Depuis quelques années, les trains de nuit connaissent un engouement sans précédent en Europe. Dans le cadre du Green Deal, l’Union européenne cherche à promouvoir les voyages en train afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Dans cette optique, la Commission européenne a identifié dix projets de trains de nuit méritant un soutien financier, parmi lesquels la future liaison entre Amsterdam et Barcelone proposée par European Sleeper. Toutefois, malgré cette volonté politique affichée, la relance des trains de nuit en France se heurte à certains obstacles.
La SNCF et le gouvernement français semblent afficher un soutien officiel à la relance des trains de nuit. Le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, a récemment annoncé la création de nouvelles dessertes reliant le sud-ouest de la France à Paris, ainsi que la modification de certaines liaisons existantes. Cette initiative vise à répondre à une demande croissante pour les voyages en train de nuit, qui sont à la fois économiques et permettent de voyager pendant la nuit. Selon la SNCF, le nombre de passagers ayant emprunté un train de nuit en France a doublé en un an, passant de 350.000 en 2021 à 700.000 en 2022.
Cependant, malgré ces chiffres encourageants, l’offre française en matière de trains de nuit reste bien inférieure à celle de pays voisins tels que l’Autriche ou la Suisse. En termes de nombre de lignes, de trafic et de confort des trains, la France est à la traîne. La SNCF est accusée de manquer d’ambition et de ne pas saisir pleinement l’opportunité de développer cette offre. Les trains de nuit sont considérés comme un modèle économique difficile à rentabiliser en raison des coûts fixes liés au matériel roulant, qui nécessite une immobilisation pendant la journée. Officiellement, la SNCF se dit enthousiaste, mais en interne, on estime que le modèle économique des trains de nuit est impossible à rentabiliser et que la société ne voit pas l’intérêt de lancer un produit qui génère des pertes financières.
La SNCF et le gouvernement : une approche en demi-teinte
La SNCF répond principalement à une commande de l’État, qui subventionne les trains de nuit dans le cadre des Trains d’Équilibre du Territoire (TET). L’État joue le rôle de donneur d’ordre et de financeur, tandis que la SNCF exécute les décisions prises par l’autorité organisatrice. Cela limite considérablement l’ambition de la SNCF, qui se contente d’un cadre minimal. Les choix opérés se traduisent par des destinations limitées et l’utilisation de vieilles rames Corail à moderniser, faute de moyens pour acquérir du matériel neuf.
Vers un développement minimal en France ?
La question du financement et de la viabilité à long terme des trains de nuit reste donc posée. Pour assurer leur développement, il faudrait augmenter les fréquences, améliorer l’expérience client et diversifier les classes à bord. Cependant, tout cela nécessite un financement durable et coûteux. L’Europe pourrait jouer un rôle en fournissant un soutien financier supplémentaire.
Parallèlement, l’ouverture à la concurrence du marché ferroviaire pourrait changer la donne avec l’arrivée d’acteurs privés, tels que Midnight Train, proposant une offre novatrice. Cependant, ces acteurs privés se heurtent également à des contraintes, telles que les travaux de nuit sur le réseau qui limitent les possibilités de circulation des trains et les coûts élevés des péages.
L’État français se retrouve donc confronté à un dilemme : jusqu’à quand continuera-t-il à subventionner les pertes d’exploitation des lignes de trains de nuit ? Revenir en arrière serait politiquement délicat en termes d’aménagement du territoire, d’image et de transition écologique. La relance des trains de nuit en France nécessite une réelle volonté politique et des investissements conséquents pour garantir leur viabilité et répondre à la demande croissante des voyageurs en quête de solutions de transport plus respectueuses de l’environnement.
