Qu’est-ce que le “Bliss Point” ou point de félicité ?

Les industries agroalimentaires ont développé des stratégies sophistiquées pour fidéliser les consommateurs à leurs produits ultra-transformés. Ces méthodes, issues à la fois des sciences alimentaires et du marketing, exploitent des mécanismes neurobiologiques, sensoriels et comportementaux pour inciter à une consommation répétée. À travers la composition chimique des aliments, l’influence sur le cerveau et des techniques publicitaires ciblées, ces entreprises façonnent des habitudes alimentaires difficiles à modifier. Le concept de “Bliss Point”, ou point de félicité, illustre cette approche.
Développé par des chercheurs en sciences alimentaires, ce principe définit le ratio optimal entre sucre, gras et sel pour maximiser le plaisir gustatif sans provoquer de saturation. Cet équilibre précis favorise une consommation compulsive, car il stimule les circuits de récompense du cerveau sans entraîner une sensation rapide de satiété.
Parallèlement, les fabricants ajoutent des exhausteurs de goût tels que le glutamate monosodique (MSG), des arômes artificiels ou encore des agents de texture qui rendent les aliments plus attractifs. Les chips, sodas ou crèmes glacées sont ainsi conçus pour offrir une texture croustillante ou fondante qui renforce leur attrait sensoriel. En outre, des sucres cachés, présents sous des formes variées comme le sirop de glucose-fructose ou la maltodextrine, prolongent l’envie de consommer en déclenchant des pics de glycémie qui entretiennent un besoin récurrent de sucre.
Une absorption rapide qui stimule les circuits cérébraux
Les aliments ultra-transformés sont généralement conçus pour être assimilés rapidement par l’organisme, générant ainsi des réactions physiologiques qui incitent à une consommation répétée. Leur index glycémique élevé provoque une hausse brutale du glucose dans le sang, entraînant une libération accrue de dopamine, un neurotransmetteur associé au plaisir et à la récompense. Ce mécanisme est comparable aux effets observés lors de la consommation de substances addictives.
Par ailleurs, ces aliments sont souvent pauvres en fibres et en protéines, éléments essentiels pour ralentir l’absorption du glucose et favoriser la satiété. En leur absence, la sensation de faim réapparaît plus vite, incitant à une prise alimentaire plus fréquente. Certains additifs, comme les émulsifiants et édulcorants artificiels, peuvent également perturber le microbiote intestinal et altérer la régulation des signaux de faim et de satiété.
Des stratégies marketing omniprésentes
Tout cela ne se limite pas à la composition des produits. Les marques mettent en œuvre des stratégies marketing ciblées pour ancrer leurs produits dans les habitudes de consommation. La publicité joue un rôle central en associant les aliments ultra-transformés à des émotions positives comme le réconfort ou la convivialité. Les emballages sont également pensés pour capter l’attention, avec des couleurs stimulantes comme le rouge et le jaune, fréquemment utilisés par des marques telles que McDonald’s, Lay’s ou Coca-Cola.
Les entreprises s’appuient également sur des formes de marketing indirect, notamment à travers le placement de produits dans les films, les partenariats avec des influenceurs ou les accords de sponsoring avec des sportifs de renom. En parallèle, la stratégie de distribution vise à maximiser l’accessibilité de ces produits. Les formats individuels, les offres promotionnelles de type « 1 acheté = 1 offert » et l’omniprésence en rayon renforcent la tentation et la consommation impulsive.
Une dépendance ancrée dans le comportement
L’addiction aux aliments ultra-transformés est aussi façonnée par des mécanismes comportementaux qui encouragent la répétition de leur consommation. L’habitude et la répétition jouent un rôle clé, notamment lorsque ces aliments sont introduits dès l’enfance. La familiarisation précoce avec ces produits crée des préférences alimentaires difficiles à modifier à l’âge adulte.
Le conditionnement passe aussi par des rituels sociaux qui intègrent ces aliments dans le quotidien. Exemple, les chips à l’apéritif. Enfin, la conception même des produits favorise leur surconsommation. Les formats pratiques et refermables permettent une prise alimentaire continue, tandis que la légèreté et la texture fondante de certains snacks réduisent la sensation de satiété, conduisant ainsi à une consommation accrue.
De nombreuses études alertent sur les effets délétères de ces produits sur la santé, mais la résistance des industriels à toute réglementation stricte limite encore les possibilités d’une véritable prise de conscience collective. Rappelant ainsi ce qu’il s’était passé avec le tabac.