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Blois adhère à l’ANVITA au terme d’un vif débat

Comme la Région Centre-Val de Loire, Tours ou Bourges, la Ville de Blois devient – suite à un vote lundi lors du conseil municipal – adhérente de l’Association Nationale des Villes et Territoires Accueillants (ANVITA) qui rassemble des collectivités territoriales et des élus locaux en France pour promouvoir des politiques d’accueil inconditionnel, notamment pour les publics exilés. Marie-Agnès Feret, adjointe à la ville solidaire, représentera Blois dans cette association.

Fondée en 2018, l’ANVITA vise à créer un réseau d’échange de pratiques, à capitaliser sur des dispositifs et programmes d’accueil, et à construire une stratégie de plaidoyer commune pour défendre l’accueil digne sur les territoires français​​. L’association offre divers services, y compris des formations, des cartographies et des accompagnements personnalisés pour les collectivités. 

Evidemment, le vote d’adhésion a été précédé par des discours musclés et des affrontements. Onze interventions au total. Ainsi, Malik Benakcha (LR) a là aussi ouvert le bal lors du conseil municipal. « Que la ville de Blois soit une terre d’accueil, compte tenu de son histoire, et je ne vois aucune objection à cela, a précisé en préambule l’élu de droite. Mais nous pouvons rester une terre d’accueil sans nécessairement adhérer à cette association. En analysant la charte à signer, une phrase en particulier semble choquante, elle parle d’accueil inconditionnel. Mais une société inclusive est précisément celle qui établit des règles. Il est illusoire, voire utopique et dangereux, de militer pour des politiques favorisant un accueil inconditionnel. En défendant un accueil inconditionnel, vous prônez en réalité un accueil désorganisé. En souhaitant adhérer à cette association, vous tombez dans une forme de démagogie. Cette délibération que vous proposez semble vouloir utiliser les fonds publics pour financer une association partisane d’extrême gauche, qui a perdu pied sur la question de l’immigration.« 

Michel Chassier, l’élu RN, s’est également opposé à l’adhésion de Blois à l’ANVITA. « Cette délibération va à l’encontre du souhait largement exprimé par les Français d’un meilleur contrôle de l’immigration, a estimé Michel Chassier. Vous faites référence à l’accueil de réfugiés fuyant des situations d’extrême danger ou conflit, mais nous savons tous que, statistiquement, la grande majorité des immigrants qui viennent en Europe le font essentiellement pour bénéficier de meilleures conditions de vie. Ce qui se passe, c’est qu’il y a des associations, des passeurs, des organisations qui vont les recruter jusque dans leur village, notamment dans le cas de l’Afrique subsaharienne. Ils les recrutent et ensuite, c’est toute la famille ou le clan qui paie le passage, parce que dès qu’il y en a un qui est passé, c’est un point d’entrée pour que la famille puisse suivre plus tard. Donc, nous sommes dans un système organisé et, effectivement, plus on continue, plus on aura de problèmes. »

Côté majorité, Yann Bourseguin a voulu « ne pas tomber dans la démagogie » mais plutôt « adopter une démarche pédagogique » par ces mots : « L’accueil inconditionnel ne signifie pas l’absence de règles pour entrer sur le territoire. L’accueil inconditionnel, tel que je le conçois, est similaire à l’intervention d’un pompier qui, appelé pour une urgence, porte secours de manière inconditionnelle, indépendamment des papiers de la personne en danger. Un accueil conditionnel sous-entendrait qu’il est politiquement acceptable de laisser des gens mourir de faim ou de froid sur notre territoire, ou que des enfants de parents en situation irrégulière ne soient pas scolarisés. Nous devrions tous, de gauche, de droite ou du centre, nous réjouir de principes fondamentaux tels que l’éducation pour tous et le logement pour tous, principes qui ont été soulignés lors du 70e anniversaire de l’hiver 1954 et de l’action de l’Abbé Pierre. »

L’écologiste Nicolas Orgelet a témoigné de son indignation de voir LR si proche du RN. « Rappelons quand même que, en tant que républicains, nous sommes d’accord sur le fait que l’un des principes fondamentaux de la République est que les êtres humains naissent et demeurent libres et égaux en droits dans tous les domaines. Les pouvoirs publics se doivent de garantir ces droits fondamentaux sans discrimination ni favoritisme. C’est sur cette base que notre République est construite, a souligné l’élu. Être républicain aujourd’hui, c’est assumer clairement une opposition à la loi sur l’immigration qui va à l’encontre de nos valeurs républicaines d’égalité, de fraternité et de liberté, face au repli sur soi et aux discours mortifères. »

Frédéric Orain, qui fait partie de la liste socialiste aux Européennes, a exprimé une forme de consternation : « Je pensais qu’il y avait consensus entre nous. En effet, nous sommes tous entrés dans cette salle en passant sous le signe de la devise de la République : Liberté, Égalité, Fraternité. Certains semblent avoir oublié cela. Il est vrai que le RN avait proposé dans son programme présidentiel de supprimer cette devise pour remplacer ‘Fraternité’. Cela me rend triste, et je suis attristé de voir que les Républicains portent ce nom. Je suis vraiment déçu que les LR, un parti qui fut jadis celui du Général De Gaulle, avec une vision élevée de la nation française, en soient réduits à cela. Et, je voudrais revenir sur deux points. Vous parlez de ‘zones de non-droit’ à Blois. Je ne peux pas laisser passer cela sans réagir. La police municipale intervient partout, tous les jours, et il n’y a aucune zone où elle n’a pas le droit d’aller. Quant au lien entre la circulation des voitures et les immigrés, je cherche toujours le rapport. Je pense que je peux chercher longtemps sans trouver de réponse. »

Conseiller municipal de la majorité, Ozgur Eski a interpellé l’opposition de droite : « Malik Benakcha et Michel Chassier, il faut être un peu humains quand même ! Ce n’est pas une loi pour accueillir ‘toute la misère du monde’ comme vous le dites tous les deux, c’est une adhésion à une association ! » C’est ensuite Rachid Meress qui s’en est pris à l’élu RN en ces termes : « Vous êtes d’extrême droite, tandis que je suis de gauche. Nous ne sommes pas d’accord. Monsieur, je voudrais vous rappeler quelque chose dont nous avons déjà discuté. Vous avez tendance à adopter une certaine posture lors des commémorations, ce qui m’a toujours interpellé. Un jour, nous avons échangé sur ce sujet, et vous m’avez confié que votre père s’était battu pour la France. Paix à son âme. Parmi ses frères d’armes, il y avait des Sénégalais, qui sont enterrés au cimetière de Vienne. Alors, juste au nom de ces valeurs, celles de notre République et de ce qu’elle représente, je tenais à vous dire cela. Mais bon, je sais que cela peut entrer par une oreille et sortir par l’autre, c’est votre affaire. »

Elue de la majorité, Claire Louis a également fait entendre sa voix : « J’aimerais qu’on m’explique ce qu’est une politique migratoire réaliste. Ce que vous proposez, ainsi que ce que proposent vos partis, ne permet pas de réguler les entrées sur le territoire. Cela ne fait qu’accroître la pauvreté et l’exclusion. Nous voyons des familles à la rue, des femmes avec de très jeunes enfants, pour lesquelles la ville de Blois a dû, à un moment donné, trouver des moyens d’hébergement. Au-delà des déclarations et des grandes phrases, j’aimerais savoir comment nous gérons aujourd’hui les personnes arrivées à Blois qui se retrouvent dans une misère absolue, sans les moyens adéquats fournis par l’État pour un accueil digne. Cette association est un réseau d’élus, un espace où Marie-Agnès, qui représente la ville, peut échanger avec d’autres collectivités. Cela pourrait permettre de découvrir ce qui se fait ailleurs et comment améliorer l’accueil. Nous adhérons à de tels réseaux parce que nous avons besoin les uns des autres, de nous entraider sur des sujets que l’État ne prend malheureusement plus en charge. Monsieur Chassier, dans votre intervention, à part relayer des rumeurs et de fausses informations, je ne vois pas ce que vous avez apporté de concret. »

Sylvain Giraud, associé à la majorité présidentielle, est intervenu à son tour, dans ce sujet inflammable, ne voyant là qu’une adhésion à une association qui cherche à partager des pratiques et retours d’expérience. Toutefois, il a regretté ce qu’il voyait comme une tentative de polarisation. « Lorsqu’on défend l’accueil et certaines valeurs, il ne faudrait pas systématiquement pointer du doigt ou mettre en avant l’ennemi selon nos convenances. Cette approche ne contribue pas à une réflexion constructive. Il est essentiel de comprendre que ces échanges de bonnes pratiques ne visent pas à créer des fronts opposés. »

Alors, Yann Laffont (Europe-Écologie-Les Verts – Blois naturellement) a apporté sa pierre au débat politique, en opposition avec le Rassemblement National. « Monsieur Chassier mentionnait tout à l’heure que tous les migrants ne fuyaient pas des pays en guerre. En effet, ils ne fuient pas uniquement la guerre, mais aussi la misère et l’incapacité de se nourrir, causées en partie par la désertification. On sait désormais que la désertification est provoquée par le réchauffement climatique, lui-même résultant des émissions de gaz à effet de serre. Ces émissions sont principalement le fait des pays développés, une réalité que Monsieur Chassier continue d’ailleurs de contester farouchement. Les causes ne sont pas uniques : la désertification empêche de cultiver la terre pour se nourrir, et les bateaux-usines exploitent sans vergogne les ressources halieutiques. Ayant vécu plusieurs années au Sénégal, j’ai vu de mes propres yeux que les jeunes pêcheurs sénégalais ne peuvent plus pêcher suffisamment de poissons pour nourrir leur famille et assurer un revenu minimal, car il n’y a tout simplement plus de poissons à cinq ou dix kilomètres des côtes. Ces bateaux-usines sont le symbole absolu de la mondialisation libérale, que Monsieur Benakcha défend par ailleurs. Donc, oui, mille fois oui, nous, Occidentaux, avons la responsabilité de réparer une partie de ce que nous avons causé, en offrant un accueil inconditionnel à ceux qui parviennent jusqu’à nous, malgré tous les périls. »

Enfin Gildas Vieira, qui vient de créer Kama Afrique Vision, a embrayé sur cette ligne avant le vote à l’issue favorable : « Il est important de réaliser que, dans ces pays, la situation n’est pas uniquement une affaire de passeurs, bien qu’ils jouent un rôle non négligeable. Les jeunes vivant dans ces nations ne voient souvent aucun avenir chez eux : manque d’emploi, parfois un seul repas par jour, et un sentiment d’inactivité quotidienne. Ils envisagent l’Europe comme une échappatoire pour subvenir aux besoins de leur famille, même si cela implique de miser sur un salaire minime. Mettez-vous un instant à leur place, dans une situation aussi désespérée, et demandez-vous ce que vous feriez. Certains diront qu’ils devraient rester dans leur pays, mais rappelons que ces pays ont été colonisés par la France, entre autres, donnant ainsi aux ressortissants de ces nations une raison de considérer la France comme une destination potentielle. Il ne faut pas oublier que les 14 pays de la zone franc figurent parmi les plus défavorisés d’Afrique. Il est essentiel de se poser les bonnes questions. Il ne s’agit pas d’accuser la France de tous les maux, mais de reconnaître sa part de responsabilité. Plutôt que de perpétuer une relation néocoloniale, pourquoi la France ne travaillerait-elle pas à favoriser l’émergence de ces pays d’Afrique subsaharienne? Le débat est politique, certes, mais il est temps d’aborder ces questions de manière ouverte. »

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