Quartier de la Quinière : visite, histoire, mémoire et transformation
Ce vendredi 11 octobre, une bonne cinquantaine d’habitants et de curieux s’est rassemblée devant l’Espace Quinière-Rosa Parks, à Blois, pour une visite guidée du quartier qui fête ses 60 ans. Organisée dans le cadre des Rendez-vous de l’Histoire 2024, cette visite, menée par Pascale Le Bourhis, guide-conférencière, s’inscrit dans un projet plus vaste visant à redonner aux habitants le pouvoir d’agir sur leur environnement, en explorant les racines historiques et les transformations sociales et urbaines du quartier.
Le quartier de la Quinière, autrefois une zone rurale et forestière, a connu une urbanisation accélérée, tout en s’inscrivant dans une dynamique plus large de transformation sociale, architecturale et industrielle qui reflète l’évolution des villes françaises après la Seconde Guerre mondiale.
Les premiers pas : une plongée dans l’histoire
Dès les premières minutes, Pascale Le Bouhris plante le décor : « Quinière était une zone très végétalisée qui, dans les années 70, a été transformée en quartier résidentiel, dans une démarche de construction plus maîtrisée, loin des barres d’immeubles typiques des ZUP », explique-t-elle en pointant une carte.
Cette évolution urbaine est liée aux grandes mutations démographiques et industrielles qui ont frappé la ville de Blois après la guerre. Le secteur a vu l’implantation d’entreprises comme Air-Équipement* et la Biscuiterie Poulain. Pascale rappelle que ces entreprises ont été des acteurs clés dans le développement industriel de Blois. « Air-Équipement s’est installée ici en 1938 pour produire des trains d’atterrissage pour des bombardiers », raconte-t-elle, évoquant les 800 employés que comptait l’usine dans les années 90. La décentralisation des entreprises sensibles à l’aéronautique pendant la guerre a fortement marqué le paysage urbain de Blois.
Une urbanisation maîtrisée : la naissance de la ZAC
Le quartier a pris son essor grâce à une ZAC (Zone d’Aménagement Concerté), mise en place sous l’impulsion de Pierre Sudreau, alors maire de Blois, et figure clé du développement urbain de la ville. Contrairement aux constructions démesurées de la ZUP, la ZAC de Quinière avait pour but d’harmoniser logements collectifs et individuels. « L’objectif était de créer des espaces plus humains, de taille plus réduite, tout en préservant des espaces verts entre les bâtiments », poursuit Pascale en désignant les différents immeubles qui jalonnent le quartier.
L’un des défis majeurs est de faire sortir les habitants de Quinière, les amener à se rencontrer et à créer du lien. Ce constat est à l’origine de nombreux projets culturels et sociaux menés par des associations locales telles que l’ALEP (Association pour les Loisirs et l’Éducation Populaire), observe Sophie Delaune, directrice de l’Espace Quinière-Rosa Parks. L’implication des habitants dans la vie de leur quartier est au cœur du projet de transformation actuel.
Les fresques : un symbole d’unité et de futur commun
La visite s’achève devant la dernière des quatre nouvelles fresques. Laurianne Hueber, coordinatrice Cultures du Cœur 41, explique leur signification : « Ces fresques ont été conçues pour représenter l’unité et offrir une vision commune du futur du quartier. » Elle évoque également l’importance d’avoir plusieurs fresques disséminées dans différents endroits, afin qu’elles accompagnent les habitants dans leurs déplacements quotidiens et qu’elles ne morcellent pas le quartier, mais au contraire, le rassemblent.
Le quartier de la Quinière fait actuellement l’objet d’un projet de transformation visant à revitaliser son tissu social et à renforcer son identité. Inscrit parmi les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) depuis le début de l’année 2024, Quinière bénéficie d’une attention particulière.
Dans le cadre des Rendez-vous de l’histoire toujours, avec pour thème « La Ville », les 60 ans du quartier de la Quinière ont été l’objet d’une table ronde à l’Espace Quinière-Rosa Parks. Pour Benjamin Vételé, adjoint au maire chargé de la politique de la ville et ancien habitant de la Quinière, invité de la table ronde, le quartier est associé à de nombreux souvenirs personnels. Il a raconté son enfance, marquée par la transformation progressive du quartier : « Quand je suis arrivé ici à l’âge de six ans, il y avait encore des terres agricoles. J’ai vu la fin de cette transformation, mais ce qui m’a frappé, c’est que le quartier n’a pas beaucoup changé depuis les années 1990. Il y a une certaine continuité. Il n’a pas physiquement changé depuis des décennies, ce qui peut donner l’impression d’un abandon. Mais cela peut aussi témoigner de la qualité de l’aménagement réalisé à l’époque ». Cette stabilité physique contraste avec les évolutions sociales du quartier. En outre, Benjamin Vételé a évoqué l’absence d’interactions significatives entre la Quinière et les quartiers voisins, comme la ZUP : « Il y avait peu d’interactions avec la ZUP, malgré la proximité. La Quinière est un peu en retrait du reste de la ville. »
L’élu a rappelé l’importance des équipements publics, tels que les écoles et les espaces verts, qui jouent un rôle clé dans la stabilité du quartier : « Ce sont ces repères qui ont permis au quartier de traverser les décennies. Il reste un lieu où il fait bon vivre. » D’ailleurs la Quinière n’a pas connu les émeutes urbaines, contrairement à d’autres quartiers. « Cela montre que le quartier a su conserver un certain équilibre social. »
Le quartier de la Quinière a encore beaucoup à offrir. Il a gardé ses repères — écoles, espaces verts, services publics — et cette stabilité est un atout. Il est temps de réfléchir à comment le faire évoluer pour répondre aux défis du XXIe siècle, tout en respectant son histoire.
*Air-Équipement, fondée en 1938 à Blois, est devenue un acteur majeur dans l’industrie aéronautique française, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale. Le camp des Allées, situé non loin, protégeait l’usine contre des attaques et des sabotages. Spécialisée dans la production de trains d’atterrissage pour bombardiers, l’usine a joué un rôle clé pour la défense nationale, bien qu’elle ait été contrainte de travailler pour la Luftwaffe sous occupation allemande. Les ouvriers de l’usine, cependant, ont mené plusieurs actions de sabotage contre les nazis. Air-Équipement a également mis en place des œuvres sociales pionnières pour ses employés, comme des colonies de vacances et des excursions familiales. Après la guerre, l’usine a continué à prospérer jusqu’à sa fermeture en 1991.