Le « pas de côté » de Sarah Chiche avec « Les Alchimies »

Invitée par Annie Huet, l’écrivaine Sarah Chiche a présenté jeudi son roman « Les Alchimies » (Seuil), à l’Hôtel de Ville de Blois. L’autrice a pris le temps avant cette rencontre publique de nous expliquer son ouvrage.

« Au départ, j’ai découvert l’étrange histoire du crâne de Goya, explique Sarah Chiche. Francisco de Goya, peintre espagnol, a vécu une première partie de sa vie comme peintre de cour, s’efforçant de plaire aux rois et aux reines par tous les moyens, y compris en épousant sans amour une femme dont la famille était introduite à la cour du roi. Il devient ainsi un peintre prisé des rois et des reines. Puis, en 1792, alors à Séville, il est frappé en pleine rue par un accident neurologique qui le transforme radicalement. Sa peinture s’assombrit, sa palette s’enténèbre, faisant de lui un génie visionnaire, le peintre des désastres de son époque et des suivantes, car ses œuvres évoquent aussi bien les guerres du 19e siècle que nos conflits contemporains. Inquiétant le pouvoir, il finit par s’exiler à Bordeaux, en France, où il vivra, mourra et sera enterré en 1828. Soixante ans plus tard, lorsque l’Espagne souhaite rapatrier le corps de son génie national, on découvre avec stupeur que le crâne de Goya a disparu, un fait véridique devenu l’une des grandes énigmes de l’histoire de l’art. Plusieurs hypothèses émergent : vol par des médecins phrénologues, rapatriement clandestin par un riche mécène, subtilisation par des étudiants en médecine ou même détournement par les tenanciers d’un bar bordelais des années 50 et 60… A partir de ces hypothèses, j’a bâti mon roman. »

C’est sur cette trame que se construit le roman « Les Alchimies », racontant l’histoire de Camille Cambon, médecin légiste en 2022, en pleine crise de l’hôpital public. Femme courageuse et mère d’une adolescente rebelle, elle reçoit un soir un e-mail énigmatique sur Goya et la disparition de son crâne, un sujet qui avait passionné ses parents et son parrain, eux-mêmes médecins à Bordeaux. Camille se rend alors à Bordeaux pour rencontrer l’énigmatique Jeanne, une ancienne directrice de théâtre octogénaire, qui lui révèle des secrets tant sur l’origine du génie de Goya que sur la jeunesse agitée de ses parents et de son parrain. Camille se trouve plongée dans une quête scientifique et passionnelle, révélant des secrets et une société secrète de médecins.

« J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce roman », explique Sarah Chiche, déjà à l’ouvrage pour le suivant. Il est « éloigné de ses écrits plus autobiographiques« . En cela, il représente un « véritable geste littéraire », un « pas de côté », affirmant sa conviction qu’elle n’est pas « assignée à résidence », et que la liberté est essentielle tant dans la vie que dans l’écriture. « Les Alchimies » est une épopée de l’intelligence, explorant les quêtes humaines, des alchimies du texte qui empruntent aux séries médicales, se transformant en thriller, essai sur le génie, puis en roman picaresque. Les transformations de Camille et les amitiés profondes qui se tissent montrent les alchimies de la vie, comment les rencontres nous transforment, soulignant la liberté et la richesse de l’écriture et de l’existence humaine.