À Blois, retrouver son souffle avec Respi’RE 41

Il y a des lieux où l’on ne vient pas pour guérir au sens spectaculaire du terme, mais pour mieux vivre. Des lieux où la médecine ne promet pas l’effacement de la maladie, mais propose autre chose : une reprise, un ajustement, une reconquête patiente. À Blois, le centre de réhabilitation respiratoire de l’association Respi’RE 41, au 65 Avenue de l’Europe, fait partie de ces espaces discrets mais essentiels, où le souffle n’est pas un concept abstrait, mais une réalité quotidienne, parfois fragile, toujours déterminante.
Ici, on arrive avec une pathologie respiratoire chronique, installée, souvent ancienne. Une pathologie qui ne disparaît pas, qui ne se règle pas en quelques jours, et qui a déjà commencé à transformer la vie ordinaire : la marche, les escaliers, les courses, la douche, le simple fait de sortir de chez soi.
Une prise en charge ciblée, sur prescription médicale
Le centre Respi’RE 41 n’est ni un lieu de prévention grand public, ni un espace de bien-être au sens vague. Les patients y sont adressés par prescription médicale : pneumologues, médecins spécialistes ou médecins généralistes, dans le cadre d’une pathologie respiratoire chronique identifiée. Ici, la prise en charge est exclusivement respiratoire. Les pathologies rencontrées sont connues, et redoutées : bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), asthmes sévères, bronchites chroniques, sarcoïdoses. Le centre a également accueilli des patients atteints de Covid long, aujourd’hui plus rarement. Plus exceptionnellement encore, des patients greffés pulmonaires, dont le suivi demande une attention particulière.
Dans tous les cas, le point commun est le même : l’essoufflement. Non pas l’essoufflement ponctuel de l’effort inhabituel, mais celui qui s’installe durablement, celui qui accompagne la marche, les gestes simples. « Parfois en marchant, en montant des escaliers, ou même en sortant les courses de la voiture », explique Julien Trassard, président de l’association. Et parfois même au repos

Briser le cercle du déconditionnement
Lorsque le souffle manque, le réflexe est presque instinctif : s’arrêter. Se reposer. Faire moins. Peu à peu, ce mécanisme s’installe. Le corps perd de l’endurance, de la force, et la confiance s’érode. Le cercle du déconditionnement est enclenché. « Le traitement naturel de l’essoufflement, c’est le repos, explique Julien Trassard. Et le problème, c’est que ce sont des gens qui bougent de moins en moins. » C’est précisément ce cercle que la réhabilitation respiratoire cherche à interrompre.
À Respi’RE 41, les patients viennent deux à trois fois par semaine pour des séances d’environ une heure et demie. Le programme est structuré, progressif, adapté à chacun. Il débute par 45 minutes d’endurance sur ergomètres : tapis de marche, vélo, vélo à bras ou rameur. Pour certains patients, un apport en oxygène est nécessaire afin de maintenir une intensité suffisante. L’objectif n’est pas la performance, mais la durée : « Les habituer à faire un effort plus long, gagner en endurance, et se rendre compte qu’ils peuvent tenir », résume le président de l’association.
Après cette première phase, les patients rejoignent la salle de gymnastique et de renforcement musculaire. Mobilisation de la cage thoracique, assouplissement, travail de la colonne, mobilité des bras, renforcement ciblé des membres inférieurs. Chaque exercice renvoie à un geste de la vie quotidienne.

Apprendre à vivre avec la maladie
La réhabilitation respiratoire ne se limite pas à l’exercice. Une part essentielle du travail mené à Respi’RE 41 relève de l’éducation thérapeutique. De nombreux patients sont dits « sécrétants ». Leurs poumons s’encombrent de mucus, favorisant infections et complications. Ils doivent apprendre à réaliser quotidiennement un désencombrement bronchique actif. Julien Trassard insiste sur cet apprentissage : « Ils doivent faire cette toilette bronchique tous les jours, comme on se laverait les dents. Si les sécrétions stagnent, elles finissent par s’infecter. »
Au-delà des gestes techniques, les patients apprennent à reconnaître les signaux d’alerte : fatigue inhabituelle, aggravation de l’essoufflement, modification des sécrétions. À consulter rapidement. À ne pas attendre. « Une grosse infection pulmonaire peut conduire à une hospitalisation, et là on régresse complètement : quinze jours d’hôpital, puis parfois deux mois pour revenir au niveau d’avant. » Comprendre sa pathologie est une condition essentielle pour en rester acteur. Les chiffres, les tests, les paramètres respiratoires cessent d’être abstraits. Ils deviennent des outils de vigilance.
Retrouver de l’autonomie, et plus encore
Les pathologies respiratoires chroniques ont un effet discret mais profond : elles réduisent l’espace de vie. Moins de sorties, moins de rencontres, moins de liens. Pour certains patients, la venue au centre devient la seule sortie hebdomadaire. La réhabilitation permet de retrouver des capacités physiques, mais aussi autre chose : la possibilité de se projeter à nouveau. « À la fin, l’objectif, c’est l’autonomie complète, explique Julien Trassard. Qu’ils puissent reprendre une activité par eux-mêmes : marche, aquagym, club, ou simplement sortir plus. »
La prise en charge fonctionne par cures, avec des bilans d’entrée, intermédiaires et de sortie. Les progrès sont mesurés, mais ils sont surtout ressentis. « Certains commencent très bas sur le tapis de marche, et à la fin ils marchent quarante-cinq minutes à 4 ou 5 km/h. Et parfois, ce sont eux qui demandent à augmenter. »
Une parole de patient devenue engagement collectif
Parmi ceux qui fréquentent Respi’RE 41, Benjamin Salesse incarne un parcours singulier. Atteint d’une fibrose pulmonaire de nature inconnue, il arrive au centre en 2023, après une première hospitalisation, pour se préparer à une greffe. « Je suis venu pour reprendre de la masse musculaire, apprendre les bons gestes, apprendre à respirer avec le ventre, comme les bébés, et à gérer le stress et l’hyperventilation du quotidien », raconte-t-il.
Avant la greffe, ses capacités respiratoires sont évaluées à 30 %. Après l’opération, elles remontent à 60 %. En quelques mois, elles atteignent 70 %. Le souffle revient. L’effort reste exigeant, mais la vie s’élargit : « Aujourd’hui, je fais des randonnées. J’ai fait cent kilomètres sur le chemin de Compostelle. Porter des charges reste compliqué, mais on s’arrange. »
À l’automne, avec d’autres patients, Benjamin participe à la création de l’association des patients de Respi’RE 41, dont il devient président. L’objectif n’est pas médical, mais humain : rompre l’isolement, créer du lien, partager l’expérience vécue.
« Avant la greffe, je mettais quarante minutes pour prendre une douche, et il me fallait une heure pour me reposer. Aujourd’hui, c’est sept minutes. »
Le 22 novembre dernier, une marche a été organisée autour du lac de la Pinçonnière. Malgré le froid, une cinquantaine de personnes ont répondu présent. « On a voulu faire comprendre aux proches ce que c’est que vivre avec une pathologie respiratoire », explique-t-il. Des ateliers étaient proposés : respirer uniquement à travers une paille, le nez pincé, pour faire éprouver la difficulté des gestes simples.
Ne pas être seulement des malades
L’association prolonge donc autrement ce qui se vit déjà au centre. « Il y a des co-patients pour qui c’est la seule sortie hebdomadaire. L’idée, c’est qu’on ne soit pas seulement des malades, mais des humains, des citoyens », souligne Benjamin Salesse. Marches, conférences, rencontres : les projets se dessinent. Sensibiliser les aidants, le public, mais aussi les médecins généralistes, prescripteurs encore trop peu nombreux, dans un territoire marqué par le désert médical.
Un enjeu humain, et collectif
La réhabilitation respiratoire a aussi un impact économique. Une hospitalisation évitée, une infection anticipée, ce sont des coûts réduits pour la collectivité. Mais l’enjeu principal reste ailleurs. Julien Trassard le résume sans emphase : « Les patients se portent mieux, connaissent mieux leur pathologie, évitent les surinfections, et surtout, ils retrouvent une qualité de vie. » Autrement dit, respirer, concrètement. Et, parfois, respirer ensemble.


