Histoire

Anita Conti : une vie d’océans et de combats

Alors que l’exposition dédiée à Anita Conti, organisée dans le cadre du festival bd BOUM, touche à sa fin à la bibliothèque Abbé Grégoire, à Blois, il est temps de revenir sur la vie hors du commun de cette femme d’exception. Première femme océanographe française, Anita Conti, née en 1899 et décédée en 1997, a consacré sa vie à l’exploration des mers et à la défense des océans, bien avant que les questions écologiques ne deviennent des préoccupations majeures. À travers les planches de la bande dessinée réalisée par Catel Muller et José-Louis Bocquet, le public blésois a pu découvrir son histoire.

exposition dédiée à Anita Conti

Une vocation née au bord de l’eau

Anita Conti, fille de la mer, est fascinée par l’océan dès sa jeunesse. Très tôt, elle développe une passion pour les espaces maritimes et une volonté d’y consacrer sa vie. Cette passion la pousse à briser les barrières sociales et professionnelles de l’époque, qui cantonnaient les femmes à des rôles bien définis. Refusant les conventions, elle s’oriente vers une carrière atypique : celle de l’océanographie, alors domaine réservé aux hommes.

Des premières missions à l’alerte écologique

En 1938, alors qu’elle n’a que 39 ans, Anita Conti débute sa carrière officielle à l’Office scientifique et technique des Pêches Maritimes, dirigé à l’époque par Edouard Le Danois. Sa première grande mission l’emmène sur le chalutier Viking, qui part à la recherche de poisson jusqu’aux confins des mers polaires, près de la Nouvelle-Zemble. Ce premier voyage marque le début de nombreuses expéditions à bord de navires de pêche, de câbliers et même de navires militaires, dans des conditions souvent extrêmes.

Durant ces années, Anita Conti fait plus que documenter la vie des marins et des pêcheurs. Elle observe également les pratiques de pêche industrielle et en constate les effets néfastes. Dès les années 1930, elle alerte sur les dangers de la surpêche et de la pollution marine, des menaces qui, selon elle, pourraient entraîner l’épuisement des ressources halieutiques.

La Seconde Guerre mondiale ne freine pas son engagement. En 1941, sur ordre de l’amiral Barjot, elle embarque à bord du Volontaire, un morutier chargé de ravitailler la France et les forces alliées en poisson, alors que les voies maritimes traditionnelles sont bloquées. Cette mission l’amène à naviguer au large des côtes mauritaniennes, une zone encore peu explorée, où elle doit composer avec des conditions climatiques hostiles et l’absence de cartes marines précises. Pendant cette campagne de vingt-sept mois, Anita Conti participe activement à la création de nouvelles cartes des fonds marins africains et découvre des espèces marines jusqu’alors inconnues. Elle assiste également à des événements tragiques, comme le torpillage de navires alliés. Malgré les dangers omniprésents, elle reste sur place et poursuit sa mission jusqu’en 1943.

Un engagement pour les peuples africains

Après la guerre, Anita Conti ne ralentit pas. Elle reçoit une nouvelle mission de la part du Gouvernement d’Alger, qui lui demande de poursuivre ses recherches sur les possibilités de pêche le long du littoral ouest-africain, entre la Mauritanie et le Dahomey. Pendant cinq ans, elle parcourt des milliers de kilomètres de côtes africaines, souvent dans des pirogues de fortune, pour développer des techniques de pêche adaptées aux besoins locaux et à l’environnement.

Elle s’efforce de former des artisans locaux et de moderniser les méthodes de conservation des poissons. Sa démarche allie tradition et innovation, dans le but de rendre la pêche plus efficace et durable. À cette époque, elle est surnommée « la sirène à l’intelligence virile » par les populations locales, qui saluent son courage et son dévouement.

Raconter

Outre ses missions sur le terrain, Anita Conti est également une grande conteuse. De retour de ses expéditions, elle consigne ses expériences dans des récits maritimes qui allient observations scientifiques et récits poétiques. Son œuvre la plus célèbre, Râcleurs d’océans, publiée en 1953, décrit avec une grande précision le quotidien des pêcheurs de morues au large de Terre-Neuve. Ce livre, qui lui vaudra le prix des Vikings, est un témoignage précieux sur un monde en voie de disparition.

Ses écrits témoignent non seulement de son amour pour la mer, mais aussi de son inquiétude face à l’exploitation irraisonnée des ressources marines. Elle y dénonce les pratiques destructrices des chalutiers modernes, qu’elle compare à des « remorqueurs raclant le fond de la mer » sans discernement, mettant ainsi en péril l’équilibre des écosystèmes marins.

Une pionnière de l’écologie maritime

Anita Conti ne se contente pas de constater les dégâts causés par la pêche industrielle. Elle propose des solutions innovantes pour une exploitation durable des ressources marines. Visionnaire, elle imagine déjà dans les années 1950 des technologies futuristes, comme des « aspirateurs marins autonomes » capables de pêcher sans détruire les fonds marins. Son engagement écologique précoce en fait une pionnière de la cause environnementale. À une époque où peu de voix s’élèvent pour dénoncer les méfaits de l’industrie sur la nature, Anita Conti apparaît comme une lanceuse d’alerte avant l’heure.

Un héritage durable

Jusqu’à la fin de sa vie, Anita Conti reste active. Elle consacre ses dernières années à la reliure d’art, une autre de ses passions, et à l’écriture. Elle laisse derrière elle un héritage précieux : des cartes marines, des récits et un combat écologique encore d’actualité. Elle est aujourd’hui reconnue comme l’une des grandes figures de l’océanographie et de la protection des océans.


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