Sortir du nucléaire 41 sonne l’alerte
La centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux, dans le Loir-et-Cher, a été le site des deux plus graves accidents nucléaires en France, survenus en 1969 et 1980. Ces accidents sont classés au niveau 4 sur l’échelle internationale des événements nucléaires (INES), ce qui signifie qu’ils ont eu des conséquences avec une libération significative de radioactivité limitée à l’installation.
Alors forcément, quand il est question de nucléaire dans les rues de Blois, cela n’est pas anodin. Sortir du nucléaire 41 était ce samedi en cœur de ville afin de sensibiliser le grand public au sujet. Fort du scénario négaWatt, un plan visant à réorganiser le système énergétique français pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Il comprend de la sobriété énergétique et l’amélioration de l’efficacité par des mesures concrètes telles que la réduction des déplacements motorisés, la promotion des transports en commun, ainsi que l’incitation à utiliser des modes de transport moins polluants comme le vélo ou la marche. Le scénario propose une rénovation massive des bâtiments pour réduire leur consommation énergétique. Il mise sur une augmentation considérable de la capacité de production d’énergies renouvelables, notamment éolienne et photovoltaïque, pour remplacer progressivement les énergies fossiles et nucléaires dans le mix énergétique français. À long terme, le scénario négaWatt prévoit une sortie complète du nucléaire, avec l’arrêt progressif des réacteurs existants et aucun nouveau projet de réacteur nucléaire. L’association négaWatt soutient que ce scénario non seulement répond aux défis climatiques mais favorise également le progrès social et une meilleure qualité de vie, tout en étant économiquement viable par rapport au maintien du statu quo énergétique.
Ce scénario n’est pas celui dans les tuyaux. D’où la volonté de Sortir du nucléaire 41 d’alerter le public. « Nous avons un État qui avance de manière autoritaire, sans consultation du public ni du parlement, et qui cherche à imposer le tout nucléaire, se lamente Didier Narbeburu. C’est un modèle qui prétend répondre aux changements climatiques avec de fausses solutions. Ils justifient ce méga programme pour alimenter les voitures électriques SUV, qui, malgré leur empreinte écologique désastreuse, sont promues comme une solution, ou encore les pompes à chaleur. Concernant les voitures électriques, il existe en France des initiatives pour créer des véhicules légers très peu consommateurs d’électricité, qui pourraient répondre aux besoins de la grande majorité de la population. Actuellement, avec l’expansion urbaine, les gens vivent en périphérie des villes et utilisent des véhicules inadaptés pour de courts trajets, consommant beaucoup d’énergie pour le transport d’une seule personne. Des solutions existent déjà, avec des véhicules légers. Nous sommes donc face à un modèle en développement qui génère une injustice sociale systématique et propose de fausses solutions. Il est essentiel de reconsidérer le problème énergétique non pas en se focalisant sur les outils, comme les centrales nucléaires, mais sur les besoins réels et les technologies existantes qui pourraient y répondre, garantissant un confort équivalent. C’est la perspective dont nous avons absolument besoin. »
« Il est largement temps de changer de cap, assure le coprésident de Sortir du nucléaire 41. Il faudrait poser la question du bien-être, du bonheur, de la satisfaction des besoins, plutôt que de rester toujours axés sur des quantités plus importantes. Il faut ramener les centres de décision au niveau local. A Civaux, un réacteur va produire du tritium militaire (élément de boost pour augmenter l’efficacité et la puissance armes nucléaires, ndlr). Et il n’y a eu aucune consultation ! Nous utilisons les installations civiles pour le faire, ce qui pose des problèmes éthiques pour les gens qui y travaillent. Ils ne s’étaient pas nécessairement engagés à fabriquer de l’armement, surtout atomique, extrêmement destructeur. »
En effet, la centrale de Civaux, en collaboration avec EDF et le ministère des Armées, sera utilisée pour produire du tritium, un élément essentiel pour les armes nucléaires françaises. Cette production sera réalisée par irradiation de matériaux contenant du lithium au sein des réacteurs, sans impacter la production électrique habituelle de la centrale. Les matériaux irradiés seront ensuite traités au CEA pour extraire le tritium. Ce projet est une première pour EDF et s’inscrit dans une collaboration de longue date planifiée avec le secteur de la défense.
Les alternatives existent, clame Didier Narbeburu. Par exemple, sur les communes de Saint-Georges-sur-Arnon et Migny, près de Bourges, un parc éolien (appelé le parc éolien des Pierrots) a été mis en service en août 2021. « C’est dans notre région, une municipalité s’est dotée d’un parc éolien. Les impôts locaux ont chuté, la petite commune a créé des emplois, et des jeunes couples se sont installés. C’est tout à fait le contraire du modèle centralisé que j’évoquais, qui concentre toute l’activité et tous les profits vers je-ne-sais-où », lance le militant. Pour rappel, la région Centre-Val de Loire abrite quatre centrales nucléaires, qui ensemble possèdent douze réacteurs. En termes de production énergétique, la région produit bien plus d’électricité qu’elle n’en consomme, avec une production couvrant environ 390 % de ses besoins.
Il y également les conséquences sur l’eau. « À Blois, par exemple, nous nous approvisionnons grâce à la Loire, qui est notre source principale. Cependant, la centrale de Saint-Laurent prélève plus d’eau que nous pour l’alimentation de l’agglomération, explique Didier Narbeburu. Ainsi, il y a deux problèmes majeurs : d’abord, l’accès à la ressource en eau durant les périodes de grande sécheresse – la centrale ne peut fonctionner sans eau, qui est nécessaire en tout temps. Ensuite, il y a le problème de la pollution. C’est comme avec la régulation des pesticides et des engrais, on cède aux grands lobbies… Il faut que nous fassions entendre notre voix. »