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Huit ans après la mort d’Angelo Garand, sa famille n’entend rien lâcher

Le 6 mars dernier, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu son verdict. Elle conclut que l’usage de la force par le GIGN lors de l’interpellation d’Angelo Garand, en mars 2017, était « justifié et absolument nécessaire ». Une décision qui referme le volet judiciaire de cette affaire. Mais pour la famille du défunt, cette conclusion n’efface ni la douleur ni les faits. À Blois, samedi 15 mars, ils ont défilé une nouvelle fois, dénonçant une justice « qui ne remet jamais en cause la parole des forces de l’ordre ».

Une arrestation qui tourne au drame

Le 30 mars 2017, Angelo Garand déjeune chez ses parents à Seur. Condamné pour vol aggravé, il n’a pas réintégré le centre pénitentiaire de Vivonne après une permission de sortie accordée quelques mois plus tôt. Ce jour-là, une antenne du GIGN de Tours fait irruption dans la propriété familiale. L’homme de 37 ans a juste le temps de se cacher dans une remise, une pièce sans issue.

L’opération se déroule dans un climat de grande brutalité, raconte Aurélie Garand, sa sœur : « Ils ont mis toute ma famille à terre, menottés dans le dos. » Parents, oncle, frère, belle-sœur et même un enfant de trois ans, personne n’échappe aux interpellations musclées. Pendant ce temps, les forces de l’ordre fouillent. « À aucun moment ils ne demandent où est Angelo. Ils pensent qu’il s’est enfui », poursuit-elle. Un bruit dans la remise trahit la présence du fugitif. Cinq hommes du GIGN se précipitent, entrent dans la pièce, et une salve de coups de feu éclate. Lorsque le silence revient, Angelo Garand est mort. Touché par cinq balles, en plein thorax, tirées par deux gendarmes. Son père, immobilisé à quelques mètres, n’a entendu ni sommation, ni altercation. Juste des tirs et un faible « ah » fatal. Un son qui le hante encore aujourd’hui.

Angelo Garand

Dès le départ, la version du GIGN fait état d’un usage légitime de la force. Selon les gendarmes, Angelo Garand les aurait attaqués avec un couteau après avoir reçu deux décharges de Taser. Enragé, insensible à la douleur, il se serait rué sur eux, obligeant les militaires à tirer.

Une explication que sa famille juge invraisemblable. « Qui peut croire qu’un homme touché en plein cœur, puis aux poumons et aux reins, puisse rester debout ? » interroge Aurélie Garand. Le dossier judiciaire apporte d’ailleurs des contradictions troublantes, affirme la sœur. Certains témoins évoquent des sommations, d’autres non. Certains gendarmes assurent avoir vu le couteau, d’autres pas.

La famille ne nie pas qu’Angelo possédait un couteau. « Mais il était dans sa poche », précise sa sœur. Un élément qui ne change rien à la conclusion des juges. La CEDH a fondé son analyse sur la présence de son ADN sur l’arme, sans retenir l’absence de ses empreintes. « Comme par magie, personne ne l’a vu sur place, et on le retrouve ensuite dans le dossier, bien aligné à côté de son corps », dénonce Aurélie Garand, qui y voit une mise en scène.

Une bataille judiciaire épuisée, un combat politique qui continue

Dès les premiers mois après la mort d’Angelo, ses proches se sont lancés dans une quête de justice. Deux gendarmes du GIGN ont été mis en examen pour « violences volontaires avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Mais dès 2018, le juge d’instruction a conclu à un non-lieu. La Cour de cassation a confirmé cette décision en 2020. Le dernier recours était la CEDH. Son arrêt, rendu début mars, scelle définitivement le volet judiciaire. « La justice a massacré mon frère toute sa vie. Même mort, elle continue », souffle Aurélie Garand.

Désormais, la famille se concentre sur un autre combat : l’abrogation de l’article L. 435-1 du Code de la sécurité intérieure*. Ce texte, adopté en 2017, assouplit les conditions d’usage des armes à feu par les forces de l’ordre. « Il a été utilisé pour la première fois sur la mort d’Angelo », affirme sa sœur. Pour elle, il instaure un « permis de tuer ».

Angelo Garand

Au-delà du cadre légal, la famille Garand pointe une discrimination plus large. « S’ils ont envoyé le GIGN, c’est parce qu’Angelo appartenait à la communauté des gens du voyage », estime Aurélie Garand. Sa lutte continue, sans relâche. Pour dénoncer « les crimes d’État », pour « rendre justice » à Angelo, mais aussi pour « prévenir d’autres drames ». « Depuis huit ans, je ne suis pas dans la rue pour pleurer mes morts, mais pour alerter sur ce que l’État met en place », insiste-t-elle.

Samedi 15 mars, à Blois, la famille Garand et ses soutiens ont marché une nouvelle fois. On trouvait également Awa, la sœur de Babacar Gueye, un homme sénégalais de 27 ans, avait été tué, à Rennes, par les tirs d’un agent de police.


*Texte de l’article L. 435-1

Les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale peuvent, en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée, faire usage de leurs armes dans les cas suivants :

Lorsque des atteintes à la vie ou à l’intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui ou lorsqu’ils sont menacés par des individus armés ;

Lorsque, après deux sommations adressées à haute voix, ils ne peuvent défendre autrement les lieux qu’ils occupent ou les personnes qui leur sont confiées ;

Lorsque, immédiatement après sommations adressées à haute voix, ils ne peuvent contraindre à s’arrêter, autrement que par l’usage des armes, des personnes qui cherchent à échapper à leur garde ou à leur contrôle et qui sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à l’intégrité physique ou à celles d’autrui ;

Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l’usage des armes, des véhicules, embarcations ou aéronefs dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à l’intégrité physique ou à celles d’autrui ;

Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’une personne est sur le point de commettre un ou plusieurs homicides et qu’elle est en mesure de réitérer ces crimes à brève échéance.

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