Victor-Auguste Poulain : un bicentenaire réussi, un héritage à préserver

Avec plus de 3 500 visiteurs, des conférences et projections bien suivies, et un attachement populaire évident, la célébration du bicentenaire de la naissance de Victor-Auguste Poulain, organisée par Les Amis de Victor-Auguste Poulain, Les Amis du Vieux Blois et Pontlevoy Patrimoine – Art et Culture, a marqué les esprits. Mais au-delà de la commémoration, il soulève des interrogations sur l’avenir de la marque et de son ancrage à Blois.
Un succès populaire au-delà des attentes
« Oui, écoutez, ça s’est vraiment bien passé. » D’emblée, Marc Baraban, l’un des organisateurs du bicentenaire de Victor-Auguste Poulain, affiche sa satisfaction. Avec plus de 3 500 visites, l’événement a attiré un large public, principalement à Saint-Gervais-la-Forêt, cœur des célébrations, où se tenaient deux expositions.
La première, prêtée par la bibliothèque Abbé-Grégoire de Blois et intitulée De la fève à la tablette, s’est révélée être une surprise de taille. « Je pensais que c’était un petit plus, mais des visiteurs sont revenus exprès pour la découvrir. » Cette exposition pédagogique retraçait l’histoire du chocolat, des Mayas à nos jours, expliquant en détail comment pousse un cacaoyer et comment le chocolat est fabriqué. « Les gens ont vraiment pris le temps de s’y plonger, preuve de l’intérêt pour le sujet. »

L’autre exposition, consacrée à Victor-Auguste Poulain lui-même, a également rencontré un grand succès, grâce à une approche accessible et une scénographie soignée. « La rédaction était pensée pour le grand public, et tout le monde pouvait y trouver quelque chose. » La mise en page, réalisée par Yves Marzio, un graphiste de 85 ans (!), a captivé les visiteurs. « Les gens prenaient le temps de lire, s’arrêtaient devant les vitrines d’objets, revenaient. » Un travail affiné par Michel Laloue, collectionneur à l’origine des objets exposés, dont la petite-fille, décoratrice de 22 ans, a repensé l’aménagement de l’espace.

Le programme des conférences a attiré un large public. Les projections, quant à elles, ont suscité un enthousiasme inattendu. La première diffusait La Belle Histoire de Chocolat Poulain, un documentaire d’Éric Bitoun (disponible sur l’INA). La seconde proposait un extrait de Courjumelle, un film de Jean-Claude Raoul, accompagné de vieux films publicitaires Poulain numérisés. « Les gens ne voulaient pas partir. Ils restaient, posaient des questions, cherchaient à comprendre l’histoire de la marque. » Cet attachement profond s’est manifesté de manière touchante. « Certains nous ont demandé une copie du film parce qu’ils avaient aperçu leur arrière-grand-mère à l’écran ! »

Un public marqué par l’histoire personnelle et familiale
L’événement a attiré un public souvent lié à Poulain par une histoire familiale. « Beaucoup étaient même d’anciens employés. Lors de la soirée Poulain, certains avaient travaillé plus de 40 ans pour la marque. » Les témoignages se sont multipliés. « Des gens nous parlaient de leur grand-père ou de leur père qui avaient travaillé à l’usine, » nous dit Marc Baraban. D’autres ont évoqué leur seule sortie scolaire annuelle : la visite du musée Poulain, qui se trouvait dans l’ancienne usine. « C’était un moment attendu : une visite et une boîte de bonbons offerte à la fin. »
L’émotion était au rendez-vous, notamment lorsque les visiteurs redécouvraient les albums d’images Poulain à collectionner. « Ils s’exclamaient : « Ah, moi, je l’avais, celui-là ! » et se replongeaient immédiatement dans leur enfance. »
« Alors, le musée Poulain, c’est pour quand ? »
Cet engouement a suscité des propositions pour pérenniser l’exposition. La CCI (Chambre de Commerce et d’Industrie) souhaite l’utiliser lors de l’inauguration de ses nouveaux bâtiments en septembre, en hommage à Albert Poulain, fils de Victor-Auguste, qui en fut le fondateur. Un Rotary Club, organisateur des Rendez-vous du Chocolat, envisage potentiellement une réutilisation de l’exposition dans le cadre d’un événement dédié à deux figures blésoises : Victor-Auguste Poulain et Robert-Houdin. Mais l’interrogation majeure reste celle-ci : et maintenant ? « Beaucoup de visiteurs nous ont posé la question : alors, le musée Poulain, c’est pour quand ? »
D’autant plus que si l’histoire de Victor-Auguste Poulain a retrouvé la lumière, l’avenir de la marque à Blois, ou Villebarou, est plus incertain au delà des trois années. L’usine a été reprise par Andros, mais la production pour la marque Poulain demeure sous contrat avec Carambar & Co. En clair, l’usine est sauvée pour l’instant, mais le lien avec Poulain est en sursis.

Une reconnaissance symbolique à poursuivre
Malgré ces incertitudes, une avancée concrète a vu le jour : la Cantine Victor-Auguste Poulain, à côté du château de la Villette, un nouvel espace qui portera le nom du fondateur, comme annoncé par Christophe Degruelle, président d’Agglopolys.
Ce bicentenaire a montré que Poulain est bien plus qu’une marque : c’est un patrimoine, une identité forte pour Blois. L’émotion suscitée par les événements de cette année en est la preuve. L’organisation réfléchit à un nouvel événement à l’automne, ainsi qu’à un livre reprenant l’exposition, pour capitaliser sur ce succès. Mais une question essentielle demeure : comment pérenniser cet héritage ? Un musée ? Quoi qu’il en soit, l’héritage de Victor-Auguste Poulain offre une opportunité unique. « On a une histoire forte, un attachement populaire. Il ne tient qu’à nous d’en faire quelque chose », observe Marc Baraban. Un appel clair aux décideurs locaux, à l’heure où Blois risque de voir une partie de son identité s’éloigner avec la délocalisable marque Poulain.