
L’Assemblée nationale a voté dans la nuit du 2 au 3 avril 2025 (155 pour, 85 contre, 3 abstentions) l’article premier d’une proposition de loi visant à instaurer une régulation de l’installation des médecins sur le territoire. Porté par Guillaume Garot (PS) et soutenu par une large coalition transpartisane, ce texte prévoit qu’une autorisation d’installation soit délivrée par les agences régionales de santé (ARS), sur avis du conseil départemental de l’ordre des médecins, dans le but affiché de lutter contre les déserts médicaux.
Mais à rebours des signaux favorables émis par le Premier ministre François Bayrou la veille, le ministre délégué à la Santé, Yannick Neuder, a exprimé son opposition ferme au dispositif, dénonçant une mesure contreproductive, susceptible d’entraver les discussions en cours avec les professionnels de santé et de provoquer, à terme, des effets délétères : déconventionnements, départs à l’étranger, changements de métier. Ce rejet est partagé sans ambiguïté par Philippe Gouet, président du Conseil départemental de Loir-et-Cher, qui a publié une tribune virulente intitulée « Comment se donner bonne conscience en amplifiant le problème ».
Une régulation jugée dogmatique et inefficace
Dans ce texte, Philippe Gouet fustige une décision « d’une ineptie totale », estimant qu’elle ne modifiera en rien l’accès aux soins mais contribuera au contraire à l’aggraver. À ses yeux, le mécanisme voté repose sur une logique « coercitive » inadaptée à la réalité du terrain : « Ce dispositif serait peut-être efficace dans un pays en surabondance médicale, mais totalement contre-productif dans notre situation de pénurie », déclare-t-il, chiffres à l’appui. Selon les données d’Eurostat qu’il cite, la France affiche une densité de 319 médecins pour 100 000 habitants, contre 656 en Grèce et 574 au Portugal — ce qui la place en avant-dernière position sur les 27 pays de l’Union européenne.
Pour Philippe Gouet, ce n’est donc pas une mauvaise répartition géographique des médecins qui explique l’état de tension généralisée de l’offre de soins, mais une pénurie structurelle, touchant indistinctement zones rurales et urbaines : « Les difficultés d’accès aux soins se font ressentir sur l’ensemble du territoire. Paris et l’Île-de-France en sont des exemples flagrants. » Dès lors, restreindre la liberté d’installation ne ferait, selon lui, qu’amplifier le phénomène. Il évoque un risque de fuite des jeunes diplômés vers l’étranger – 4 500 en trois ans – et une explosion du recours au salariat médical, que l’Assurance maladie elle-même juge moins efficient que l’exercice libéral.
Une mesure « électoraliste » qui masque l’inaction
Le président du département de Loir-et-Cher dénonce surtout un artifice politique, une manière de donner l’illusion d’agir sans s’attaquer aux causes profondes : « Se donner bonne conscience en votant une mesure inefficace, c’est exactement ce que les Français ne veulent plus voir. » Il déplore un glissement qui ferait peser sur les jeunes médecins la responsabilité des déserts médicaux, en occultant le rôle de la régulation passée du nombre de médecins formés.
Dans cette perspective, Philippe Gouet appelle à des solutions de fond : la mise en place d’un véritable numerus apertus, l’accompagnement des étudiants dès leur formation, un ancrage territorial structurant, et surtout l’amélioration des conditions d’exercice, dans un système qu’il considère aujourd’hui à bout de souffle.
L’examen du texte se poursuivra les 6 et 7 mai prochains.