Une explication du mystère du ronronnement des chats

Le ronronnement des chats est un phénomène qui intrigue les scientifiques depuis des décennies. Ce doux bourdonnement, souvent associé au bien-être, cache une complexité tant au niveau de sa production que de ses fonctions.
Traditionnellement, le ronronnement était attribué à la contraction rapide des muscles du larynx, provoquant une ouverture et une fermeture rapides de la glotte lors de la respiration. Cette action génère des vibrations sonores comprises entre 25 et 150 Hz. Cependant, une étude menée par Christian Herbst de l’Université de Vienne (voir ci-dessous) a révélé la présence de « coussinets de ronronnement » dans les cordes vocales des chats. Ces structures de tissu conjonctif permettent aux cordes vocales de vibrer à basse fréquence sans contraction musculaire active, suggérant un mécanisme passif de production du ronronnement.
Fonctions du ronronnement
Le ronronnement est souvent perçu comme un signe de contentement. Cependant, les chats ronronnent également dans des situations de stress, de douleur ou de maladie. Cette polyvalence suggère que le ronronnement pourrait servir à l’auto-apaisement ou à la communication. De plus, les fréquences émises lors du ronronnement correspondent à celles qui favorisent la guérison des os et des tissus, indiquant une possible fonction thérapeutique.
Effets sur les humains
Les propriétaires de chats rapportent souvent un effet apaisant en présence du ronronnement. Les vibrations produites peuvent induire une relaxation, réduire le stress et même abaisser la pression artérielle. Cette interaction positive renforce le lien entre l’humain et le félin, contribuant au bien-être mutuel.
Variabilité parmi les félins
Tous les félins ne ronronnent pas de la même manière. Les chats domestiques et certaines espèces comme le guépard ronronnent à l’inspiration et à l’expiration. En revanche, les grands félins tels que les lions et les tigres ne ronronnent généralement pas, ou leur ronronnement est limité à l’expiration et se manifeste principalement pendant l’enfance.
En somme, bien que des avancées significatives aient été réalisées dans la compréhension du ronronnement, de nombreux mystères subsistent quant à ses mécanismes précis et à l’étendue de ses fonctions. Ce qui est certain, c’est que le ronronnement joue un rôle central dans la relation entre les chats et les humains, apportant réconfort et bien-être aux deux parties.

L’approche scientifique du ronronnement des chats
Une équipe de chercheurs dirigée par Christian T. Herbst de l’Université de Vienne a publié une étude novatrice dans la revue Current Biology, révélant un mécanisme inattendu à l’origine du ronronnement des chats domestiques (Felis silvestris catus). Contrairement à l’hypothèse prévalente selon laquelle le ronronnement serait produit par des contractions musculaires actives sous contrôle nerveux, les chercheurs ont démontré que des vibrations auto-entretenues des cordes vocales peuvent générer ce son sans intervention neuronale.
Un mécanisme basé sur l’aérodynamique et l’élasticité
La théorie traditionnelle du ronronnement repose sur des contractions cycliques des muscles intrinsèques du larynx, contrôlées par des signaux électromyographiques neuronaux à une fréquence de 20 à 30 Hz. Cette théorie a été remise en question par Herbst et ses collègues, qui ont appliqué le principe myoélastique-aérodynamique (MEAD) dans leurs expériences. Ce principe stipule que la production vocale peut être auto-entretenue par des oscillations élastiques des tissus laryngés sous l’effet de la pression aérodynamique.
Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont prélevé les larynx de huit chats décédés de causes naturelles et les ont soumis à un flux d’air chauffé et humidifié, simulant les conditions physiologiques du corps. Les résultats ont été surprenants : dans tous les cas, les larynx excisés ont produit des sons de basse fréquence, typiques du ronronnement, à des fréquences comprises entre 25 et 30 Hz, sans aucune intervention musculaire.
Des coussinets de tissus conjonctifs, une adaptation unique
L’équipe a également mené une analyse histologique des cordes vocales de ces chats. Ils ont découvert la présence de masses de tissus conjonctifs spécialisées, d’environ 4 mm de diamètre, intégrées au sein des plis vocaux. Ces structures uniques, appelées « coussinets de ronronnement », jouent un rôle essentiel en réduisant la rigidité des cordes vocales, permettant ainsi des vibrations à des fréquences exceptionnellement basses. Cette spécialisation anatomique rappelle certaines adaptations observées chez d’autres espèces animales, comme les baleines à dents et les grenouilles tungara, qui utilisent des structures similaires pour produire des sons de basse fréquence.
Une cohabitation des deux mécanismes en milieu naturel
Bien que cette étude démontre que les cordes vocales des chats peuvent produire des sons de ronronnement sans commande nerveuse, les chercheurs ne rejettent pas complètement l’hypothèse des contractions musculaires actives (AMC) en milieu naturel. Ils suggèrent plutôt que le ronronnement résulte probablement d’une combinaison des deux mécanismes : un oscillateur passif (le larynx utilisant le mécanisme MEAD) étant synchronisé avec des contractions musculaires actives contrôlées par le système nerveux.
Cette cohabitation pourrait offrir des avantages énergétiques significatifs, car l’entretien d’un oscillateur à sa fréquence résonante demande moins d’énergie que le contrôle direct d’un système non résonant. Cette approche mixte pourrait également expliquer la stabilité remarquable du ronronnement des chats, qui peut se maintenir sur de longues durées, tant pendant l’expiration que l’inspiration.
Vers une révision de la théorie du ronronnement
Les conclusions de cette étude invitent à reconsidérer la théorie classique du ronronnement félin. Si le modèle actuel repose sur l’idée d’un contrôle musculaire exclusif, cette nouvelle approche propose un modèle hybride plus nuancé, mettant en lumière l’importance des phénomènes aérodynamiques et des adaptations anatomiques spécifiques.
Enfin, cette étude ouvre de nouvelles perspectives de recherche, notamment sur la fonction exacte des coussinets de tissus conjonctifs et leur évolution chez les différentes espèces de chats. Les auteurs appellent à des investigations supplémentaires pour comprendre pleinement les mécanismes physiques et physiologiques sous-jacents au ronronnement.
Pour en savoir plus, l’article complet est disponible en accès libre dans la revue Current Biology sous le titre : « Domestic cat larynges can produce purring frequencies without neural input ».