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Avec « Corps », Emy Sauvaget mêle politique, colère, humour et subtilité

À l’ALCV, jusqu’au 2 avril 2025, l’illustratrice et graveuse Emeline Sauvaget, alias Emy, expose Corps, un ensemble d’œuvres produites ces trois dernières années. Un travail à la fois politique et poétique, où la représentation du corps devient un espace de lutte et d’émancipation.

Ses premières gravures de la série remontent à trois ans. Les plus anciennes, des encrages, côtoient les plus récentes, dont Posy, achevée il y a moins d’un mois. « On peut voir un vase avec des fleurs. Ça fait référence à une nature morte. Mais en regardant de plus près, le vase est un sein et les petites fleurs sont des vulves », explique-t-elle. Une manière de jouer sur l’ambiguïté, d’interpeller sans frontalité immédiate. Son travail oscille entre plusieurs registres : « Il peut y avoir de la colère, mais aussi de l’humour et de la subtilité. »

Ça mouille, l’une de ses estampes, en est un exemple. « Ce sont des petites vulves dans un décor aquatique. On ne distingue pas tout de suite leur forme, ce qui incite à s’approcher. Et quand on les voit, c’est assez drôle : elles portent des équipements de plongée – palmes, tubas… » L’empreinte féministe est omniprésente, mais le ton varie selon les œuvres.

Désacraliser, détabouiser

La question du corps féminin traverse l’ensemble de son travail, non comme un simple motif, mais comme une revendication. « L’un des messages que je veux véhiculer, c’est la liberté des corps avec une défense de toutes les minorités de genre. » Elle revendique la nécessité de donner une visibilité aux vulves : « Ce n’est pas assez représenté. Dans les manuels scolaires, par exemple, c’est assez récent d’y voir une vulve. À mon époque, les schémas représentaient surtout l’utérus. »

À travers ses œuvres, elle entend déconstruire ce qui relève encore du tabou : « Il y a beaucoup de vulves dans mon travail, parce que c’est un moyen de désacraliser – ou du moins de banaliser – le sexe féminin. » Cette démarche s’étend à d’autres aspects du corps : la pilosité féminine, les menstruations, la pression sociale sur l’apparence. « Tout cela participe à l’idée de libérer les corps, de désacraliser et de détabouiser. »

Un engagement ancré dans l’actualité

Le travail d’Emy Sauvaget est nourri par son vécu et par l’actualité. « Ce que je ressens, ce que vivent mes proches, tout est lié », confie-t-elle. L’art comme exutoire, comme prolongement du débat, parfois comme outil de contestation. « La colère est un sentiment sain, mais il faut aussi prendre du recul avant de réagir à chaud », nuance-t-elle. Loin d’une posture figée, elle revendique une diversité d’émotions.

Emy Sauvaget expo

Le public au sens large comprend-t-il les messages ? Est-il parfois choqué ? « En général, c’est plutôt bien accueilli. Mais certaines personnes ne comprennent pas tout immédiatement, et c’est tant mieux. L’idée, c’est d’interpeller, de faire réfléchir. » Elle l’assume : son art est un déclencheur de discussion. Il arrive aussi que certains hommes se sentent visés. « Il n’y a rien d’offensant dans ce que je fais. Mais certains veulent se sentir montrés du doigt. C’est un peu la phrase ouin-ouin : Ce n’est pas moi, je n’ai rien fait. Ce n’est pas la question. Ce que je propose, c’est d’ouvrir un dialogue. »

Transmission et pédagogie

Car en plus d’être artiste, Emy Sauvaget est enseignante artistique. Dans son travail, la dimension pédagogique n’est jamais loin. Lorsqu’un enfant s’arrête devant sa gravure Vagina Dentata, elle adapte son discours. « Le mythe du vagin denté, c’est la peur des hommes de se faire castrer par les femmes. Mais on peut parler de consentement à travers cette image. » Comment expliquer cette notion à un jeune public ? « Si un copain ou une copine à l’école veut te faire un bisou sans que tu sois d’accord, c’est un non-respect du consentement. » L’essentiel, selon elle, réside dans l’éducation : « L’égalité entre les sexes et la reconnaissance des minorités de genre doivent être abordées à l’école. On grandit tous avec des conditionnements. Déconstruire ces schémas, c’est essentiel. » Mercredi dernier, elle animait un atelier de création d’affiches sur les menstruations à la Maison de Bégon.

Son exposition se poursuivra à l’ALCV jusqu’au 2 avril, avec un décrochage ou dévernissage à 18h. Un rendez-vous à noter dans vos agendas.

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