Une mobilisation de combat contre la fermeture de l’usine Poulain
Ce samedi matin, en centre-ville de Blois, c’était jour de marché mais aussi de manifestation contre la fermeture de l’usine Poulain à Villebarou. 450 personnes étaient au départ du cortège depuis la préfecture selon les autorités, elles ont été entre 700 et 800 selon l’intersyndicale à avoir marché jusqu’au site de la chocolaterie historique. Parallèlement, une pétition en ligne (ici) (déjà plus de 14.000 signataires) a été lancée pour recueillir des soutiens contre ce projet de fermeture prévue fin 2024, affectant 109 employés. La décision intervient malgré des investissements antérieurs, y compris une aide de l’État de 200.000 euros en 2022.
La marque de chocolat, fondée en 1848 à Blois, a été rachetée par le groupe Carambar & Co, dont l’actionnaire principal est le groupe français Eurazeo, en 2017, après des années sous la gestion du groupe américain Mondelez. Et aujourd’hui, la marque Poulain n’est pas en difficulté. La fermeture de l’usine (où sont ses racines) est purement stratégique. Ce projet de délocalisation de toute la production semble injustifié et brutal. « L’activité de l’usine de Blois est profitable, l’idée est de faire plus de profit en gardant la marque Poulain, c’est un scandale, s’indigne Olivier Dupont, secrétaire du Comité social et économique (CSE) de l’entreprise Poulain. « La direction nous a dit que le site nécessiterait 18 millions d’investissement et qu’elle n’a pas les moyens de le financer, ce qui est faux. Cela constitue la première étape du projet de fermeture. Eurazeo doit renoncer à son projet de délocalisation dans les prochains mois, mais nous refusons la fermeture et le sacrifice de 109 familles pour permettre à l’actionnaire ‘d‘habiller la mariée’ avant une vente du groupe Carambar & Co. Il est essentiel que les autorités fassent appliquer la loi Florange qui impose de trouver un repreneur, non seulement pour le site mais surtout pour la marque Poulain. Nous nous battrons jusqu’au bout pour conserver la marque Poulain à Blois et sauver nos emplois. Nous avons le soutien de tous les citoyens pour empêcher ce scandale. »
La première réunion du Comité Social et Économique Central (CSEC) sur ce projet de restructuration est prévue pour le mardi 25 juin. « Nous allons dénoncer les faits avec nos avocats, des experts, des bénévoles qui ont la marque Poulain à cœur », prévient Aurélien Lambert (CFDT). « Nos candidats aux législatives doivent réfléchir à comment maintenir nos fleurons industriels dans les villes concernées et éviter la fermeture des usines rentables, alors que les indicateurs sont positifs. Eurazeo devrait avoir honte de ce qu’il fait. Nous avons un PDG, Marc Auclair, qui est enfumeur ! Il y a des investissements à faire, mais c’est tout simplement normal. Le marché évolue et les consommateurs aussi. Par exemple, avec la nouvelle loi pour réduire le plastique, il faudrait remplacer les boîtes en plastique par des boîtes en carton, ce qui représenterait un investissement de quatre à cinq millions d’euros. Mais aujourd’hui, ils ne veulent pas investir cet argent dans l’usine de Blois. Eurazeo, qui détient plusieurs groupes, veut vendre dans les trois à quatre années Carambar & Co et cherche à embellir la mariée. Mais Poulain, c’est à Blois, et pas ailleurs ! »
« Supprimer l’usine Poulain est stratégique, réagit une salariée. Ils ont pris un arbre, ils ont coupé toutes ses racines et, à un moment, ils disent : ‘L’arbre ne tient plus.‘ Ce plan est en place depuis un certain temps – peut-être six mois, un an ou un an et demi, nous ne savons pas exactement – et la société Krüger Gmbh & Co est impliquée dans la suite de l’histoire. »
Dans le cortège de soutien aux salariés de Poulain, on trouvait Marc Gricourt, maire de Blois et vice-président de la Région, Christophe Degruelle, président d’Agglopolys, les élus écologistes Yann Laffont et Nicolas Orgelet, le LR Michel Pillefer. Quant au RN Michel Chassier, il a été invité à s’abstenir.
Des candidats aux législatives anticipées étaient présents. Comme, Pierre-Gilles Parra (LR), ou Reda Belkadi (Nouveau Front populaire) en lice dans la 1ere circonscription de Loir-et-Cher. « Poulain, c’est un symbole pour tout le monde ici, et je ne suis ni le premier, ni le dernier à le dire. C’est véritablement un morceau de l’histoire de notre ville. Nous connaissons tous quelqu’un qui y a travaillé, que ce soit en intérim ou en tant que salarié, ou bien nous y avons travaillé nous-mêmes. Nous parlons de plus d’une centaine d’emplois directement menacés, sans compter les emplois indirects qui dépendent également de cette usine, observe l’Insoumis. Il est crucial que nous nous mobilisions, comme nous le faisons aujourd’hui pour Poulain, parce que nous faisons face à une décision qui n’a pas de sens. C’est une entreprise qui fait gagner de l’argent. Cette entreprise contribue non seulement à notre économie mais aussi à l’image de notre ville et de notre région. Nous assistons à la destruction d’un savoir-faire, tout cela au nom d’une logique comptable qui n’a pas lieu d’être. Il est essentiel que les Blésoises et Blésois se mobilisent pour défendre cette usine, qui devrait rester ouverte non seulement parce qu’elle est rentable, mais aussi parce que nous, les Français et les Blésois, en sommes fiers. »
« La seule possibilité qui nous reste, lorsque les élus et les pouvoirs publics n’arrivent plus à s’opposer efficacement à ces entrepreneurs qui délocalisent sans nécessité, c’est de nous mobiliser et de prendre la rue, opine Gildas Vieira (La France Autrement) en lice dans la 1ere circonscription de Loir-et-Cher. Ainsi, nous sommes tous là pour ouvrir la voie et affirmer que nous ne pouvons pas laisser faire n’importe quoi, surtout quand il y a des familles qui pourraient se retrouver à la rue demain, et quand des entreprises faisant partie de notre patrimoine risquent de disparaître du paysage blésois et du Loir-et-Cher. »
« C’est aujourd’hui un exemple du schéma classique du capitalisme en marche », estime Rebecca Vacher, colistière Nouveau Front Populaire dans la 3e circonscription (Vendôme). « Le fait de délocaliser pour augmenter les bénéfices, alors que l’usine est viable, montre leur motivation. Il y a eu des accords avec les élus locaux et des aides ont été attribuées par l’État. Tout cela pour maximiser les profits, augmenter les dividendes, au détriment des salariés qui en souffrent. Cela est inacceptable et doit cesser. Actuellement, une centaine de personnes qui ont toujours travaillé ici sont concernées. Elles ne peuvent pas se permettre de déménager ; elles ont des crédits immobiliers, des familles ici. Il est hors de question de délocaliser une usine qui fonctionne bien. C’est pour cela que nous ne lâcherons pas. »