Le Prix Roblès 2025 dévoile sa sélection de six premiers romans

Blois, 27 mars 2025. — Par une soirée de lancement, le Prix Emmanuel-Roblès, porté par Agglopolys, a levé le voile sur la sélection 2025 de premiers romans en lice pour l’une des plus anciennes récompenses dédiées aux auteurs émergents. Six ouvrages, six voix nouvelles, un seul objectif : incarner la vitalité d’une littérature en marche.
Dans l’auditorium Samuel-Paty, le public a assisté à un dévoilement à rebours des usages : ni communiqué de presse prémâché, ni annonce impersonnelle, mais une succession de vidéos et de mots portés à voix nue, dans un souci de rencontre. « L’idée, c’était que le public ait en tête que le Roblès est un prix qui existe toute l’année, et pas seulement en juin lors de la remise du prix », explique Émilie Geai, coordinatrice du Prix. Cette volonté d’incarnation, d’inscription dans le temps long, guide chaque étape du dispositif.
Une sélection riche, éclectique, façonnée par la lecture
Les six romans retenus cette année émergent d’un travail de fond. « Le comité de veille, qui est composé de quinze veilleurs, neuf sentinelles et quatre bibliothécaires, a travaillé depuis la fin août jusqu’au 7 février », poursuit Émilie Geai. 244 romans ont été lus, soit 1 029 lectures au total, pour aboutir à cette shortlist. « On essaye de proposer une sélection éclectique, pour qu’elle puisse répondre aux goûts des uns et des autres », justifie-t-elle. Si certains lecteurs regrettent parfois une dominante sombre, l’équipe rappelle qu’elle est d’abord tributaire de la production littéraire contemporaine.
Les six titres retenus cette année dessinent une cartographie variée de la création romanesque. Montaigne – La Boétie, une ténébreuse affaire de Philippe Desan (Odile Jacob) et Bruno et Jean de Pauline Valade (Actes Sud) relèvent, selon Émilie Geai, d’un registre « assez historique ». Dans le premier, Philippe Desan imagine, avec érudition et irrévérence, que Montaigne aurait assassiné son ami La Boétie, son rival politique et l’époux de sa maîtresse. Le second retrace, à partir de faits réels, le destin de Bruno Lenoir et Jean Diot, derniers condamnés à mort pour homosexualité en France en 1750, dans un Paris du XVIIIe siècle reconstitué avec minutie.
Terres promises de Bénédicte Dupré La Tour (Les Éditions du Panseur) s’apparente à un « western ». Ce roman choral nous plonge dans l’Amérique du XIXe siècle, où les trajectoires de personnages en quête de liberté dessinent une fresque humaine marquée par la violence de la conquête.
Histoire de Madame de Rosemonde de Marie-Anne Toulouse (L’Atelier contemporain) s’inscrit dans « le droit fil des Liaisons dangereuses ». Sous forme d’une longue lettre-confession, ce roman donne voix à la tante du vicomte de Valmont, personnage secondaire devenu narratrice principale, dans une prose élégante où s’entrelacent mémoire et clairvoyance.

Le tissu de crin de Jennifer Kerner (Mercure de France) plonge dans « le milieu de la mode ». Situé dans les ateliers de haute couture parisiens des années 1950, ce roman d’atmosphère aux accents gothiques dévoile l’emprise psychologique, les désirs étouffés et les secrets enfouis derrière l’apparat des étoffes.
Enfin, Du verre entre les doigts d’Alix Lerasle (Le Castor Astral) offre un récit singulier « où la maison est un personnage vraiment principal ». Vue à travers les yeux d’une jeune fille, l’intrigue déroule les non-dits d’une famille recluse, dans une maison empreinte de mystères, dont les murs semblent porter la mémoire du passé.
Un prix pensé comme un cheminement
Le Prix Roblès ne s’arrête pas à une annonce. Deux rencontres-débats sont prévues : le 25 avril autour de Montaigne – La Boétie, Le tissu de crin et Du verre entre les doigts ; puis le 23 mai, avec les auteurs de Bruno et Jean, Histoire de Madame de Rosemonde et Terres promises. Ces soirées, ouvertes au public, permettent d’aller au-delà des textes, de tisser le lien si précieux entre l’écrit et le lecteur.
L’édition 2025 se distingue aussi par un pré-lancement, organisé le 27 février dernier, « pour redonner un peu de rythme au prix Roblès », confie Émilie Geai. Et ce soir, la littérature a trouvé une autre voix avec la venue d’Emmanuelle Favier, dont le premier roman Le Courage qu’il faut aux rivières avait marqué les esprits blésois en 2017. Poétesse, romancière, elle incarne ce que le Roblès cherche à semer : une fidélité à l’écriture, un enracinement dans le temps.
Une fête du premier roman
Le Roblès est, selon les mots d’Émilie Geai, « une fête de la littérature. Et nous, notre idée, c’est de participer à cette fête, de mettre en avant ces auteurs de premiers romans, et d’inscrire cette littérature dans le temps pour inciter les gens à lire. » Car le prix, s’il distingue un premier roman, n’a pas vocation à clore une trajectoire, mais à l’ouvrir. « On a aussi très envie de suivre les auteurs une fois qu’ils ont été lancés. Qu’ils aient eu le prix ou non. Évidemment, quand ils l’ont eu, a fortiori. »
La remise du prix aura lieu le vendredi 20 juin à 17h à la Halle aux Grains, à Blois, en présence des auteurs sélectionnés. La rencontre sera animée par Matthieu Garrigou-Lagrange, producteur à France Culture, et sera suivie d’un cocktail et d’une séance de dédicaces.èyu-
En attendant, les six romans poursuivent leur chemin entre les mains des lecteurs, appelés à voter. Et c’est bien cela, la plus belle récompense pour un premier livre : être lu, débattu, défendu, dans la clarté d’une bibliothèque ou à la lumière d’une lampe de chevet.
Le Comité des élus d’Agglopolys, dans lequel on trouve Yann Laffont, Isabelle Soirat, Mathilde Desjonquères, Claire Louis, ou Corinne Garcia, va se livrer à cet exercice. « Je suis un lecteur très régulier, nous confie Yann Laffont, mais sans doute pas de ce genre, je lis assez peu de premiers romans. Et je pense que je serais passé à côté de la grande majorité des livres de la sélection. Donc c’est pour ça que je participe avec grand plaisir à ce comité, parce que ça me permet d’aller vers des livres à côté desquels je serais totalement passé. Par exemple, j’ai été absolument passionné il y a deux ans par Fantaisies guérillères.«
Claire Louis abonde : « Je suis plutôt une grande lectrice. Mais il y a eu toute une période de ma vie où je me suis complètement arrêté de lire. Prise par les écrans, par les téléphones, notamment quand j’étais étudiante… Je ne lisais plus que des livres en rapport avec mes cours, mais plus rien d’autre. Et donc je me suis inscrite aux communautés de lecteurs du Roblès, notamment pour me remettre à lire. Et ça a bien fonctionné. Cela me permet de découvrir un panel de langues, de styles. » Cela « nous permet de nous rencontrer différemment, parce qu’on se voit beaucoup en réunion les uns les autres, observe Corinne Garcia. Se mettre à parler de littérature ensemble, forcément, ça nous donne accès à d’autres choses. Ecouter les avis des uns et des autres est très intéressant. »
« Au début, j’ai hésité à entrer dans le comité, admet Isabelle Soirat, parce que se forcer à lire six romans sur un laps de temps quand même assez court, quand on est déjà pas mal occupé… je reconnais que je me fais violence. Mais finalement, je trouve ça très enrichissant. »