CultureLes échos littéraires d'Annie HuetLittérature

Sabine Wespieser : « L’édition est un exercice d’admiration »

Ce mercredi, au célèbre Fleur de Loire, Annie Huet reçoit Claire Berest pour son nouveau livre “L’épaisseur d’un cheveu », publié aux éditions Albin Michel. L’occasion de faire un retour sur un précédent rendez-vous littéraire, avec Martine Van Woerkens, qui a publié son premier roman : « Les faiseurs d’anges » (Sabine Wespieser éditeur). Une rencontre à l’Hôtel de Ville de Blois avec justement son éditrice, Sabine Wespieser.

Comment est parvenu le manuscrit de la première à la seconde ? Par Nancy Huston, femme de lettres franco-canadienne. « J’aime beaucoup quand les manuscrits arrivent par réseau au sens positif du terme, a expliqué Sabine Wespieser. C’est à dire le réseau par complicité, amitié, partage d’admiration. Concernant Les faiseurs d’anges, j’ai immédiatement été happée par le rythme et cette manière de parler féminisme sans faire passer la femme pour une victime. Ce texte combattant m’a énormément plu. J’ai appelé Martine et nous avons commencé à travailler, parce que je n’avais pas que des compliments à lui faire. Le travail d’un éditeur c’est comme celui d’un acuponcteur : il pointe là où ça fait mal, simplement. Quand je reçois un texte qui commence formidablement, à toute vitesse, je vois la puissance romanesque et l’imagination, et quand il y a des passages de commentaires, je bute, et je le dis à Martine. Je veux que le texte donne le son le plus plein possible. Pour reprendre une expression chère à Claire Keegan, “écrire, ce n’est pas expliquer mais suggérer”. Moi, j’ai ça en tête quand j’édite un texte. La littérature à cette capacité de porter des situations et des mondes à travers une langue, et c’est aussi une façon de construire des personnages, et des dialogues. Je pense au texte avant tout et ma conviction de le livrer aux lecteurs. Je ne pense pas à la réception, et ce qui pourrait plaire. L’édition est un exercice d’admiration. Je fais un travail de passeuse. »

Sabine Wespieser, à la tête de sa maison d’édition éponyme, s’est forgée une réputation dans le monde littéraire grâce à une sélection d’œuvres. Avec environ dix titres publiés chaque année depuis presque 22 ans, elle a su créer un catalogue distinct et remarquable. « C’est très difficile de répondre à la question de la ligne éditoriale car cela reviendrait à me demander comment et pourquoi je choisis des livres, mais je les choisis à l’émotion, à l’admiration, sur des critères de langue. Si je suis devenue éditrice c’est parce que j’étais et je reste une grande lectrice. Une maison d’édition, c’est un lieu, physique, où sont rassemblés des auteurs qui ont des liens les uns avec les autres. Mais, vous parler de mes choix c’est comme faire un portrait chinois. Il y a un catalogue irlandais très fort, un catalogue haïtien aussi, et il y a une ligne de fuite d’émancipation féminine dans ce catalogue. Il y a par exemple des textes où se croisent la question de l’exil, du post-colonial pour le dire autrement, et la question du féminisme. Il y a quelque chose que j’espère cohérent en tout cas. »

Sabine Wespieser

Cette philosophie éditoriale se reflète particulièrement dans la publication de premiers romans, qui représente pour elle bien plus qu’une simple addition au catalogue. Ces œuvres sont vues comme le début d’un voyage littéraire, promettant une évolution et un enrichissement futurs de la littérature. « Ce qui pousse à publier un premier roman, c’est que cela représente le sel du métier. Editer, c’est découvrir, éditer c’est aussi construire un catalogue. Editer un premier roman c’est toujours une promesse, la promesse d’une œuvre en devenir. Là, il y a une décrue dans la publication du premier roman. Et c’est heureux parce qu’il y a eu; pendant quelques années, les vils mercantiles qui se sont emparés du phénomène pour en faire une niche marketing. On a eu des festivals du premier roman, des journaux qui se sont intéressés au premier roman, etc. Je ne parle pas du prix Roblès qui existait bien avant tout ça… Mais il y a eu des années avec 150 premiers romans. Et on s’est rendu compte qu’il n’y avait que 60% de deuxième roman. Petit à petit l’intérêt s’est émoussé. Mais un premier roman c’est un acte fort pour un éditeur. Je ne publie pas juste un texte, je publie le profil d’un écrivain. Cela s’inscrit dans un long terme. »

Dans ses réflexions, Sabine Wespieser illustre la complexité et la beauté de l’édition, mettant en lumière son rôle crucial dans la découverte et la promotion de nouveaux talents littéraires.

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