HistoireVie locale

Qu’est-il arrivé à Robert Henri Lacroute le 7 avril 1938 ?

Ceci est une histoire vraie. Le 7 avril 1938, tandis que les horloges de Villemardy signalaient treize heure et cinq minutes, Maurice Géret, un homme dans la fleur de ses vingt-sept ans, s’affairait à son humble besogne de domestique de ferme au sein de la propriété de M. Gaillard. Résidant au sein de l’hameau paisible de Budan, entre Vendôme et Blois, il délaissa son labeur et chevaucha sa modeste bicyclette vers la maisonnette de Budan, où il allait habiter. En effet, ses légumes assoiffés attendaient l’arrosage.

Alors qu’il s’approchait du passage à niveau de Budan, laissant derrière cent cinquante mètres, Maurice aperçut sur la voie ferrée les reflets mouvants d’un phare de bicyclette. Dans son esprit simple, il attribua cette vision à un employé du chemin de fer, peut-être affairé. Mais en approchant du passage à niveau, il fut accueilli par une scène macabre : le corps inanimé d’un homme gisait entre les rails. Avec un cœur lourd, Maurice abandonna sa monture et se précipita vers le malheureux, mais il était déjà trop tard. L’homme, baignant dans une marre de son propre sang, avait le pied gauche amputé. Maurice reconnut son voisin, Robert Henri Lacroute, vingt-quatre ans, grâce à la plaque sur le vélo.

Saisi d’un élan d’action, Maurice retira la bicyclette des voies et la jeta à la hâte dans le fossé. Il s’adressa à son patron qui arrivait en voiture. Après avoir jeté un regard horrifié sur la scène, l’homme repartit en trombe pour chercher des secours. Deux habitants de Villemardy, nommés Laisné et Pernet, arrivèrent sur les lieux et aidèrent Maurice à retirer le corps des voies, juste à temps pour que le train de voyageurs en direction de Blois n’ajoute pas à la tragédie déjà survenue.

Robert Henri Lacroute, qui gagnait son pain en tant que charpentier, était un homme marié et père d’un enfant. Il avait travaillé toute la matinée chez une veuve de cinquante-deux ans, Mme Péan, qui était ménagère à Budan. Alors qu’il rentrait chez lui, satisfait du travail accompli, il avait certainement été fauché par un train, sa légère surdité le privant sans doute de l’avertissement mortel.

Arrivés sur les lieux à 13h45, les gendarmes commencent leur investigation. Le docteur Cadillac, un homme d’une stature imposante, est présent, entouré de plusieurs autres personnes de la localité. Le corps présente des ecchymoses au visage, le crâne est défoncé en deux endroits, la main droite est déchiquetée, le pied gauche sectionné à hauteur de la cheville. L’horreur de la scène donne lieu à une série de découvertes macabres, dont le pied de Robert Henri Lacroute, qui gisait à une vingtaine de mètres près du rail droit, dépouillé de sa chaussure. Dans cette tragédie qui semblait ne pas avoir de fin, le vélo, un modèle à vitesse en bon état, était également retrouvé déformé dans le fossé.

La tâche des gendarmes continue alors qu’ils parcourent les environs, cherchant à reconstituer les événements qui ont conduit à ce dénouement tragique. Là, où la voie ferrée coupait le chemin vicinal de Villemardy, ils découvrirent que le passage à niveau n’était plus gardé depuis 1921, et qu’au sud du passage, une maisonnette se dressait, à six mètres du passage et de la croix de Saint-André. De l’autre côté de la voie, à une douzaine de mètres, un taillis d’acacias, vieux d’une douzaine d’années, semblait former un rectangle le long du chemin et de la voie ferrée. Et parmi ces arbres, le silence des lieux, interrompu seulement par le chuchotement du vent, semblait faire écho à la surdité tragique de Robert.

Après avoir terminé l’inspection du lieu du drame, les gendarmes, le visage fermé, se rendent à la gare de Selommes. Le train de 12h08, cette bête d’acier qui avait vraisemblablement dévoré le malheureux Robert Henri Lacroute, les attendait, immobile, comme une idole païenne. Leurs yeux aguerris cherchaient sur la carcasse du monstre des traces de sa proie, mais, à leur grand étonnement, ils ne trouvèrent aucune trace de la tragédie sur la locomotive. Celle-ci restait vierge de toute tache, de tout signe qui aurait pu suggérer sa participation à l’atroce accident.

Intrigués et un peu désorientés, ils se tournent alors vers le mécanicien, l’homme qui dirigeait la bête de fer ce jour-là. Cet homme, habitué à la routine des voyages en train, et pourtant acteur malgré lui de ce drame, les fixe avec des yeux dénués de toute conscience du drame. Il leur assure, avec une conviction déconcertante, qu’il n’a rien vu.

Dans le grand livre des mystères lédocariens non résolus, une nouvelle page vient donc d’être tournée, teintée de tristesse et d’interrogation. Que s’est-il réellement passé ce 7 avril 1938 ? Le mystère demeure…

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