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Poulain : une histoire chocolatée qui a fait recette à Blois

A Blois, l’usine Poulain n’est pas qu’une simple fabrique de délices chocolatés ; elle est le symbole d’une histoire passionnante, tissée dans le tissu même de la ville et de ses habitants.

Des débuts humblement prometteurs

Victor-Auguste Poulain, dixième enfant d’une famille de paysans de Pontlevoyn’était pas d’une forte constitution durant sa tendre jeunesse. Ce fut sa chance, car ses parents ont en conséquence préféré l’envoyer à l’école de ses 6 à 9 ans plutôt que dans les champs pour y travailler. C’est peut-être là que s’est dessiné son destin d’entrepreneur ambitieux, d’industriel moderne et d’inventeur avec du flair.

Placé comme commis d’épicier à Bléré en 1834 puis à Blois en 1836, il devient à 12 ans commis à Paris, au « Mortier d’Argent », une célèbre épicerie de luxe rue Monsieur le Prince. Le jeune Victor-Auguste y découvre le cacao et rapidement économise dans l’idée d’ouvrir sa boutique. Pendant dix années, il officie dans la production du chocolat. La fabrication est encore artisanale, le chocolat est alors vendu sous la forme de boudins. En 1847, Victor-Auguste fonde sa première épicerie, à Blois, rue Porte Chartraine. Il a 22 ans. En 1848, la marque Poulain nait.

Malgré la concurrence, par des brevets de préparation en 1852 (le numéro 13218 pour une préparation de chocolat), par une mécanisation (1855), par la participation à des expositions (où il primé), l’entrepreneur fait vite monter la marque. Et c’est ainsi qu‘il ouvre la célèbre usine blésoise, (logiquement) proche de la gare, en 1862. Car ce sont des centaines de tonnes qui quittent le site de production. Du chocolat, sous la forme de tablettes ou de poudre, de bouchées ou encore de préparations pour le petit déjeuner.

Innovation architecturale et industrielle

L’usine de Blois est un chef-d’œuvre architectural, illustrant le génie industriel du XIXe siècle. Avec ses structures innovantes et son utilisation audacieuse du béton armé, l’usine a incarné le progrès et l’ingéniosité. Les colonnes évasées, une particularité architecturale remarquable a éliminé le besoin de poutres, symbolisant ainsi un mariage entre esthétique et fonctionnalité.

Un château sort de terre

Veuf depuis 1864, Victor-Auguste Poulain est un homme d’affaires au sommet. Il commande pour l’illustrer sa réussite sociale un petit château (1872), proche de l’usine afin de continuer à surveiller la production. Côté rue et ateliers, on voit une cour d’honneur, côté Loire, c’est un jardin à la française qui sort de terre. Son fils, Albert, prend la main à compter de 1874.

Impact économique et social sur Blois

L’usine a joué un rôle crucial dans l’économie de Blois, offrant des emplois stables et contribuant à l’essor économique de la région. Des générations de Blésois ont travaillé dans ses ateliers, créant un lien indélébile entre la ville et la marque Poulain.

L’évolution du marketing et de la publicité

Poulain a été un pionnier dans le marketing et la publicité, avec ses campagnes innovantes et ses stratégies de branding. Pour exemple, dans les produits on peut trouver, à compter de 1860, des images éducatives marketées. Le slogan « bon chocolat loyal » imprègne. Quand ses produits sont copiés, la société Poulain répond par une campagne de presse avec la formule : « Goûtez et comparez avec les meilleures fabriques de France » (1861). Ce qui aboutira à un autre célèbre slogan : « Goûtez et comparez » (1863). Le fait est majeur puisque certains considèrent que ce fut là, la première campagne de réclame d’envergure nationale, mais aussi la première publicité comparative. En 1864, il innove avec le « déjeuner universel », autrement dit, un chocolat à cuire. En 1865, Poulain invente le cacao en feuille, ancêtre de la tablette que nous connaissons tous. Le chocolat commence à se déguster avec Poulain.

La transition vers une nouvelle génération

Albert Poulain, bien que jeune, hérite des compétences entrepreneuriales et du sens des affaires de son père. Il est déterminé à perpétuer la réussite de l’entreprise familiale et à innover dans le secteur du chocolat. Sous sa direction, la marque Poulain continue de prospérer et d’étendre sa notoriété à l’échelle nationale.

En 1885, Albert décide de moderniser l’usine de production en introduisant de nouvelles machines et en améliorant les processus de fabrication. Ces améliorations permettent à l’entreprise de répondre à la demande croissante et d’accroître sa capacité de production.

Un empire du chocolat qui perdure

En 1893, Poulain lance la célèbre gamme de chocolats « Orangettes », qui connaît un succès immédiat. Les Orangettes sont des bâtonnets d’écorces d’orange confites, enrobés de chocolat noir, un mélange de saveurs à la fois doux et amer qui séduit les consommateurs. Cette création est rapidement suivie par d’autres innovations gourmandes, comme les « Merveilles de Poulain » en 1897, des pralines enrobées de chocolat au lait.

Le XXe siècle apporte de nouveaux défis et opportunités pour la marque Poulain. L’entreprise continue de croître et d’innover, en diversifiant son offre de produits et en adoptant des techniques de marketing toujours plus efficaces. Les publicités Poulain, qui jouent sur la nostalgie et le savoir-faire français, contribuent à renforcer l’image de la marque auprès du grand public.

La reconstruction et l’adaptation aux temps modernes

La nuit du 7 au 8 juillet 1918 restera à jamais gravée dans les mémoires de Blois, en raison d’un événement tragique : l’incendie ravageur de la prestigieuse Chocolaterie Poulain.

Les flammes embrasèrent le ciel nocturne et tout ce qu’elles rencontraient sur leur passage, semant la panique dans les rues de la ville. Les stridences aigües des sirènes des camions de pompiers ajoutèrent à l’atmosphère anxiogène qui régnait. Cependant, l’aide arriva rapidement grâce à l’efficace intervention d’un contingent de soldats américains stationnés dans la caserne voisine. Leur collaboration est restée gravée dans les annales : manœuvrant avec maestria les tuyaux d’arrosage, dirigeant les jets d’eau et évacuant les matières dangereuses avec une rapidité déconcertante. Cette bataille contre les flammes se poursuivit pendant près de trois heures, épuisant les courageux pompiers.

Enfin, l’incendie fut maîtrisé, laissant derrière lui la chocolaterie en ruines et en cendres. Pourtant, l’esprit de reconstruction était déjà à l’œuvre car la chocolaterie fut entièrement restaurée en seulement 12 mois.

1918 voit la disparition de l’homme de la maison, Victor-Auguste, parti rejoindre les étoiles depuis son château. L’année suivante, l’achat d’une usine à Strasbourg permet de redresser la barre.

Aujourd’hui, la marque Poulain est devenue synonyme de tradition, de qualité et de gourmandise. La figure de Victor-Auguste Poulain et l’histoire de l’entreprise sont profondément ancrées dans la mémoire collective des habitants de Blois et des amoureux du chocolat en général. Sous la direction d’Eurazeo, l’usine Poulain s’engage dans des pratiques durables et innovantes, préservant son héritage tout en embrassant les tendances actuelles de l’industrie.

L’histoire de l’usine Poulain est ancrée dans la mémoire collective de Blois. Les archives visuelles et les témoignages d’anciens employés témoignent de l’empreinte indélébile de l’entreprise sur la ville. Elle dépasse la simple production de chocolat ; elle est le symbole d’une époque, d’une ville et de son peuple. Son histoire est celle d’une innovation constante et d’une adaptation réussie, un chapitre fascinant de l’histoire industrielle française.

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