Les maisons closes de Blois : un passé caché dans l’ombre des ruelles
Le passé de Blois est riche et parfois méconnu. Derrière les façades de ses bâtisses centenaires, des secrets se murmurent. Les adresses 18 degrés Saint-Nicolas et 1 rue de Lauricard ne sont pas que d’anciennes habitations, elles révèlent des histoires de « maisons de tolérance », un euphémisme utilisé pour désigner les maisons de prostitution ou maisons closes.
Les origines médiévales
L’histoire de la prostitution à Blois ne date pas d’hier. Dès le Moyen Âge, une maison close opérait rue Rebrousse-Penil, située en plein cœur du centre-ville actuel. Mais c’est au 19e siècle, véritable âge d’or de ces établissements, que ces deux adresses, aujourd’hui anodines, ont vu le jour.
De la tolérance à la régulation
L’appellation « maison de tolérance » n’était pas fortuite. En effet, en dépit de la réprobation sociale envers la prostitution, ces maisons étaient réglementées, tolérées, voire considérées comme des commerces légitimes. Un arrêté de 1842 exigeait que ces établissements soient dirigés exclusivement par des femmes, illustrant la dualité de la moralité publique de l’époque qui condamnait d’un côté la prostitution tout en la tolérant de l’autre.
Deux maisons, deux réputations
La maison sise au 18 degrés Saint-Nicolas, dirigée en 1941 par Yvonne Isoux, jouissait d’une réputation discrète. Elle n’a « jamais attiré l’attention de la police », selon les archives. En revanche, le « Vert Galant » au 1 rue de Lauricard, sous la houlette d’Odette Bourgoin, avait une notoriété plus controversée. L’état décrit de cet établissement était bien plus précaire que celui du 18.
L’impact des guerres
Pendant les périodes de conflit, la demande explosait. Les archives font état de la présence accrue de soldats, d’un afflux de femmes devenant prostituées, parfois poussées par leurs propres familles. Les raisons étaient diverses : femmes de prisonniers cherchant à survivre, jeunes filles attirées par la promesse d’argent, et bien d’autres histoires tragiques.
Un regard sur la santé publique
L’un des principaux enjeux de la réglementation de ces maisons était la prévention des maladies vénériennes. Les autorités étaient particulièrement préoccupées par la transmission de ces maladies aux soldats. La répression était sévère. Des prostituées étaient emprisonnées pour « inconduite » ou pour faits de « prostitution clandestine ». En 1944, les autorités britanniques sont allées jusqu’à interdire à leurs soldats l’accès aux maisons closes françaises, de peur des contaminations.
Un chapitre clos
Ces maisons closes n’ont pas survécu à l’après-guerre. La loi Marthe Richard, adoptée en 1946, a ordonné leur fermeture. Aujourd’hui, elles sont devenues de paisibles résidences privées. Si leur façade a été refaite, si les lanternes rouges et les oeillets ont disparu, les murs portent encore les stigmates de ce passé. Au-dessus du 18 bis, un « dix-huit » gravé rappelle encore cette époque révolue.
Réflexion sur une époque révolue
Ces maisons, et ce qu’elles symbolisent, reflètent les contradictions de la société française du 19e et début 20e siècle. Entre morale et nécessité économique, entre condamnation et tolérance, elles rappellent que l’histoire n’est jamais manichéenne. Derrière chaque porte, chaque fenêtre, se cachent des histoires individuelles, des destins croisés, des choix faits dans des circonstances parfois désespérées.
Ces maisons closes, bien qu’appartenant au passé, continuent d’influencer notre regard sur la société, sur la condition féminine et sur la complexité des choix individuels face aux contraintes sociales.