Emma Rafowicz : « Je ne suis pas là pour taper sur les autres listes de gauche »
La campagne pour les élections européennes 2024 bat son plein. Le Parti Socialiste cherche à devancer la liste de la majorité présidentielle le dimanche 9 juin, jour du scrutin. Emma Rafowicz, figure montante dans le paysage politique, actuellement en poste comme présidente des Jeunes socialistes, était à Blois vendredi et samedi pour convaincre, par un apéro-débat et du tractage sur le marché Place Louis XII. Auparavant, c’est une balade sur la Loire qui devait permettre de réfléchir sur la partie écologique de l’élection européenne. Nous avons interrogé la candidate aux élections européennes de 2024 (figurant en 8ème position sur la liste du Parti socialiste-Place publique) sur cette thématique.
Blois Capitale : La Loire pourrait se voir dotée d’une personnalité juridique afin de se protéger. Que pensez-vous de cette initiative ?
Emma Rafowicz : Ce sont des propositions que nous soutenons globalement. Aujourd’hui, il faut que l’on arrive à préserver tous ces espaces qui peuvent être en danger du fait de l’activité humaine. On le sait, depuis l’Anthropocène, beaucoup d’espaces naturels sont en danger, que ce soit nos fleuves ou nos espaces naturels que nous devons protéger. Si nous sommes là aujourd’hui, sur la Loire, c’est aussi pour dire que nous espérons que l’Europe sera au rendez-vous pour protéger tous ces espaces naturels. On en discutait tout à l’heure avec les élus locaux au sujet du Lac de Loire. Nous sommes passés d’une vision de tourisme de masse à quelque chose de bien plus durable, bien plus raisonné, bien plus responsable. Il ne faut pas opposer développement économique et écologie, mais plutôt viser quelque chose qui soit responsable écologiquement et économiquement.
Blois Capitale : Dans le programme du PS il est précisé qu’il faut veiller à l’application du pacte vert européen. Est-il menacé ?
Emma Rafowicz : Les listes de droite le menacent, et ce que nous disons, c’est que l’enjeu écologique a besoin d’être protégé, mais aussi renforcé avec un nouveau volet plus contraignant mais aussi plus fort socialement. Nous pensons que l’écologie ne se fait pas contre les peuples, mais avec les gens. Par exemple, quand on parle d’agriculture, ça implique de réorienter toutes nos économies vers quelque chose de plus durable et plus écologique, mais aussi vers des économies qui garantissent à toutes les travailleuses et tous les travailleurs des salaires dignes. Aujourd’hui, 80 % des ressources de la PAC ne vont qu’à 20 % des agriculteurs, les plus grosses exploitations, celles qui respectent le moins nos normes environnementales mais aussi nos objectifs sociaux. Nous pensons que l’agriculture est un pilier essentiel pour notre futur, à la fois pour notre souveraineté alimentaire mais aussi notre souveraineté écologique. Si nous voulons que l’agriculture reste un pilier important de l’économie française, il va falloir garantir aux agriculteurs les moyens de leur survie. Aujourd’hui, nous avons des suicides à répétition du côté des agriculteurs, mais aussi des organisations qui instrumentalisent parfois cette colère. Nous pensons qu’il faut imposer des clauses miroir pour faire en sorte que nos agriculteurs ne soient pas mis en concurrence avec d’autres, ailleurs, qui ne respecteraient pas les mêmes normes. Protéger les agriculteurs, c’est garder les normes environnementales, garder la norme sociale, mais c’est aussi les protéger en créant des clauses miroir, aussi en refusant tout nouveau traité de libre-échange qui pourrait les précariser.
Blois Capitale : La question agricole qui peut être liée au sujet de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE…
Emma Rafowicz : L’intégration de l’Ukraine n’est pas à l’ordre du jour pour demain. Ce que nous disons, c’est que l’Ukraine devra intégrer l’Union Européenne parce que cela correspond aussi à notre idéal démocratique, comme pour la Géorgie et d’autres pays. Dire que nous voulons l’Ukraine avec nous signifie que nous sommes forts contre Poutine, mais effectivement, cela nécessitera une énorme harmonisation sociale et environnementale de l’Ukraine, de la Géorgie, de nombreux pays. Nous avons parfois échoué dans les élargissements, par le passé. Il ne faudra pas que nous fassions les mêmes erreurs avec l’Ukraine. On harmonisera d’abord, avec nos règles sociales et environnementales, et à ce moment-là, on les fera rentrer.
Blois Capitale : La centrale de Saint-Laurent-Nouan est visible depuis Blois. Elle a connu les deux plus gros accidents historiques en France, quelle est votre position sur le nucléaire ?
Emma Rafowicz : Il faut massivement investir dans le renouvelable, mais aujourd’hui, on ne peut pas faire sans le nucléaire. Le nucléaire est notre énergie de transition, mais c’est aussi une énergie qui crée de l’emploi dans nos territoires, ce qui nous a permis de résister bien plus que d’autres pays européens face à l’inflation et à l’explosion des prix de l’énergie. Il faut qu’on aille dans ce sens, que ce soit dans la formation, dans la recherche fondamentale, mais aussi, il faut le dire, dans la rénovation des centrales. J’étais il y a très peu de temps au Croisic, en Loire-Atlantique, où on est allé voir des centrales hydroélectriques et de l’éolien en mer. Le renouvelable, c’est évidemment l’énergie de la liberté, mais ça ne veut pas dire qu’on fera sans nucléaire. Et dans tous les cas, il faut absolument qu’on puisse rénover celles qui existent aujourd’hui. Il faut aussi faire du renouvelable, mais ce ne sera pas avec des discours dogmatiques qu’on arrivera à être souverain énergétiquement, et c’est notre objectif, la souveraineté du continent européen. On préfère être dans le réel et avancer. Mais par contre, on veut absolument investir de manière massive dans le renouvelable, dans l’éolien, dans l’hydraulique, dans la biomasse, dans tout ce qui pourra nous permettre d’être indépendant et autonome.
Blois Capitale : Vous proposez un « plan bleu » pour la sauvegarde des espaces maritimes…
Emma Rafowicz : Ce sont des espaces qu’il faut protéger davantage, c’est ce que nous disons avec Raphaël Glucksmann. La mer est un angle mort pour beaucoup de gens, et on ne le pense pas comme un espace à protéger. Et pourtant… Nous avons besoin aussi de nous rendre compte que l’eau, c’est un bien commun, et donc cela veut dire qu’il faut faire en sorte d’éviter sa privatisation. C’est pour cette raison que nous sommes opposés aux méga bassines, par exemple. Mais il faut aussi faire en sorte que ce bien commun puisse être protégé parce qu’il est à tous.
Blois Capitale : Tout autre sujet, l’union des gauches. Vous ne faites pas liste commune avec le PRG. Comment l’expliquez-vous ?
Emma Rafowicz : C’est vrai, je pense que, malheureusement, le Parti Radical de Gauche a pris un autre chemin. Mais moi, je ne suis pas là pour taper sur les autres listes de gauche, je ne le ferai pas. Avec le PRG, on a des lignes politiques qui sont différentes. Nous, on a fait le choix de l’union, et c’est le choix de l’union qu’il faudra faire en 2027. Ce n’est pas la ligne qui a été choisie par le PRG. Mais je crois que finalement, ce qui tranchera le mieux entre leur ligne, la nôtre, et d’autres listes de gauche, ce seront les résultats du 9 juin.
Blois Capitale : Logique que le PRG qui représente le centre-gauche ne veuille pas d’une union jusqu’à LFI ?
Emma Rafowicz : Nous, aujourd’hui, on est clairs sur le fait de dire que l’un des problèmes pour l’union de la gauche, c’est Jean-Luc Mélenchon, on assume ce sujet-là. Jean-Luc Mélenchon, il a des propos qui ne nous conviennent pas depuis longtemps. Que ce soit pendant la réforme des retraites mais aussi dernièrement au sujet des attentats terroristes. Après, ce que je crois, c’est que l’union de la gauche, elle devra se faire, et nous, nous parviendrons à la construire. Et puis, vous savez, chez les insoumis, il n’y a pas que Jean-Luc Mélenchon, il y a aussi François Ruffin, Clémentine Autin, et plein d’autres, il y a aussi plein de jeunes insoumis. Cela n’a pas de sens de taper sur les autres à gauche, parce les vrais adversaires, c’est la liste de Valérie Hayer, évidemment, et surtout la liste de Jordan Bardella. C’est à eux, en fait, qu’on mène la bagarre. Donc après, effectivement, les commentateurs commentent, mais nous, ce n’est pas ça notre objectif, ce n’est pas une histoire de bataille de petits choix à gauche comme un camouflet pour la démocratie. On a eu un débat Attal-Bardella sur le service public, c’est un choix regrettable que ce duel imposé entre la droite et l’extrême droite. Nous enfermer là-dedans, c’est le meilleur moyen pour voir Marine Le Pen gagnante en 2027. Or nous, ce n’est pas ce qu’on veut, on veut casser ce duel et on pense que la seule alternative, c’est la gauche unie.