. »
Saison d’art 2025
Domaine de Chaumont-sur-Loire
Du 29 mars au 2 novembre 2025
Entrée incluse dans le billet Domaine / Jardins / Château
Informations : www.domaine-chaumont.fr