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Dr Diane Oode : le parcours d’une résilience exemplaire

Obtenir le droit d’exercer en France en tant que médecin formé à l’étranger peut être un parcours semé d’embûches, souvent méconnu du grand public. Dans son livre Enfin, je me sens bien (Mindset Editions), Diane Oode revient sur ce combat long de dix ans, où persévérance et résilience ont été les maîtres mots. Mais au-delà du défi administratif et professionnel, son récit dévoile un cheminement personnel profond. Interview de la médecin à l’hôpital de Blois, qui sera en rencontre/dédicace à la Librairie Labbé le samedi 16 novembre 2024 à partir de 15h.

Blois Capitale : Votre livre s’appelle « Enfin, je me sens bien ». Cela reflétait votre état d’esprit au moment de la rédaction, mais aujourd’hui, vous sentez-vous toujours aussi bien ?

Diane Oode : Toujours. Heureusement, oui. Mais le livre avait un autre titre au départ. Nous en avons discuté avec la maison d’édition, et je suis tombée sur celui-ci. Ça m’est venu un matin, je me suis dit : « Ah oui, je me sens bien. » Alors, je l’ai mis en titre. « Enfin », parce que cela reflète l’aboutissement d’un long parcours pour obtenir mon autorisation d’exercer, notamment. Je suis arrivée au bout de ce processus, et c’est un immense soulagement. Je peux le dire haut et fort : je me sens bien. Ce sentiment s’applique tant sur le plan professionnel que personnel. Quand l’un est instable, cela affecte forcément l’autre. Pour moi, cette instabilité était liée à l’éloignement de ma famille. En 2019, je suis retournée chez moi, cela m’a rechargée émotionnellement, et en revenant, tout s’est enchaîné jusqu’à l’obtention de mon autorisation d’exercer. Aujourd’hui, je me sens beaucoup mieux.

Blois Capitale : Vous le racontez, cela correspond aussi à un moment particulier en 2020, où vous étiez avec vos enfants. Ce sentiment de « se sentir bien » est venu comme un déclic…

Diane Oode : Oui, absolument. Mes enfants aussi se sentaient bien. Dans le livre, je parle des moments où je les accompagnais dans leurs activités. Mon fils faisait beaucoup de cyclisme, et ma fille pratique encore aujourd’hui la gymnastique. Maintenant, en les voyant adolescents et épanouis dans leurs activités sportives et extrascolaires, je me dis : « Oui, j’ai fait quelque chose de bien. » Cela témoigne de l’apaisement intérieur que l’on peut ressentir en tant que mère et en tant que femme.

Blois Capitale : Une première thématique marquante dans votre parcours est la résilience et la persévérance. Qu’en diriez-vous ?

Diane Oode : Heureusement que j’ai été persévérante, sinon, que serais-je devenue ? J’aurais peut-être abandonné mon parcours en cours de route. La persévérance, je savais que je l’avais, mais je ne m’étais pas imaginée aussi forte pour tenir aussi longtemps. En écrivant le livre, j’ai dû compter les années, et c’est là que j’ai réalisé : « Dix ans, quand même ! » C’est énorme. Ce sont mes collègues de fac qui m’ont fait remarquer cette persévérance. Une amie, qui me connaît depuis le bac, m’a écrit : « Diane, on reconnaît ta persévérance dans ton livre. » Cela m’a profondément touchée, car c’était une personne qui me connaît en profondeur. Alors oui, je suis persévérante. Et bien sûr, il y a la résilience. Si je vous racontais en détail tous les échecs, les frustrations et les colères que j’ai traversés, vous comprendriez à quel point il a été difficile de tout reconstruire. Heureusement, les valeurs transmises par ma famille m’ont permis de tenir.

Blois Capitale : Vous remerciez la France, pourtant elle ne vous a pas facilité les choses.

Diane Oode : Oui, et cela surprend souvent. Beaucoup de gens s’attendent à ce que je critique sévèrement la France, mais ce n’est pas mon parcours. Heureusement, j’ai rencontré des personnes bienveillantes et généreuses. Mon entrée dans le système de santé ne s’est pas faite par concours, mais grâce à un collègue médecin qui a accepté de me prendre comme stagiaire. Sans lui, je ne sais pas où j’en serais. En cours de parcours, une loi est tombée en 2018, stipulant que les médecins étrangers ayant travaillé en France au moins deux ans depuis 2015 pouvaient demander une autorisation. J’ai déposé mon dossier, qui a été accepté. En 2020, j’ai reçu une autorisation temporaire de deux ans, puis en 2022, mon autorisation définitive après un entretien avec des experts en gériatrie. C’est ainsi que j’ai pu atteindre cet objectif.

Blois Capitale : Vous évoquez souvent le rôle de votre sœur aînée, Annette. Que représente-t-elle pour vous aujourd’hui ?

Diane Oode : Annette, c’est un pilier. Quand j’étais jeune, je ne réalisais pas les efforts qu’elle fournissait pour notre famille. C’est en traversant moi-même des épreuves que j’ai compris sa force et son courage. Elle m’a poussée à faire médecine, et je lui suis éternellement reconnaissante.

Blois Capitale : Votre foi semble aussi avoir été un soutien précieux. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Diane Oode : Absolument. Je suis fille de pasteur, donc j’ai grandi dans une famille très religieuse. Chaque dimanche, nous nous habillions pour aller au culte. Cette éducation a toujours fait partie de moi. En arrivant à Blois, j’ai cherché un cadre religieux et j’ai été très bien accueillie dans la communauté protestante unie de France. Mais au-delà de la religion, j’ai découvert une spiritualité plus personnelle, notamment grâce à des pratiques comme la méditation. Cela m’a énormément aidée à traverser des moments difficiles. Aujourd’hui, je pense que la spiritualité, la méditation et même des activités comme le yoga ou la danse devraient être intégrées comme des formes de médecine alternative. Il ne s’agit pas seulement de soigner le corps, mais aussi l’âme. Cela fait une grande différence.

Blois Capitale : À travers votre livre, vous partagez aussi des moments de rejet et de racisme. Ces expériences vous ont-elles fragilisée à un moment donné ?

Diane Oode : Oui, le racisme fragilise, surtout quand on y est confronté pour la première fois. Je suis arrivée en France avec un esprit ouvert, pleine de bienveillance et sans aucun jugement. Mais en retour, j’ai reçu des coups, au sens figuré bien sûr. C’est une violence qui choque. Je n’avais jamais imaginé que l’on puisse être traité de cette façon. C’est une expérience marquante et profondément injuste. Mais aujourd’hui, je ne laisse plus cela m’affecter. J’ai appris à faire face et à avancer. Je dis souvent : « Le problème du racisme appartient au raciste, pas à moi. » Maintenant, je ne leur laisse plus d’emprise sur ma vie.

Blois Capitale : En tant que médecin, vous appartenez pourtant à une profession très recherchée en France. Il y a un paradoxe dans la situation que vous avez vécue…

Diane Oode : Oui, il y a un vrai paradoxe. La France manque cruellement de médecins, et pourtant, ceux qui arrivent et qui veulent travailler rencontrent des obstacles immenses. Cela ne vient pas forcément de l’État, mais souvent d’un manque d’ouverture à l’échelle individuelle ou institutionnelle. Je pense que c’est un problème noir sur blanc, colonial. Ce n’est pas un problème d’aujourd’hui. Les choses sont faites de telle sorte que quand une personne racisée ou d’une minorité arrive, tout est mis en place pour qu’elle n’avance pas. Ces idéologies viennent d’un héritage de la colonisation.

Blois Capitale : Vous avez mentionné que l’écriture a été une thérapie pour vous. Comment cette idée de livre a-t-elle pris forme ?

Diane Oode : J’ai toujours écrit, même avant de venir en France. Mais ici, l’écriture est devenue un exutoire, un moyen de gérer la colère, la frustration et les difficultés. Chaque jour, je notais mes ressentis, mes expériences. Puis, un jour, j’ai relu tout ce que j’avais écrit et je me suis dit : « Pourquoi ne pas en faire un livre ? » Au départ, c’était surtout pour moi, mais en parlant de mon projet à mon entourage, j’ai compris que mon histoire pouvait toucher et aider d’autres personnes. Cela m’a donné la motivation pour structurer mes écrits et les partager avec un éditeur.

Blois Capitale : Votre livre s’achève sur de la gratitude et de la reconnaissance. Cela signifie-t-il que vos combats sont terminés ?

Diane Oode : Non, mes combats ne sont pas terminés. Mon premier combat était d’obtenir mon autorisation d’exercer, et je l’ai gagné. Aujourd’hui, mon combat est de transmettre ce que j’ai appris, d’informer et d’inspirer les autres, notamment les médecins étrangers qui arrivent en France. Mon objectif est que mon livre devienne une référence. Je veux partager des informations pratiques, raconter ce que j’ai vécu, et expliquer comment naviguer dans ce système complexe. Cela permettra, je l’espère, de faciliter le parcours de ceux qui viendront après moi.

Blois Capitale : Si la Diane d’il y a dix ans lisait votre livre, que ferait-elle ?

Diane Oode : Elle réfléchirait. Elle ne viendrait pas en France sans préparation, c’est certain. À l’époque, j’étais en deuxième année de spécialité en pédiatrie à Libreville. J’avais un cabinet prêt à fonctionner. Si c’était à refaire, je terminerais tranquillement ma formation en pédiatrie J’aurais abordé les choses différemment.

Blois Capitale : Un dernier mot pour conclure cet entretien ?

Diane Oode : Oui, je voudrais remercier toutes les personnes qui m’ont soutenue dans mon parcours, en particulier ma sœur Annette, qui a toujours cru en moi. J’espère que mon livre pourra inspirer mes jeunes collègues, leur montrer que malgré les difficultés, il est possible de réussir, à condition d’être armé de patience, de détermination et d’intelligence.

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