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À Blois, un débat pour penser les causes des migrations au-delà des clichés

Le 12 juin 2025, à la ferme de Brisebarre à Blois, le Mouvement de la Paix de Loir-et-Cher a organisé, en présence du dirigeant national Martial Passi, un débat sur un thème aussi central que négligé : les causes structurelles des migrations contemporaines.


« On entend souvent que les migrants sont des envahisseurs. Cette rhétorique-là, on la connaît : elle est alimentée par l’extrême droite, relayée sans scrupule par une partie de la classe politique et amplifiée par des médias aux mains de grands groupes privés. Mais face à ces discours, les arguments humanitaires ne suffisent plus. » D’emblée, Jacky Hurault fixe le cap du débat : interroger les causes profondes des migrations. Et surtout, d’identifier les responsabilités.

Guerres, pillages, dérèglement climatique : les trois piliers d’un désastre global

Selon les données rappelées par Jacky Hurault, ce sont aujourd’hui 122 millions de personnes qui sont déplacées dans le monde en raison des conflits armés, un chiffre issu du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR). « Il n’y a jamais eu autant de conflits depuis 1946, et leur nombre a doublé en cinq ans. Actuellement, on recense 58 conflits armés en cours (entre 56 et 61 conflits armés selon les critères retenu, ndlr) dans le monde. » Derrière ces chiffres, des guerres bien souvent entretenues par les grandes puissances, parfois au prix de duplicité cynique : « La France, par exemple, vend des armes aux deux camps qui s’affrontent au Soudan. Pendant qu’ils se battent, nous récupérons les ressources. »

Deuxième cause : le pillage organisé des ressources naturelles. Les études montrent que depuis 2008, entre 20 et 80 millions d’hectares de terres agricoles ont été acquis à grande échelle dans les pays en développement, souvent au détriment des communautés rurales. Nombre de ces terres étaient déjà utilisées par des paysan·nes. « Ces terres, ce sont leurs moyens de subsistance. On les prive de la possibilité même de vivre. » Il cite l’exemple de Total, implantée dans 36 pays d’Afrique : « Pour chaque milliard investi, elle en retire dix. » Ce capitalisme extractiviste n’est pas seulement un facteur d’appauvrissement, il est aussi l’un des moteurs du chaos écologique.

Car, troisième pilier de cette analyse, le dérèglement climatique. « C’est la conséquence directe de cette exploitation forcenée. Et pourtant, on n’en parle quasiment jamais. » Jacky Hurault le martèle : « Ce qui pousse les gens à fuir, c’est ce qu’on leur a laissé. »

un débat pour comprendre les causes des migrations

“Ce n’est pas une fatalité : ce sont des choix politiques”

Face à ces réalités, Martial Passi, secrétaire national du Mouvement de la Paix, insiste sur la nécessité de rompre avec l’aveuglement volontaire : « L’étranger a toujours servi de bouc émissaire pour camoufler les dégâts d’un système économique destructeur. Mais aujourd’hui, nous sommes à un tournant historique. Il y a une internationalisation de l’extrême droite, une fascisation des idées, et une emprise croissante des médias au service de ces discours. »

Et les conséquences sont palpables. Jacky Hurault évoque ces familles de migrants à Blois, récemment expulsées ou laissées à la rue. Il s’inquiète du signal envoyé à la jeunesse, « qui peut se sentir rejetée, humiliée, abandonnée. Ce sont des bombes à retardement. Et ceux qui prétendent faire de la sécurité leur priorité sont ceux-là mêmes qui créent les conditions de l’insécurité. » La violence symbolique se double d’un mensonge économique. « Les migrants ne coûtent rien à l’économie », souligne-t-il, chiffres à l’appui. « Ils travaillent, cotisent, consomment. Le solde est équilibré. Ce qui coûte, ce sont les milliards captés par les plus riches en dividendes. »

63 285 morts en neuf ans : la réalité du désastre

Selon le Missing Migrants Project de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), entre 2014 et 2023, au moins 63 285 personnes sont mortes ou portées disparues lors de leur migration. Cela inclut tragiquement plus de 28 000 noyades en Méditerranée, ainsi qu’un nombre considérable de décès dans le désert du Sahara et sur d’autres routes migratoires. Les véritables chiffres sont très probablement plus élevés, en raison de morts non documentées. Deux charniers ont été découverts en 2024 à la frontière entre la Tunisie et la Libye, à la suite d’un accord bilatéral de refoulement : des dizaines de personnes abandonnées sans eau ni nourriture. Ces charniers contenaient au moins 65 corps de migrants, selon l’OIM et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. « C’est une politique de la cruauté », résume Jacky Hurault.

Une réponse pacifiste : de la ferme de Brisebarre aux Nations Unies

Mais au-delà du constat, le Mouvement de la Paix propose une autre voie. Martial Passi en rappelle les fondements : « Nous travaillons à partir des huit domaines définis par l’ONU pour construire une culture de la paix* : la démocratie, la justice sociale, le désarmement, la place des femmes, le respect des droits humains… C’est à partir de là que nous devons structurer notre action. »

Le mot d’ordre du Mouvement — « citoyen de mon quartier, citoyen de ma planète » — illustre cette démarche. Pour Martial Passi, la paix ne se décrète pas depuis les tribunes, elle se cultive : « Ce qu’on peut faire, c’est amener les gens à se parler, à se rencontrer, à se respecter. Construire des liens, c’est construire la paix. » Reste que le combat est asymétrique. Jacky Hurault et Martial Passi dénoncent la concentration des médias : « Ce sont les milliardaires qui contrôlent l’information. Et cela formate les esprits. » Face à cette machine de guerre idéologique, ils saluent l’existence de médias indépendants, capables de relayer d’autres paroles.

“Nous sommes dans une situation gravissime”

En conclusion, Martial Passi alerte sur la situation mondiale : « Nous sommes peut-être dans la conjoncture la plus dangereuse depuis la Seconde Guerre mondiale. » Il évoque la militarisation croissante, le réarmement nucléaire, la loi de programmation militaire française — 1 870 euros dépensés par seconde pendant six ans — et la surenchère budgétaire annoncée par Emmanuel Macron. La Loi de programmation militaire 2024–2030 a alloué un total d’environ 413 milliards d’euros sur sept ans pour moderniser les forces armées. « Pendant ce temps, on peine à trouver 10 milliards pour équilibrer les retraites. On laisse des entreprises mourir. On nous explique que les caisses sont vides. Mais pour les armes, il y a toujours de l’argent. »

L’extrême droite au pouvoir dans plusieurs pays — États-Unis, Russie, Israël, Hongrie, Inde, Italie, etc. — inquiète les militants. Les précédents historiques sont clairs : « Le nationalisme mène à la guerre. On l’a vu en ex-Yougoslavie. Des peuples qui vivaient ensemble se sont entre-déchirés », observe Jacky Hurault, avant de conclure : « Ces idées égoïstes, nationalistes, paraissent simples. Mais ce sont des impasses. Ce ne sont pas les plus pauvres qui menacent la société. Ce sont ceux qui refusent de partager. »

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